Kvikkjokk, Makkaur, Rovanimi, ces villes de Scandinavie ont toutes un point commun, elles ont battu leur record de température, à l’été 2018, dépassant allègrement les 30°C. Cette énième manifestation du réchauffement climatique s’ajoute à une longue liste d'événements climatiques extraordinaires, à l’image des incendies qui ont ravagé le Canada en 2018 ou la disparition de pans entiers de la biodiversité. Moins visibles et moins étudiés, les effets du réchauffement soulèvent également d’immenses menaces pour la santé publique.
Le corps à l’épreuve des changements
Le simple réchauffement de l’atmosphère a déjà un impact sur notre santé. Entre 2000 et 2016, le nombre de victimes d’une vague de chaleur a atteint 175 millions de personnes dans le monde selon une étude de la revue médicale britannique The Lancet. En éprouvant les corps, le réchauffement aggrave notamment les insuffisances cardiaques. Et la concentration des pollens et autres aéroallergènes augmente notre vulnérabilité aux maladies respiratoires comme l'asthme. Or compte tenu de la hausse à venir des températures, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit une augmentation de +1,5°C entre 2031 et 2052. Si l’on n’agit pas, l’OMS s’attend à ce que le changement climatique entraîne près de 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050.
La hausse des températures ne se contentera pas seulement d’une progression de la mortalité. Elle entraînera également une détérioration de notre environnement. Car l’augmentation du mercure a un impact sur la qualité de l’air, de l’eau mais aussi sur notre système alimentaire, entraînant à leur tour des conséquences d'ordre sanitaire. Les périodes de transmission des épidémies seront par exemple allongées. L’OMC cite ainsi une possible extension des épidémies de paludisme ou de dengue dans le monde. Près de 2 milliards de personnes pourraient être exposées à la dengue d’ici 2080. La dégradation de l’air est aussi une importante menace, en provoquant une hausse des maladies cardio-vasculaires, de l’asthme et des maladies des voies respiratoires. Des chercheurs estiment qu’en 2017, 5,5 millions de personnes - l’équivalent de la population de la Norvège - sont déjà décédées prématurément des suites de maladies liées à la pollution.
"Si nous ne trouvons pas un moyen d'atténuer le changement climatique il y aura une forte augmentation des décès liés à la canicule."
Inégaux devant le réchauffement
Les conséquences du réchauffement climatique sur notre santé ne se feront pas ressentir de la même manière et avec la même intensité partout dans le monde. Ainsi les zones les plus exposées aux vagues de chaleur seront mécaniquement les plus touchées. "Si nous ne trouvons pas un moyen d'atténuer le changement climatique et d’aider les personnes à s'adapter aux vagues de chaleur, il y aura une forte augmentation des décès liés à la canicule, en particulier dans les pays pauvres situés autour de l'équateur", prévient le professeur Yuming Guo de la Monash University en Australie, et auteur d’une étude sur les vagues de chaleur liées au réchauffement climatique.
Un effet, moins souvent évoqué, menace encore ces populations défavorisées : la dégradation des rendements agricoles, liés au changement climatique. Plusieurs études ont montré que la concentration en CO2 dans l’atmosphère réduit significativement la productivité agricole, en amenuisant notamment les teneurs en fer et en zinc des plantes. Selon The Lancet, un degré de hausse des températures provoquerait une baisse de 6% des rendements du blé, et de 10% ceux du riz. Cet appauvrissement des plantes sera une catastrophe pour les populations dont il s’agit souvent de la principale source de revenu et/ou d’alimentation. À plus long terme, cette baisse pourrait engendrer une aggravation de la malnutrition et des épidémies chez ces populations.
Retour aux années1970
Si rien n’est entrepris en matière de santé publique, le monde pourrait faire un grand bond en arrière de 50 ans, rappelle l’étude de The Lancet. Avec un retour en arrière encore plus brutal pour les populations les moins favorisées, puisque l’OMS souligne que les pays qui possèdent des systèmes de santé développés seront les plus résistants face à la montée des risques sanitaires.
Afin de préserver notre santé, un effort collectif visant à réduire les émissions de CO2, principal gaz à effet de serre, s’impose. « L’accord de Paris », signé en 2015, projetait de tout faire pour maintenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C, par rapport aux niveaux préindustriels. Un objectif de 1,5°C apporterait même des gains importants en matière sanitaire. D’après Priyadarshi Shukla, coprésident du Groupe de travail III du GIEC, « la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C et non à 2 °C minimiserait les effets, lourds de conséquences, sur les écosystèmes, la santé et le bien-être des populations ».
L’accord ayant été mis à mal par le premier pollueur du monde, les États-Unis, il est probable que les accords internationaux ne suffiront pas à réduire suffisamment les émissions de CO2 pour respecter le plafond de réduction de 1,5°C. Le monde doit désormais penser aux solutions d’adaptation à cette hausse des températures devenue, semble-t-il, inéluctable. Le Programme des Nations Unies pour le développement (le PNUD) et l’OMS testent ainsi depuis 2010 des programmes d’acclimatation au réchauffement spécifiquement centrés sur la santé. Dans sept pays particulièrement vulnérables, la Barbade, le Bhoutan, la Chine, les îles Fidji, le Kenya, la Jordanie etl’Ouzbékistan, ces programmes améliorent les mécanismes d’alerte aux événements climatiques, et expérimentent des solutions de réduction des risques sanitaires. Des enseignements qui devraient aider les pays du monde entier à trouver des solutions face au dérèglement climatique.
Laura Breut (@laurabreut)