Les contraintes se resserrent autour des entreprises pour qu’elles s’équipent de véhicules électriques. Bonne nouvelle : l’écosystème capable de les accompagner y est plus prêt que jamais.

Les derniers chiffres relevés par Arval Mobility Observatory montrent une accélération de la pénétration des véhicules électriques dans les flottes d’entreprises. Fin février, leur part dans les immatriculations professionnelles approchait 21 % (contre 16 % fin 2022). Sur le segment des voitures particulières, les électriques se payent même le luxe de dépasser les diesels. Malgré ces progrès, on est encore loin d’un raz-de-marée car l’électrification des flottes d’entreprises ne va pas de soi. Depuis la loi LOM de 2019, tous les sites professionnels qui comptent plus de 100 véhicules ont l’obligation d’intégrer de tels modèles lors des renouvellements. Le quota qui était de 10 % de véhicules à faibles émissions est d’ailleurs passé à 20 % cette année. Cependant, "la grande majorité (60 %) des entreprises visées par la loi ne respecte pas ces quotas", révèle l’ONG Transport & Environnement.

La nouvelle fait grand bruit, au point que le député Renaissance de Seine-Maritime Damien Adam a déposé une proposition de loi destinée à sanctionner les entreprises qui ne les respecteraient pas. De son côté, l’État n’a pas attendu la future discussion de ce texte pour appuyer là où cela fait mal : la fiscalité. Symbole de ce tour de vis pour 2024, le malus s’applique dès 118 g (contre 123 g auparavant) et les modèles les plus émetteurs de CO2 sont taxés de 60 000 € à la commande. Sans oublier un malus au poids qui frappe désormais les véhicules dès 1 600 kg. En outre, depuis le 14 février 2024, les entreprises ont perdu le droit au bonus sauf pour les commandes d’utilitaires électriques. Quant à la taxe annuelle sur les émissions de CO2 (ex-TVS), elle s’applique dès 15 g (et non plus 20 g). Et sa jumelle, calculée sur les polluants atmosphériques, n’épargne que les électriques. "La fiscalité devient très punitive pour les thermiques, observe Margy Demazy, directrice commerciale d’Arval France. Il faut aujourd’hui que les entreprises se posent les bonnes questions entre le renouvellement de leur flotte et les prolongations après une période où la priorité avait été donnée aux prolongations de contrats."

Réfléchir d’abord aux usages

Cependant, on ne passe pas commande de modèles électriques comme de thermiques. La gestion de l’autonomie des batteries impose en effet de réfléchir en amont aux besoins de déplacement des bénéficiaires d’un véhicule de fonction ou de service. "L’entreprise doit mettre autour de la table tous les acteurs concernés par le changement, préconise Laurent Petit, responsable marketing et business development chez Alphabet France. Aller vers une mobilité responsable implique de changer les habitudes avec les RH, les achats, les services généraux, les DAF. La proposition de valeur d’Alphabet est d’expliquer le contexte dans lequel va se trouver l’entreprise." Sa démarche passe en revue les objectifs de l’entreprise, notamment la RSE, l’analyse des mobilités et le calcul du coût total de détention (TCO).

Ce dernier étant désormais plus favorable en électrique qu’en thermique grâce à des modèles plus abordables et à une électricité moins chère que les carburants fossiles, surtout avec l’installation de bornes au domicile des collaborateurs. Suite à cette analyse intervient la sélection des modèles qui seront proposés dans la car policy. "C’est plus compliqué pour une entreprise car les collaborateurs n’ont pas les mêmes usages, pointe Audrey Martin, consultante au sein du fleeter indépendant, Traxall France. On ne peut plus travailler de manière macro sur un catalogue mais micro, presque au cas par cas."

La LLD incontournable

Cette nouvelle approche qu’impose l’électrification des flottes profite aux opérateurs de la location longue durée (LLD). Face à des entreprises qui hésitent à sauter le pas de l’électrification, ils font valoir deux vertus cardinales : leur capacité à agréger dans un loyer unique un bouquet de services, y compris des solutions de recharge, et celle d’assumer le risque financier à la revente, quelle que soit la dépréciation du véhicule. "Les loueurs ont développé un vrai savoir-faire de gestion du risque et une capacité à créer de la péréquation entre différents types de véhicules", affirme Julien Bourdonnec, président de la commission communication du syndicat des loueurs, SesamLLD.

Autrement dit, dans le cadre de cette péréquation, un loueur peut prendre un risque calculé sur un modèle, en affichant un loyer compétitif, et se rattraper sur un autre, dont le loyer sera plus élevé que chez un concurrent. D’où l’intérêt de comparer les propositions des loueurs très régulièrement car leurs offres commerciales évoluent rapidement. Leurs comités chargés de fixer les valeurs résiduelles des modèles se réunissent désormais tous les mois, voire tous les 15 jours, plutôt que tous les six mois. Un rythme resserré pour s’adapter à l’apparition de modèles électriques, plus performants que les précédents, et à l’irruption de nouveaux constructeurs, pure players du véhicule électrique.

Les opportunités du marché

"L’électrification change la donne sur le marché avec l’arrivée de constructeurs asiatiques et des opportunités d’élargir notre offre mais aussi un défi avec ces nouveaux réseaux d’entretien", analyse Margy Demazy. À cet égard, le référencement de tels modèles par le loueur rassure sur deux points : la qualité du service après-vente et la possibilité de bénéficier d’une solution de mobilité en cas de panne. Arval joue la carte de cette ouverture en ayant déjà signé avec deux géants industriels chinois : MG (groupe SAIC Motor) puis BYD, tout récemment. "Notre rôle est de conseiller les clients sur tous les matériels qui sont disponibles sur le marché pour arbitrer selon le coût et l’usage", souligne la directrice commerciale d’Arval France.

Cependant, tous les loueurs n’affichent pas la même ouverture à l’égard des nouveaux entrants. Ce qui doit inciter les entreprises à faire jouer la concurrence. "L’électrification pousse vers le multi-loueurs", affirme d’ailleurs Audrey Martin qui accompagne des entreprises jusqu’à leurs commandes de véhicules électriques. "Nous construisons un budget et une car policy incluant de nouvelles marques avant de lancer une enchère qui permet de dire au client quel loueur est bien positionné et de le challenger", précise-t-elle. Là encore, des disparités existent : les loueurs adossés à un groupe bancaire auront facilement des taux financiers intéressants alors que les autres miseront sur des valeurs résiduelles plus élevées pour être compétitifs.

Prendre des précautions contractuelles

Quant au contrat de LLD, il convient de prendre quelques précautions : "98 % des véhicules restitués par nos clients ne correspondent pas au couple durée/kilométrage contracté", indique en effet la consultante de Traxall France. Réajuster un contrat de LLD est courant mais plus risqué dans le cas des véhicules électriques. L’innovation des constructeurs automobiles suscite en effet une dépréciation rapide de leurs véhicules. Lors d’un réajustement de contrat, le nouveau calcul du loyer risque d’intégrer une valeur résiduelle plus faible qu’initialement, ce qui se traduira par des mensualités majorées. À moins d’avoir demandé initialement au loueur d’annexer au contrat une grille de fluidité fixant l’évolution des loyers. C’est une précaution supplémentaire pour réussir l’électrification de sa flotte.

Jean-Philippe Arrouet

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024