Ou comment les lobbies de l’industrie agro-alimentaire ont contourné la loi Climat et résilience.
Omniprésent dans nos réfrigérateurs, il emballe yaourts, desserts ou encore viandes et poissons. Pourtant, il n’est pas recyclé. Son nom ? Le polystyrène. De fait, son usage devait être interdit au 1er janvier 2025, comme le prévoit la loi Climat et résilience, adoptée en août 2021. L’objectif était simple : éviter l’enfouissement ou l’incinération des 14 milliards de pots de yaourts consommés chaque année dans l’Hexagone. Malheureusement, en conséquence des efforts fournis par les lobbies de l’agro-alimentaire, cet objectif ne sera pas tenu, comme le révèlent dans une enquête commune nos confrères du Monde et de France Info.
Les lobbies à la barre
Bien que son usage soit fréquent, le polystyrène n’est pas inévitable. En effet, de nombreux pays utilisent des plastiques plus facilement recyclables comme le PET, tandis que d’autres ont mis en place des systèmes de consignes, à l’instar de l’Allemagne.
En revanche, l’industrie française, regroupée au sein du consortium PS25, s’était dans sa grande majorité accrochée au polystyrène, allant jusqu’à jurer qu’elle était prête à créer une filière de recyclage prenant en charge 100 % des déchets français triés. Une promesse qui lui avait valu de gagner la confiance des pouvoirs publics. À six mois de l’échéance, il faut pourtant se rendre à l’évidence : il s’avère non seulement que les objectifs ne seront pas tenus, mais aussi qu’une réussite partielle de la mesure est impossible.
Dans un premier rapport d’étape daté de 2021, PS25 avait évoqué trois projets de recyclage chimique, respectivement pilotés par Michelin, Ineos et TotalEnergie. Jamais rendu public, ce rapport auquel les journalistes du Monde et de France Info ont eu accès était particulièrement biaisé en faveur du polystyrène. Surtout, il n’a pas été suivi d’autres évaluations. La promesse d’un suivi régulier des projets ne s’est donc jamais concrétisée, ce dont les pouvoirs publics ne se sont jamais émus. Une indifférence d’autant plus surprenante que pas moins de 300 millions d’euros d’argent public devaient être investis pour aider à lancer la filière, l’utilisation de ces fonds reste pour le moment floue.
Un recyclage a minima
Citeo, l’organisme chargé de cette collecte, tente bien de se justifier en expliquant que deux projets ont bel et bien été mis en chantier en Espagne et aux Pays-Bas. Mais dans le meilleur des cas ils ne pourront prendre en charge que 10% des déchets français. Et ce, en générant au passage une pollution supplémentaire liée au transport à l’étranger de ces matières plastiques. De son côté, le gouvernement ne semble pas s’inquiéter, et argue que la loi était trop ambitieuse. "Nous sommes dans une impasse. Les industriels ne seront pas prêts à temps", déclare le ministère de la Transition écologique, tandis que la ministre des Collectivités territoriales et de la ruralité explique à l’Assemblée qu’il serait raisonnable de repousser l’interdiction des emballages en polystyrène à 2030…
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Si elle peut paraître un peu légère, cette affaire de pots de yaourts est une parfaite illustration de la vulnérabilité des règles environnementales. L’absence de contrôle strict du respect des lois votées et de sanctions éventuelles compromet l’application des réglementations. Dans le cas de l’innocent pot de yaourt, ce sont donc les lobbies de l’industrie agroalimentaire qui semblent bien avoir gagné la première manche.
François Arias