Avec 700 000 tonnes par an, selon la Direction générale de la santé, l’ensemble des déchets produits lors des soins hospitaliers représente 3,5 % de la production nationale. Pour des raisons écologiques autant qu’économiques, réduire le volume de ces déchets, et plus particulièrement ceux présentant un risque infectieux dont 20 % à 30 % proviennent des blocs opératoires, constitue un enjeu majeur pour les établissements de santé.
Parmi les déchets d’activités de soins à risques infectieux, autrement désignés par l’acronyme Dasri, figurent les fluides chirurgicaux présents dans certains dispositifs médicaux, comme les endoscopes employés par les urologues ou le matériel utilisé par les chirurgiens orthopédiques lors d’une arthroscopie. Ces fluides contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, et doivent être incinérés dans des fûts étanches à une chaleur d’environ 850 °C. Leur traitement est coûteux et émetteur de CO2. Dans le cadre de son projet Armen consistant à identifier des opportunités de gains pour les établissements de santé, la Direction générale de l’offre de soins au ministère de la Santé a évalué à 854 € HT le coût moyen de traitement par tonne de Dasri en France. C’est 9 fois plus que celui du traitement des déchets non dangereux issus des soins, et qui étaient autrefois assimilés aux déchets ménagers.
Gestion des déchets in situ
Certains hôpitaux ont désormais recours à des appareils qui aspirent et désactivent dans leurs locaux les liquides présents dans les dispositifs médicaux servant aux interventions chirurgicales. Ils n’ont plus besoin de les envoyer à l’incinération. Ces effluents ayant perdu leur toxicité peuvent être évacués directement dans les réseaux d’eaux usées, soit à l’arrivée une baisse de production de CO2 et des coûts de traitement. "C’est une hérésie de brûler de l’eau !", relève le docteur Richard Mallet, urologue à Périgueux, et responsable de la commission développement durable créée en 2020 au sein de l’Association française d’urologie (AFU).
De l’usage unique au reconditionnement
Autre potentiel gain économique lié à une préoccupation d’ordre écologique en santé, l’évolution du statut de certains endoscopes dits à usage unique. Ils ne peuvent pas être reconditionnés en France, alors que la réglementation européenne le permet. "Nous sommes un peu dans une situation d’isolement européen", déplore le docteur Richard Mallet. L’AFU (Association française d’urologie) a saisi la Direction générale de l’offre de soins pour essayer de sortir de cette contradiction. Là aussi, développement durable et considérations économiques convergeraient. "Les mesures écologiques peuvent avoir un impact économique favorable", souligne le chirurgien.
Accélérer la transition écologique par l’achat Les achats durables constituent désormais un levier pour accélérer la transition écologique. "Ils permettent de mettre en place de manière concrète et opérationnelle les mesures de responsabilité sociétale des entreprises", relève Véronique Chasse, adjointe du programme Phare de Performance hospitalière pour des achats responsables, piloté par la Direction générale de l’offre de soins. Les critères environnementaux ne sont plus une option pour les achats, ils sont à la même hauteur que les critères de qualité ou les critères financiers. Ainsi, l’article L2111 du code de la commande publique sur la définition des besoins stipule que les acteurs publics et donc les hôpitaux publics doivent promouvoir des achats socialement et écologiquement responsables. Le Plan national pour des achats durables 2022-2025, même s’il n’est pas juridiquement contraignant, prévoit lui que 100 % des contrats des établissements publics notifiés au cours de l’année comprennent au moins une considération de développement durable (clause, critère, dispositif…) d’ici 2025. |
Pierre Derrouch