Bien que chaque entreprise familiale soit unique, toutes traversent des moments charnières, parfois compliqués. Pour mieux appréhender ces périodes, le partage d’expérience est clé. Le Family Business Network (FBN) propose aux dirigeants, futurs dirigeants et actionnaires familiaux des rencontres et des formations qui peuvent les aider, notamment au moment de la transmission. Retour sur cet accompagnement avec Caroline Mathieu, déléguée générale du FBN.

Décideurs. Quel est le rôle du FBN?

Caroline Mathieu. Nous sommes un réseau mondial qui a été créé il y a 35 ans par des entrepreneurs canadiens qui s’étaient rendu compte que le partage d’expérience autour des problématiques des entreprises familiales était d’une grande richesse. Désormais nous rassemblons 20 000 membres dans le monde dont 2 300 en France. Nous abordons plusieurs sujets fondamentaux : l’articulation des gouvernances de la famille et de l’entreprise, la transmission, la formation des nouvelles générations ainsi que les sujets de pérennité et de transformation durable et responsable.

Plus de 80 % des entreprises en France sont familiales et plus de la moitié d’entre elles devront être transmises dans les dix prochaines années. Est-ce un sujet d’inquiétude ?

C’est une question d’intérêt général, vitale pour notre économie. Un dirigeant d’entreprise familiale sur deux en France est en âge de transmettre sa société. Or, dans notre pays, la transmission intrafamiliale est plus délicate qu’ailleurs : seulement 20 % des transmissions s’opèrent dans la famille, contre plus de 60 % en Pologne ou 80 % en Italie. Des raisons fiscales expliquent ce phénomène. Plus des trois quarts des dirigeants n’ont pas connaissance du Pacte Dutreil. Ils ne sont souvent pas non plus au fait de l’existence d’un outil de cohésion très vertueux, la charte familiale qui permet de préparer la transmission en mettant tout le monde autour de la table. Il y a aussi les conseils de famille dont le but est d’aider à bien dissocier ce qui relève de la famille de ce qui relève de l’entreprise. Souvent, les sociétés se concentrent sur les problèmes juridiques et patrimoniaux et sous-estiment les aspects humains et psychologiques.

"Le cédant doit aussi apprendre à se retirer"

Quand un dirigeant doit-il se préoccuper de sa relève ?

L’expérience montre qu’il se passe sept à dix ans entre le moment où le dirigeant pense à transmettre et le moment où le successeur est identifié, formé et a constitué son équipe. C’est pourquoi nous préconisons que les dirigeants se penchent sur la question dès 50 ans. Le processus d’identification s’avère long et délicat. Il est nécessaire d’identifier au sein des nouvelles générations qui aura les compétences et la possibilité de gagner la légitimité pour prendre la relève. La transparence et la communication doivent être de mise, les règles du jeu bien identifiées et la famille accompagnées dans ces démarches. Il arrive que la nouvelle génération soit intéressée mais n’est pas encore en âge de reprendre. Il convient alors de mettre en place un management de transition, avec un dirigeant parfois extérieur. Les familles doivent avoir connaissance de toutes les questions à régler et de tous les champs des possibles afin de composer la recette la mieux adaptée à la pérennité de l’entreprise.

Quelles sont les bonnes pratiques ?

La preuve par l’exemple et les témoignages de pairs sont très utiles pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il faut que la nouvelle génération ait l’envie et les compétences et qu’elle soit au courant de tous les rôles qui s’offrent à elle. Il n’y a pas que celui de dirigeant. Il convient d’abord d’apprendre à être un actionnaire responsable. Il est aussi possible d’endosser un rôle d’animation de la famille. La légitimité et la confiance en soi sont également importantes quand on endosse un rôle opérationnel. Cela peut passer par des expériences en dehors du groupe qui permettent aux dirigeants de construire un projet pour l’entreprise différent de celui de la génération précédente. Mais tout ne repose pas sur les épaules des repreneurs. Le cédant doit aussi apprendre à se retirer, ce qui passe notamment par des étapes un peu formelles comme la transmission officielle du flambeau. Pour beaucoup de dirigeants, souvent lorsqu’ils sont fondateurs, ce processus peut être vécu comme un deuil. Ils doivent réfléchir très à l’avance au projet qu’ils mèneront par la suite.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

copyright photo : Davide Leggio

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