[Impacts en série] Régulièrement, 100 Transitions met en avant l’un des membres du Collège des directeurs du développement durable (C3D). Épisode 8 : Cécile Suquet, directrice RSE chez LCL.
Qu’est-ce qui vous a amené vers ce poste de directrice RSE ?
Je suis effectivement responsable de la RSE de chez LCL mais j’ai un profil et un parcours de généraliste à l’origine. J’ai fait une école de commerce, l’ESCP, il y a bientôt 25 ans de cela, et j’ai débuté ma carrière dans mon domaine de cœur : l’édition littéraire, à un poste de marketing auquel j’avais été formée lors de mes études. J’ai ainsi passé quatre ans aux éditions du Seuil, où je me suis beaucoup plu. Mais je me suis rendu compte que les possibilités offertes au département marketing étaient en fait assez limitées dans ce domaine. Je n’avais pas beaucoup d’amplitude possible sur un produit comme le livre, où en tant que marketeux vous ne pouvez changer ni la couverture, ni le prix ni le contenu ! [rires]
Après cette expérience, c’est le hasard d’une rencontre qui m’a fait rentrer chez LCL du côté banque d’entreprise. J’y ai trouvé mon bonheur pendant plus de dix ans, en changeant de métiers trois fois. Dix comme chargée d’affaires au contact de clients entreprise. Ensuite je suis passée directrice du développement de la gestion de fortune, où je me suis intéressée à ces mêmes clients dirigeants d’entreprises, mais sous l’angle de leurs besoins en tant que particuliers. J’y ai renoué avec du marketing et du développement de l’unité. Pendant cette période-là j’ai beaucoup appris de l’intérieur sur les différents métiers de la banque d’entreprise et particuliers. Et puis, à titre personnel, depuis quelques années ma conscience s’éveillait aux enjeux écologiques, au point où j’ai eu le désir d’y consacrer 100 % de mon activité professionnelle.
J’ai eu l’occasion de le faire il y a cinq ans maintenant, quand LCL a créé sa fonction RSE. Nous avions déjà quelqu’un en charge des aspects reporting et bilan carbone au département RH, mais il fallait passer à la vitesse supérieure. Je n’avais pas de savoir-faire particulier en la matière, mais je connaissais très bien l’entreprise de l’intérieur et ses activités, notamment business. C’est quelque chose qui est central dans notre approche du sujet : la RSE doit être au cœur de l’activité et pas un sujet annexe. Mon rôle est de concevoir une feuille de route et de coordonner les différentes directions métiers. C’est un travail de transformation et, à ce titre-là, bien connaître l’entreprise de l’intérieur est extrêmement précieux. Depuis cinq ans toutefois la profession a bien changé, l’équipe a grandi, s’est structurée… C’est un métier qui fait appel à de nombreux savoir-faire de plus en plus précis. Un expert des trajectoires net zéro carbone ne sera pas forcément aussi compétent sur la CSRD par exemple. Nous sommes désormais six personnes à plein temps, sans même compter les référents et les équipes qui travaillent sur ces sujets au sein des différentes divisions. Par exemple, dans la branche Banque de l’entreprise, nous avons une équipe qui structure tous les financements à impact, mais aussi une filière consacrée aux énergies renouvelables. Et ces métiers apportent leurs propres compétences, qui viennent nourrir nos réflexions.
Quels sont les grands enjeux de RSE pour une banque comme LCL ?
Les enjeux sont multiples, mais je dirais que le premier d’entre eux est avant tout de tenir nos engagements. Ces derniers sont forts, avec notamment une trajectoire net zéro carbone sur l’ensemble de notre périmètre, le tout en lien avec le Crédit Agricole, notre maison-mère. Je travaille main dans la main avec notre ligne métier dévolue à l’engagement sociétal au Crédit Agricole. Cette trajectoire net zéro carbone doit être définie secteur d’activité par secteur d’activité et il faut ensuite délivrer ces engagements. Concrètement, c’est un projet que nous menons depuis maintenant deux ans, vis-à-vis duquel nous tenons pour le moment nos engagements. Nous avons commencé par notre propre périmètre en tant qu’employeur sur les scopes un et deux. Désormais nous sommes passés à l’étape suivante : traduire cette trajectoire en plans d’actions (nouvelles offres, octroi de crédit) pour les financements que nous accordons aux entreprises et aux particuliers.
Parallèlement nous retrouvons les enjeux de reporting, notamment CSRD, qui touchent aujourd’hui la plupart des structures. Chez nous cela s’intègre dans notre activité finance durable. C’est un mouvement dont je me réjouis, mais qui est également extrêmement rapide et ambitieux, et nous devons avancer au pas de charge ! C’est pour cela que nous avons lancé un programme finance durable, qui sera intégré dans tous nos process et dans tous les métiers. Il vise à collecter, stocker, restituer les données dont nous avons besoin pour tenir nos obligations réglementaires. C’est un chantier particulièrement massif pour une banque car nos systèmes d’informations sont, comme vous pouvez l’imaginer, longs à faire évoluer.
Qu’avez-vous accompli après ces cinq années passées chez LCL ?
Outre notre politique de trajectoire net zéro carbone, nous voulons accompagner nos clients dans leur propre transition énergétique. Nous mettons en place tout un écosystème de conseil, d’inspiration et d’encouragement pour les aider à passer à l’action. Nous sommes convaincus que la banque doit être là pour leur fournir des solutions. Chez nous la Banque de l’Entreprise a mis en place un programme appelé « Smart Business », qui vient les conseiller et les accompagner dans leur propre stratégie RSE. Cela peut aussi bien être un diagnostic énergétique, leur bilan carbone – s’ils ne l’ont pas encore fait – ou encore les mettre en relation avec des éditeurs de reporting ESG.
Pour ce qui est des particuliers, nous agissons principalement autour du logement, car le gros de notre activité réside dans le prêt immobilier. Nous avons donc créé une plateforme autour de la rénovation thermique des logements pour les conseiller et les convaincre de passer à l’action. Elle s’appelle Eco Renov LCL et elle permet d’identifier les travaux à conduire, les subventions de l’État, celles des collectivités… Tout ce dont les propriétaires peuvent bénéficier pour réduire le reste à charge. Cela va jusqu’à la mise en relation avec des artisans RGE établis près de chez eux.
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Notre troisième engagement concerne principalement le côté financement, qui intègre désormais des critères de performance extra-financiers. C’est du financement à impact, avec une indexation du taux sur des critères ESG, qui varie évidemment selon l’activité de l’entreprise et qui engendre un bonus ou un malus selon l’atteinte du critère ESG. Nous n’imposons pas ces offres à nos clients : ils y trouvent leur intérêt car cela leur permet d’aligner leurs stratégies RSE et financières.
En interne nous avons lancé plusieurs initiatives, comme des fresques du climat ou des programmes de formation. A ce jour, c’est près de 90 % de nos collaborateurs qui ont suivi au moins une formation aux enjeux RSE ou aux solutions déployées par LCL. Nous disposons également d’un dispositif d’animation RSE qui permet de porter et de donner de la visibilité aux différents projets ayant lieu au sein du Crédit Agricole. Cela nous permet de nous inspirer et de nous challenger les uns les autres, même si nous ne travaillons pas directement ensemble.
Qu’est ce qui vous a poussé à rejoindre le Collège des directeurs du développement durable (C3D) ? Qu’y êtes-vous venue trouver ?
J’ai dû rejoindre le C3D il y a environ trois ans, car notre métier évolue très vite et nécessite d’être toujours un peu en vigie, de faire de la prospective et d’anticiper la réglementation. Il y a donc un besoin réel de s’inspirer des bonnes pratiques des uns et des autres. Je suis d’abord venue chercher cela : de l’inspiration et un réseau à qui je puisse poser des questions facilement. C’est ce que me permet le C3D, même si je n’ai pas le temps de suivre tous les groupes de travail qui m’intéressent. La richesse de cette communauté est qu’elle regroupe de nombreux savoir-faire très spécifiques au sein d’une structure qui favorise la collaboration plutôt que la concurrence. C’est une communauté très ouverte, avec laquelle il est très agréable d’interagir.
Propos recueillis par François Arias