Rarement aura-t-on vu un tel contraste sur le marché de l’immobilier francilien. Alors que Paris et son QCA explosent des records, les choses deviennent nettement moins roses dès la seconde où le périphérique est franchi.

Le marché de bureau francilien fait triste mine. L’embellie post-Covid semble en effet bel et bien terminée : seulement 451 686 mètres carrés de bureaux ont été commercialisés au premier trimestre 2024. Une quasi-stagnation par rapport à l’année dernière (445 989 mètres carrés vendus à la même période) ; une véritable sous performance comparée à celle du premier trimestre 2022, où pas moins de 650 358 mètres carrés avaient été mis en service. Ce chiffre doit malgré tout être tempéré par le poids pris par la capitale, qui a capté 57 % des espaces commercialisés. Dans l’ensemble de la région, 4,5 millions de mètres carrés de bureaux demeurent vides. Les spécialistes du secteur s’accordent tous sur le fait que la situation n’est pas près de s’améliorer, certains estimant même que la surface des bureaux inoccupés atteindra à terme les 10 millions de mètres carrés.

Désertion de la petite couronne

Le marché du bureau paie donc cash les très nombreuses livraisons de ces dernières années, mais aussi les évolutions des modes de travail. La petite couronne est de loin la zone la plus affectée, avec 1,37 million de mètres carrés disponibles. En y regardant d’un peu plus près, on observe toutefois des variations importantes. La zone nord souffre le plus : le taux de vacance, en forte hausse depuis 2019, y atteint 26,3 %. La première couronne sud est elle aussi délaissée par les entreprises, la proportion de bureaux vides passant de 15 à 19,4 % en moins de deux ans. Une tendance haussière du taux de vacance partagée à l’est, à l’ouest ainsi que dans les boucles nord et sud, où il reste supérieur à la moyenne régionale, même s’il est un peu plus faible qu’ailleurs (10 %). Ce fort degré de disponibilité s’explique par l’importance de l’offre neuve, portée en partie par les grandes opérations de renouvellement urbain du nord de Paris. Malgré leur qualité et leur proximité avec la capitale, ces surfaces ne trouvent pas preneur.

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A contrario, les loyers sont eux en légère hausse, atteignant en moyenne 325 euros le mètre carré pour la première main (soit + 2,2 % en un an) et 287 euros pour la même surface en seconde main (+11,2 % sur un an).

L’ouest sur la défensive

Le quartier de La Défense sort du lot : il est l’un des rares à voir son taux de vacance chuter cette année, conséquence directe d’une baisse des livraisons ces derniers mois. Le résultat de cette conjoncture ? Le taux de vacance s’établit à 15,5 % au premier trimestre, et certains acteurs deviennent frileux. Ainsi des tours Sisters, projet porté par Unibail-Rodamco-Westfield : le groupe a annoncé en début d’année que la construction de ces 90 000 mètres carrés de bureaux était repoussée sine die.

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Paradoxalement, les tours neuves, offrant des prestations de haut niveau, trouvent preneur avec des loyers primes grimpant jusqu’à 600 euros le mètre carré. Les bureaux de la tour Trinity (49 000 mètres carrés), livrée en 2021, ont ainsi tous été loués en avril. La Défense a donc toujours des cartes à jouer, à commencer par une excellente offre de transport, récemment renforcée par le prolongement du RER E début mai. En revanche, la partie ouest de la ligne 15 se fera attendre, l’inauguration de ce « super métro » qui facilitera grandement les trajets banlieue à banlieue étant prévue pour l’horizon 2030. De son côté, la situation de la zone péri-Défense reste catastrophique, puisque le taux de vacance y atteint 22,2 %, soit l’un des plus élevés de la région.

Quelles perspectives pour la petite couronne ?

C’est acté : le marché de bureau dans la proche banlieue parisienne est en état de crise. Pour autant, les perspectives ne sont pas toutes sombres à long terme. La saturation de Paris intra-muros, couplée à une forte hausse des loyers, pourrait pousser certains locataires à se repencher sur le cas de la première couronne. C’est l’avis de Thomas Canvel, président d’Avison Young France : "Acheter au bon prix un immeuble dans la première couronne, qui est bien connectée au réseau de transports, et le repositionner de manière qualitative finirait par avoir un écho sur le marché, auprès de locataires habitués à des bureaux parisiens soit en mauvais état soit excessivement chers.". La question des transports est donc centrale, tout comme celle de la qualité des locaux, en particulier environnementale. Les rénovations seront donc de mise pour gagner en attractivité auprès de locataires de plus en plus exigeants.

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Le changement d’usage constitue également une réponse potentielle au surplus de bureaux actuel. En l’occurrence, l’enseignement supérieur a déjà entamé le mouvement. Le secteur, en pleine expansion, est gourmand en surfaces bien desservies par les transports, afin d’accueillir les étudiants dans les meilleures conditions. Sortir de Paris permet aux établissements d’économiser sur les loyers tout en obtenant des prestations haut de gamme. Plusieurs opérations de ce type ont été observées à La Défense, mais également dans le reste de la petite ceinture.

Plus radicale, la conversion des bureaux en logements est désormais sérieusement envisagée par certains. En début d’année, le promoteur Hines a ainsi racheté à Covivio le Liberté 1 à Charenton-le-Pont, pour 51 millions d’euros. Situés à une jetée de pierre de la station de métro Liberté, les 26 500 mètres carrés de l’immeuble seront convertis en résidence pour étudiants et jeunes actifs d’une capacité de 650 lits. Les opérations de ce genre devraient par ailleurs être facilitées par le vote en mars dernier d’une loi permettant de déroger au PLU dans le cadre d’une conversion. Le texte n’a pas non plus oublié les nouveaux édifices, puisqu’il instaure le permis de construire à destinations multiples réclamé depuis longtemps par les promoteurs.

François Arias