Partenaire du Sommet de la mesure d'impact, organisé par Impact Tank, qui s'est tenu le 18 avril au Conseil économique social et environnemental, 100 Transitions met un coup de projecteur sur certains de ses intervenants phares. Septième et dernier volet de cette série : Pascal Pouyet, directeur général du Crédit Coopératif.
Le Crédit Coopératif est né il y a 130 ans. D’une certaine manière, est-ce qu’il ne faisait pas de l’impact avant l’heure ?
Le Crédit Coopératif c’est 130 ans d’une belle histoire qui s’est construite avec des femmes et des hommes – peut être d’ailleurs un peu plus d’hommes au début – qui se sont regroupés en demandant comment mettre en commun leurs moyens pour financer des initiatives qui ne trouvaient pas de soutiens. C’étaient des coopératives d’artisans, d’ouvriers, des personnes qui avaient la volonté de porter des projets. Cet esprit d’origine a perduré, infusé et a créé une vraie culture au Crédit Coopératif, qui fait qu’aujourd’hui nous sommes la banque des coopératives, de l’économie sociale et des entreprises à impact. Et je crois sincèrement que nous générons ainsi un impact sur le territoire.
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Le rôle d’une banque n’est pas de changer le monde, mais de donner les moyens à ceux qui le veulent de le faire ! Et pour cela il faut faire des choix, refuser de financer certaines activités : l’extraction pétrolière notamment, et même les extractions en général. Mais il faut aussi faire preuve de vigilance. Sur la filière bois par exemple nous surveillons les conditions de production, de transport… En conséquence de ces choix-là, nous sommes devenus la banque au plus faible impact carbone, soit quatre fois moins que la moyenne de nos concurrentes françaises. Nous sommes mobilisés depuis des années pour avoir un impact sur nos territoires, sur les entreprises, mais aussi sur les modèles économiques et les écosystèmes.
Cette notion d’impact est en train de se formaliser, mais a-t-elle déjà changé la façon dont vous choisissez vos projets ?
Tout à fait. En premier lieu, nous choisissons les domaines sur lesquels nous intervenons, comme je le disais plus tôt. Mais nous cherchons de plus en plus à avoir une politique d’engagement qui nous permet de dire clairement : nous allons allouer notre capacité de financement à ces secteurs précis. Et nous avons commencé à le faire en nous disant qu’à chaque dossier important qu’examinent nos comités d’engagement, nous prendrions en compte non seulement les données financières – le projet doit être viable – mais aussi la soutenabilité des critères ESG. Cela revient à se poser une question simple : ce projet-là correspond-il aux valeurs que nous portons ? Sans être l’unique critère de décision, cette question pourra orienter un dossier dans un sens ou dans un autre. Je suis sûr que si nous nous posons cette question-là, nos chargés d’affaires et de clientèle la poseront systématiquement à ceux qui leur soumettent des projets, qu’ils soient grands ou petits. Progressivement nous instaurerons un dialogue, une réflexion, et donc une transformation.
Comment le Crédit Coopératif a-t-il mis en place ces politiques et quelle a été la réaction de vos équipes ?
Cela s’est fait de deux manières. La première découle assez naturellement des politiques que nous avons mises en place depuis longtemps, de notre ADN qui dicte le choix des projets à soutenir et qui a créé une culture particulière à notre structure. La seconde repose dans la création d’une direction de l’impact, car nous devons aller plus loin dans la RSE et appliquer ces exigences à nous-même. Cela passe évidemment par notre empreinte carbone, notre impact social et notre rôle de banquier. Mais il faut aussi travailler sur la visibilité de ces actions.
Il y a une vraie appétence pour ces sujets, tant de la part de nos collaborateurs que de nos clients. C’est quelque chose qui ressort des enquêtes que nous menons sur les attentes de nos clients : sensibilité aux sujets d’environnement, au sens donné à leur argent, au fait que nous n’investissons pas dans les paradis fiscaux. Nous nous rendons compte que notre base de clientèle est bien plus engagée que la moyenne. Et c’est la même chose pour les collaborateurs, au point même que lorsque nos employés sont sondés ils s’avèrent parfois plus engagés que nos clients !
En tant que Crédit Coopératif, pourquoi avez-vous choisi de soutenir le Sommet de la mesure d’impact ?
Le Crédit Coopératif a porté depuis sa création une volonté d’engagement. Aujourd’hui cela s’appelle l’impact, mais choisir la finance durable, sélectionner rigoureusement les acteurs à financer et offrir une traçabilité de leur argent aux clients c’est faire le choix de l’engagement. Nous avons décidé d’opter pour une finance patiente, qui ne recherche pas le rendement immédiat. Nous donnons leur chance aux structures, le temps pour elles de s’installer. Nous cherchons à faire le lien entre nos engagements et la question sociale. Il n’y aura pas de transition et d’accompagnement vers celle-ci si nous n’insistons pas sur son acceptabilité sociale. Nous le voyons sur la question du logement : choisir de ne pas financer les rénovations des habitations les moins bien isolées a un impact sur le quotidien des personnes aux plus faibles revenus. Il faut concilier la nécessaire transition environnementale et sa soutenabilité sociale. Il faut appliquer cette méthode aux personnes physiques, morales, aux entreprises et à l’économie sociale. Cet engagement fait sens à nos yeux.
Quel message êtes-vous venu faire passer au Sommet, lors de la table ronde à laquelle vous avez participé ?
Pour faire simple : pour chacun des projets il faut prendre en compte l’écosystème dans son ensemble, et pas seulement son volet financier. Les critères peuvent changer selon les cas : cela peut être l’impact environnemental, celui sur son écosystème, une manière de mieux consommer ou encore le côté social. Quel sera l’impact sur les hommes et femmes, qu’ils soient salariés, clients, fournisseurs ou simples citoyens ? Il faut travailler en ayant une vision très large de toutes les parties prenantes.
Propos recueillis par François Arias