ChatGPT, métavers, machine learning... La popularité de l’intelligence artificielle ne cesse de gagner du terrain au sein des ressources humaines. Qu’en est-il plus précisément du côté de la formation ?
Dans ce monde ultra-connecté, la traditionnelle formation en présentiel ne fait plus l’unanimité. Si le distanciel connaît un franc succès, nombreuses sont les entreprises à se confronter à des difficultés techniques pour répondre à la demande. Dérouler le tapis rouge à l’IA pour faire évoluer les approches obsolètes s’avère une idée judicieuse, à condition de rester prudent.
Développer l’adaptative learning
La montée en compétence par la formation est une priorité pour de nombreuses entreprises si celles-ci souhaitent engager durablement les collaborateurs. Selon le Journal of Corporate Finance, l’impact de l’engagement serait extrêmement fort puisqu’un personnel engagé développerait 2,5 fois le chiffre d’affaires. Avec les nouveaux modes de travail, les DRH doivent constamment innover et s’adapter pour satisfaire les demandes. En ce sens, l’intervention de l’IA et du machine learning constitue un réel atout pour les entreprises qui souhaitent proposer des parcours de formation innovants et à la pointe de la technologie. Selon Chloë Touati, fondatrice d’Authentic Talent, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la formation en est encore à ses prémices : "Cela reste un outil en cours de développement qui n’est pas totalement prêt pour délivrer toutes ses promesses. L’IA n’est que très peu utilisée et reste nébuleuse pour bon nombre d’entre nous, voire jugée hâtivement comme un gadget, un effet de mode qui va s’estomper."
En plein développement, l’utilisation de l’IA ouvre une infinité de possibilités et permet de surpasser les compétences humaines dans le champ des connaissances. Si les services RH utilisent aujourd’hui l’IA et le métavers pour créer des classrooms virtuelles ou pour identifier la progression de l’apprenant dans son processus d’apprentissage, un certain nombre d’étapes reste encore à franchir pour optimiser les process à leur maximum : "Quelques entreprises prétendent l’utiliser de manière optimale mais les projets ne sont en réalité qu’à leur début. Elles utilisent bien souvent le métavers pour créer une salle virtuelle comme lieu d’échanges d’apprentissage et pensent optimiser le processus à son maximum. Or, les possibilités de création sont infinies." La fondatrice va plus loin et affirme même que la machine peut, à son tour, émettre des recommandations afin que l’apprenant ne se soucie que de sa montée en compétence.
Favoriser l’alliance homme-machine
Le développement des compétences pourrait ainsi être favorisé par les capacités exponentielles proposées par l’IA. Après une expérience apprenante, une autre pourrait être proposée au stagiaire qui viendrait compléter ou enrichir la précédente, et ainsi de suite. L’intelligence artificielle fonctionne alors comme un tuteur et stimule l’apprenant par sa capacité à aller au-delà du simple contenu que le formateur "humain" est en mesure de délivrer : "L’IA n’a que l’IA, elle n’a que le contenu pour former des individus alors que l’humain possède plusieurs outils, dont l’IA. Bien utilisée, celle-ci apporte beaucoup plus d’outils et de données afin de rendre la personnalisation plus réaliste à une plus grande échelle." Plus encore, la spécialiste évoque une alliance entre l’homme et la machine pour construire, d’ici cinq ans, des parcours ultra-personnalisés puisque le tuteur "humain" n’aura plus qu’à se concentrer sur la dimension de conseil et de recherche dans l’optique d’un parcours à la pointe de la personnalisation : "Certes cela permet de travailler rapidement et de façon plus objective mais il faut aller plus loin dans les parcours de formation en proposant des expériences interactives et plus adaptées à chaque individu." Dans cette alliance, la machine assure la dimension fastidieuse de la formation tandis que l’humain, lui, apporte de la valeur ajoutée : "L’IA a cette chance de pouvoir mettre à jour continuellement les programmes de formation, capacité dont l’humain ne dispose pas. Il est alors très intéressant de réfléchir sur l’imbrication entre les deux pour travailler ensemble." Une difficulté réside pourtant dans la mesure de la donnée. Pour Chloë Touati, il reste difficile de mesurer la donnée et il est impossible de savoir ce que l’apprenant a retenu lorsqu’il a terminé un module de formation ou d’identifier les processus d’apprentissage mis en œuvre. Une affaire à suivre.
"D’ici cinq ans, l’IA sera indispensable pour construire des parcours de formation ultra-personnalisés"
Place à la prudence
Au-delà de l’engouement opéré par l’IA, la prudence reste de mise. Pour les services RH, l'important est de s’informer des dangers et dilemmes éthiques auxquels ils seraient confrontés s’ils décidaient d’intégrer davantage cette technologie dans leur process. Pour l’experte, de nombreux outils de l’IA manquent également de transparence. Pour des personnes n’ayant pas les connaissances technologiques requises, des biais se créent et peuvent conduire à penser que l’intelligence artificielle prend des décisions aléatoires ou inconnues : "Son utilisation inquiète beaucoup, particulièrement ceux convaincus par l’idéologie selon laquelle nous allons être remplacés par les machines."
En matière de formation, une vérification de l’information s’impose. Si la machine permet de gagner du temps et d’approfondir les connaissances, elle ne se préoccupe pas de la véracité des informations et présuppose que toute information est vraie : "Il est important de rappeler que nous faisons un partenariat avec la machine. En aucun cas elle ne se substitue à l’humain. Bien sûr, des outils comme ChatGPT peuvent être des aides précieuses dans la création de formation mais il faut rester vigilant. Tout un travail de vérification des sources et des informations doit être réalisé puisque la machine ne prend pas en compte le niveau d’expertise des apprenants ou la mise à jour du contenu." Il est donc primordial d’utiliser l’IA comme un complément et non comme un substitut d’un coaching "réel". Bref, travailler main dans la main avec la machine pour centraliser, développer et partager la meilleure connaissance aux collaborateurs, permettrait d’offrir une information de qualité.
Alexis Ellin