Dans le cadre de ses missions, le Haut conseil pour le climat a réalisé un examen de l’empreinte carbone alimentaire et une analyse des politiques alimentaires et agricoles à l’aune des enjeux climatiques. Un rapport qui trace le chemin vers un système alimentaire bas carbone, résilient et juste.

Le système alimentaire et la production agricole sont en première ligne des défis climatiques. La production agricole est exposée à une augmentation des dommages causés par le réchauffement climatique, qui se répercutent sur l’ensemble du système alimentaire, présentant des risques élevés tant pour les agriculteurs que pour les consommateurs. L’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone des Français, et les émissions qu’elle génère ne diminuent qu’insuffisamment au regard des objectifs climatiques. Pour Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat : "transformer le système alimentaire pour répondre aux défis auxquels il fait face – difficultés socio-économiques, santé, climat, environnement – nécessite une stratégie et une politique économique de long terme pour donner une vision claire des évolutions souhaitables pour les producteurs comme pour les consommateurs".

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Les raisons de la colère

Le rapport pointe notamment que la structure et le fonctionnement du système alimentaire freinent l’adoption de pratiques agricoles et alimentaires bas carbone, et limitent la possibilité de changements transformationnels. Ces freins et verrous peuvent être levés par des changements profonds des systèmes agro-alimentaires, tels :

  • la revalorisation des revenus des agriculteurs et des éleveurs pour soutenir et accompagner leurs changements de pratiques,
  • la réorientation des dispositifs de soutien,
  • et la mobilisation des acteurs de la transformation, du stockage, du transport, de la distribution et de la restauration.

Sous réserve de faciliter leur déploiement, de nombreuses options pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique sont mobilisables dans toutes les composantes du système alimentaire, y compris pour la gestion des terres, les productions végétales et animales, la transformation et la distribution, les régimes et pratiques alimentaires et le gaspillage à chaque étape. La diminution de la consommation de produits alimentaires intensifs en émissions permet de réduire l’empreinte carbone de la production agricole tout en évitant l’importation de produits alimentaires avec des effets de fuite aux frontières.

Il semble clair aujourd’hui que l’avenir du monde agricole passe par une réforme en profondeur du système agro-alimentaire où l’alignement avec les limites planétaire porte les conditions d’une amélioration du statut économique et social de toute la filière.

Coordination

Les politiques agricoles et alimentaires actuelles sont peu mobilisées en appui aux politiques climatiques. Seule une coordination des politiques concernant l’agriculture, l’alimentation, la santé publique, le climat et l’environnement permettra de maximiser les synergies, de protéger les agriculteurs français d’une forte augmentation des dommages causés par le changement climatique, de minimiser les coûts de la transition et de réduire les risques économiques pour les acteurs du système alimentaire, tout en garantissant l'accès à une alimentation durable et saine pour tous. Avec une vision partagée de l’agriculture et de l’alimentation bas carbone, adaptée au climat de demain, les auteurs du rapport l’assurent, la France pourrait porter au sein de la réforme de la Politique agricole commune de l’Union Européenne de 2028 la réduction des émissions du secteur agricole par au moins un facteur deux d’ici à 2050, et se rapprocher le plus possible de l’atteinte de la neutralité carbone pour le secteur agricole en augmentant fortement le stockage de carbone dans les sols agricoles et dans la biomasse. Ceci réduirait la dépendance aux puits de carbone forestiers qui sont fragilisés par le changement climatique, et à la capture et au stockage technologique de carbone, qui sont des options plus coûteuses, limitées et risquées. Pour faciliter la transformation en profondeur du système alimentaire au bénéfice de l’action climatique en préservant la production agricole et une nourriture accessible, le Haut conseil pour le climat propose plusieurs recommandations pour l’action publique en matière d’alimentation, de nutrition et d’agriculture en ciblant notamment la mobilisation de l’ensemble des acteurs du système alimentaire. Les recommandations visent à orienter le soutien vers les pratiques les moins émettrices et à développer une offre alimentaire bas carbone, dans une dynamique de transition juste.

Croisée des chemins

On a souvent opposé écologistes et agriculteurs. Longtemps, ces derniers ont vu les politiques environnementales comme des nouvelles contraintes dans un quotidien déjà très difficile. Il semble clair aujourd’hui que l’avenir du monde agricole passe par une réforme en profondeur du système agro-alimentaire où l’alignement avec les limites planétaire porte les conditions d’une amélioration du statut économique et social de toute la filière. À condition de ne pas succomber aux vieilles recettes portées par les populistes de tous poils. À condition de ne pas s’enfermer dans les oppositions binaires du passé.

À l’approche d’élections européennes que l’extrême droite aborde en position de force, rien n’est moins sûr.

Antoine Morlighem