Avec une carrière faite d’allers-retours entre la sphère privée et publique, Anne-Marie Idrac possède un parcours atypique et une expérience poussée des sujets complexes, aux enjeux imbriqués. Une expertise qu’elle met aujourd’hui au service du développement de la filière logistique française.
Pourquoi avoir pris la tête de France Logistique ?
Toute ma carrière, que ce soit en tant que parlementaire, ministre, ou à la tête de grandes entreprises comme la RATP, j’ai toujours été attirée par les sujets multi-facettes, mélange de court et de long terme, de local et de global. C’est au sein de ces environnements en mutation permanente que j’aime trouver des solutions. Et quoi de plus emblématique de cela aujourd’hui que la logistique ? Le secteur est en effet à la croisée des questions d’économie, de résilience des chaînes d’approvisionnement, de souveraineté économique, de réindustrialisation, d’aménagement du territoire, de mobilité, de transition énergétique et écologique… Chez France Logistique, nous fédérons l’ensemble de la chaîne des acteurs privés afin de parler d’une seule voix et d’engager un travail collectif et constructif avec le gouvernement et l’ensemble des acteurs publics.
Quels sont les grands défis auxquels fait face le secteur ?
Il y a un sujet de foncier, avec un fort besoin en nouvelles implantations, d’un maillage de plus en plus dense et pertinent des entrepôts qui se confronte à une concurrence des usages dans un contexte réglementaire de zéro artificialisation nette (ZAN). Pour tenter de résoudre cette équation, une forme de planification des installations logistique à l’échelle régionale et locale est indispensable et commence à se mettre en oeuvre. Il y a également, bien entendu, un enjeu environnemental qui nous pousse à oeuvrer pour verdir les entrepôts, les flottes de véhicules, trouver de nouveaux modes d’acheminement – que ce soit par voie fluviale, ferroviaire ou cyclable pour la logistique du dernier kilomètre.
"Au-delà d'être un fort pourvoyeur d'emplois sur l'ensemble du territoire, la logistique est également un lieu où l'ascenseur social est possible"
Enfin, l’innovation est clé pour nous permettre de réduire efficacement les kilomètres, les mètres cubes et les mètres carrés nécessaires à nos métiers. Qu’elle soit digitale ou organisationnelle, c’est cette innovation qui nous permettra d’optimiser nos flux et de maîtriser notre empreinte et notre impact. Pour la première fois nous avons pu bénéficier de fonds dans le cadre du programme d’investissement d’avenir du gouvernement, avec des résultats déjà tangibles. Il nous faut aller plus loin.
Certains voient dans les employés de la logistique, une forme de prolétariat du XXIème siècle. Le secteur a-t-il également un défi social à relever ?
Cela me semble un résumé un peu rapide. Nous avons des métiers de tous les niveaux : de l’opérateur d’entrepôt au conducteur de poids lourd, en passant par des techniciens, des ingénieurs, des commerciaux… Il me semble important de relever, qu’au-delà d’être un fort pourvoyeur d’emplois sur l’ensemble du territoire, la logistique est également un lieu où l’ascenseur social est possible. Je parlais justement l’autre jour avec le directeur commercial européen d’une entreprise qui avait commencé comme simple opérateur. Cependant, je reconnais qu’il peut y avoir des sujets en matière de rémunération, de conditions de travail, mais aussi d’image. Les métiers de la supply chain ne sont pas assez connus et valorisés. Tout le monde gagnerait à ce qu’ils le soient davantage.
Propos recueillis par Antoine Morlighem