La dématérialisation n’est pas aussi récente qu’on se l’imagine et ne se limite pas au simple remplacement d’un document papier par un support numérique. Retour en pratique sur un phénomène méconnu qui concerne entreprises, administrations, clients, salariés ou usagers.

Si la notion de dématérialisation peut paraître complexe aux yeux du grand public, elle poursuit pourtant un objectif simple : faciliter le quotidien. De l’invention de l’écriture au stockage informatique, elle est consubstantielle à l’histoire des grandes inventions. Mais depuis le début du siècle, tout est de plus en plus rapide. Les années Covid ont encore accéléré le phénomène avec une redistribution de la localisation des employés – télétravail, flex office…  – et le besoin accru de collaboration et d’échange à distance. La dématérialisation est aussi portée par des considérations environnementales et la remise en question de certains comportements et modes de consommation. La démarche "zéro papier" s’inscrit ainsi souvent dans la stratégie RSE des entreprises. Logique puisque le papier reste le consommable le plus utilisé en entreprise : 3 déchets sur 4 sont constitués de papier et chaque salarié en "consomme" environ 80 kilogrammes par an.

Gains de temps, de place et d’argent

Pour parvenir à leurs fins, les entreprises ont accès à une large palette d’outils informatiques. La gestion électronique de documents est le cœur de ce système avec une solution de stockage ou d’archivage. On peut y ajouter les fonctions de signature électronique, d’horodatage ou la lecture automatique de document (LAD). La numérisation des documents apporte la possibilité d’optimiser les processus et de faire de substantielles économies. Il devient possible d’automatiser certaines tâches des salariés. Par sa fiabilité, elle réduit les coûts dans l’entreprise et diminue les tâches à effectuer tout en raccourcissant le cycle d’acquisition ou d’échange des documents. L’accès aux documents est facilité et les contenus dématérialisés sont plus aisés à utiliser et à manipuler. Autre atout, plus besoin de stocker des montagnes de paperasse, ce qui permet de larges gains d’espace en remplaçant les espaces d’archivage par un ou deux ordinateurs, voire aucun avec un archivage dans le Cloud.

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Améliorer le service qualité

La dématérialisation s’applique à tous les processus de l’entreprise et à tous les secteurs d’activité. Prenons un exemple parmi d’autres, celui de HL Technology, une société suisse spécialisée dans les mécanismes de micro-précision du secteur médical et dentaire. Le groupe dont le siège se situe à La-Chaux-de-Fonds dans le canton du Jura a opté pour une plateforme de gestion documentaire basée sur les métadonnées pour informatiser son système qualité. "Dans le cadre de sa stratégie de digitalisation entamée en 2018 avec la dématérialisation des ordres de fabrication, HL Technology a souhaité étendre son utilisation de M-Files à l’informatisation du système qualité, avec l’intérêt de miser sur un seul outil de gestion de l’information pour la production, la qualité mais aussi la facturation, les ressources humaines, et plus tard d’autres domaines comme les achats", explique Nicholas Child, vice-président France de M-Files, le fournisseur de la plateforme. HL Technology utilise la plateforme pour gérer les informations des départements production, qualité mais aussi RH grâce à une latitude de personnalisation qui lui permet de dépasser son besoin initial de gérer les non-conformités. Ces dernières d’ailleurs sont désormais transmises immédiatement alors qu’il fallait un à deux jours auparavant. Prochainement, un workflow dédié à la gestion des achats permettra de valider ou de bloquer les commandes et factures et un interfaçage avec l’ERP de les saisir automatiquement. Côté ressources humaines, l’intégralité des données concernant les collaborateurs devrait à terme être centralisée. Aujourd’hui 50 % des clients de HL Technology bénéficient de la version numérique de la documentation explicative fournie avec les dispositifs du fabricant, ce qui permet de faire d’importantes économies de papier. Ils sont avertis par courriels lorsqu’un nouveau document est disponible. Les collaborateurs de HL Technology ont accès à toutes les informations nécessaires et peuvent répondre en quelques minutes aux fournisseurs. C’est également un atout en cas d’audits, nombreux dans le secteur médical. L’évaluation annuelle des fournisseurs est simplifiée.

Booster sa relation client

O2, prestataire de services à la personne, a développé avec l’aide d’Ippon "la Visite" pour aller à la rencontre de ses clients et mieux qualifier leurs besoins. Ippon a accompagné les équipes d’O2 dans la création d’une application offline-first en marque blanche déclinable afin de dématérialiser l’ensemble du parcours client et la digitalisation de la visite client. Un travail sur la modernisation du SI existant, justifié par la création de cette application, a aussi été effectué par les équipes afin d’accélérer, dans une approche de "plateformisation", la transformation digitale du groupe. Son expertise a donc permis à O2 de définir cette nouvelle architecture cible micro-service événementielle, en dialogue continu avec le Legacy pour offrir une bascule en douceur. Le développement de l’application mobile a entraîné l’initialisation des premières briques du nouveau SI (backEnd dédié Mobile, signature électronique, printer, etc.), utilisées comme modèles pour les futurs développements du groupe O2. Mais la dématérialisation ne concerne pas que les entreprises comme le démontrent les exemples suivants.

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Au service de la santé

Autre application possible, le RNCE, dépendant de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), recense les personnes de moins de 18 ans domiciliées en France atteintes d’un cancer ou de tumeurs bénignes. Il est ainsi chargé de fournir les chiffres d’incidence et de survie de l’Hexagone afin d’alimenter la recherche et d’assurer une surveillance sanitaire sur le territoire. Avec près de 1 700 enfants de moins de 15 ans touchés par un cancer chaque année en France, le RNCE gère ainsi des centaines de milliers de données. L’organisme souffrait de l’absence d’une plateforme unifiée, qui simplifierait la recherche et l’échange de données tout en respectant des conditions de sécurité d’accès et de confidentialité propres à son secteur. En 2011, le RNCE a donc choisi de mettre en place Zeendoc, une solution proposée par Sages Informatique. Pour réussir pleinement ce projet, une analyse préalable de la base de données centrale a été réalisée avant de procéder à la numérisation des documents stockés au format papier par l’organisme.

Des index ont également été créés afin de faciliter le classement des informations. Pour ne rien perdre de l’existant, Zeendoc a été directement interfacée avec la base de données dont disposait déjà le RNCE. Quant aux nouvelles informations, la plateforme est capable d’automatiser la récupération des données issues de l’assurance maladie, de l’APHP et des villes disposant d’un service d’oncologie pédiatrique, alimentant par là même le RNCE. Pour éviter les doublons, un contrôle et une validation sont effectués à chaque nouvelle réception de données. Ces dernières sont ensuite indexées afin d’obtenir des résultats de recherche plus pertinents. La confidentialité est un élément primordial pour l’organisme, il ne s’agit pas du seul avantage qu’offre Zeendoc. En plus d’être certifiée HDS et conforme au RGPD, la plateforme présente de nombreux bénéfices pour ses utilisateurs, parmi lesquels un gain d’espace sur les PC et les serveurs, une recherche simplifiée et rapide, une gestion totale des accès pour assurer la sécurité des données, des consultations de documents individuelles ou à plusieurs, etc. Cette innovation a également promis au RNCE d’éliminer totalement le papier, contribuant à la sécurité des informations circulantes. "Nous avons aussi implémenté des flux documentaires sécurisés inexistants auparavant, un potentiel que nous n’avions pas anticipé", ajoute Jacqueline Clavel, directrice de recherche à l’Inserm.

Education sans trop d’administration

Dans le secteur éducatif cette transformation digitale est visible avec la mise en place de diplômes numériques. BCDiploma, une start-up française spécialisée dans la digitalisation des documents académiques via la technologie de la blockchain, et ETS Global, filiale d’ETS, créateur des tests TOEIC, se sont associés pour digitaliser les attestations des résultats du TOEIC. Une première en France avec des volumes très importants de documents ! Des centaines de milliers d’attestations de résultats, authentifiées, infalsifiables et sécurisées via la blockchain.

Ce n’est que le début !

La législation devrait accélérer le phénomène et transformer peu à peu la bonne vieille paperasse en antiquité. Dans l’Hexagone, toutes les entreprises seront tenues de dématérialiser leurs factures d’ici à 2026. Dès le 1er juillet 2024, elles devront être en mesure d’accepter la réception de factures électroniques de la part de leurs fournisseurs et d’intégrer ces dernières dans un système de gestion de comptabilité ou de gestion commerciale. Il sera obligatoire d’émettre les factures dans l’un des formats rendus obligatoires par la réforme. Puis de les transmettre vers les clients soit via la plateforme publique du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, soit via une plateforme privée agréée par ce ministère. Cette obligation de transmettre les données de factures via ces plateformes s’appliquera à l’ensemble des opérations commerciales B2B en France. Différente d’une simple facture au format PDF, une facture électronique, au sens de la réforme, devra être émise en respectant la norme sémantique européenne. Pour autant, les factures papiers et PDF ne vont pas disparaître subitement et il faudra gérer ces différents flux de factures. Le chantier est conséquent et si les grandes entreprises ont les moyens de se mettre en conformité rapidement ce n’est pas forcément le cas pour les PME et les ETI. Celles-ci doivent donc démarrer leurs efforts même si elles peuvent se dire qu’elles ont le temps pour y arriver. Autant dire que le grand phénomène de dématérialisation n’est pas près de s’arrêter.

Bertrand Garé

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