La conférence internationale consacrée à la préservation de la biodiversité a accouché d’un accord ambitieux, voire historique selon la plupart des observateurs. Un tournant ?

Les COP se suivent… et ne se ressemblent pas toujours. Alors que la COP27 s’était conclue sur un goût d’inachevé, la COP15 de Montréal marque les esprits. Après de longues et difficiles négociations, les 195 États réunis sont parvenus à s’accorder sur des "mesures urgentes" et fortes. "Beaucoup ont comparé l’accord de Montréal à l’accord de Paris pour le climat. Cette analogie est très à propos car nous venons de faire un pas significatif pour la protection de la nature. Et sans Montréal, il n’y a pas Paris, car la lutte contre le réchauffement a besoin de la biodiversité", s’est félicité Steven Guilbeault, le ministre de l’Environnement canadien, au côté de son homologue français, Christophe Béchu qui poursuit dans la même veine : "C’est un accord historique car on pose un cadre ambitieux, dans lequel rien n’est au rabais. Chacun va maintenant devoir prouver qu’il est à la hauteur de ce texte et que ce n’est pas un accord de papier." En voici les grandes lignes.

Tiers-planète

Les participants se sont notamment engagés à protéger 30% de la planète ainsi qu’à restaurer 30% des écosystèmes avant la fin de la décennie. La route sera longue et difficile : on estime aujourd’hui que seuls 17% des terres et 8% des mers bénéficient d’une telle protection. Dans un contexte que certains n’hésitent pas à décrire comme une "sixième extinction", il s’agit d’une prise de conscience salutaire, dont l’effort devra être poursuivi sur les prochaines décennies pour atteindre au moins les 50%, estiment les scientifiques.

Bouillon de cultures

La question de l’agriculture a été au cœur du débat. Après une bataille de longue haleine, le terme de "pesticide" figure bien dans le texte, avec un objectif défini : réduire leur facteur de risque de 50%. Risque plutôt qu’usage ? "Il y a des produits extrêmement toxiques, comme les néonicotinoïdes, à très faibles doses. Les États-Unis ont diminué l'utilisation de pesticides de 40% et ont augmenté le risque d'un facteur 4", justifie l’écologue Paul Leadley à France Info. L’agroécologie est également mise en avant dans la cible 10 du texte, portant sur l’exploitation durable des ressources agricoles, forestières, piscicoles et halieutiques. Bémol : le terme est accompagné de l’énigmatique objectif "d’intensification durable", qui sent l’opération de greenwashing à plein nez.

Des chiffres et des êtres

La question du financement a une nouvelle fois fait l’objet d’âpres négociations, notamment entre les pays du Sud et du Nord. Un accord a finalement été trouvé autour d’une enveloppe de 20 milliards de dollars par an à partir de 2025, qui passerait à 30 milliards à horizon 2030. Le budget alloué précédemment était de 10 milliards de dollars. Les pays du Sud en demandaient 100. On ne peut donc pas dire qu’on ait coupé la poire en deux, mais l’honneur est sauf. Cette aide devrait être distribuée via un fonds dédié, piloté par le Fonds mondial pour l’environnement.

Si certains déplorent l’absence de système de suivi des engagements, d’obligation de mesures d’impact pour les entreprises, ou une définition de la notion d’empreinte écologique au rabais, ce texte fait malgré tout figure d’avancée majeur. À défaut d’être vraiment à la hauteur.

Antoine Morlighem

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