Sous les paillettes des Jeux de Paris loués par le monde entier, il y a du droit. Pendant les six semaines de compétition, le Tribunal arbitral du sport n’a pas chômé. Sélection, dopage, neutralité des arbitres… Zoom sur les affaires d’une juridiction hors cadre.

“Le fonctionnement du Tribunal arbitral du sport (TAS) pendant les JO est l’exemple d’une justice qui fonctionne, réactive et capable de donner une réponse urgente à une situation urgente”, s’enthousiasme Thomas Clay, avocat fondateur de Clay Arbitration, professeur de droit et arbitre siégeant au TAS. Cet été, la juridiction internationale du sport a quitté sa terre natale, la Suisse, pour s’installer à l’ouest de Paris, au tribunal judiciaire, le temps des Jeux olympiques 2024. Sur les douze arbitres (désignés parmi 600 listés) qui la composaient pour l’occasion, trois étaient des avocats français : Carine Dupeyron, associée du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, Hamid Gharavi, associé chez Derains & Gharavi, et Philippe Sands KC, avocat, professeur et écrivain. C’est Carole Malinvaud, associée chez Gide Loyrette Nouel, une autre compatriote, qui co-présidait la chambre ad hoc du TAS. Poumon de la justice des JO, la chambre ad hoc a vu le jour juste avant le début de ceux d’Atlanta en 1996. Elle suit le mantra “Fair, fast and free”. Conçue pour résoudre les litiges qui surviennent pendant la compétition, elle doit se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures sur chaque affaire. La chambre ad hoc cohabite avec d’autres chambres du TAS : la chambre antidopage – également transplantée à Paris pendant les Jeux –, la chambre dite ordinaire et une chambre d’appel.

Quatre secondes pour l’éternité

Parmi les cas emblématiques des JO de cette année, celui d’Adrien-Mansa Coulibaly, athlète éconduit pendant la sélection officielle le 7 juillet 2024. C’est Carine Dupeyron, en qualité d’arbitre unique, qui a eu à connaître de son recours du 31 juillet contre la décision du Comité national olympique et sportif français. Le relayeur du 4 fois 400 s’est heurté aux règles de prescription spécifiques au TAS, qui ne peut statuer uniquement sur des litiges survenus pendant les Jeux ou dans les dix jours qui précèdent la cérémonie d’ouverture. Il est donc resté hors-jeu. Autre affaire plus connue du grand public : la victoire “volée” de la gymnaste Ana Barbosu. Le 5 août, on lui a retiré la médaille de bronze remportée quelques secondes auparavant, pour la donner à l’américaine Jordan Chiles. Que s’est-il passé ? Alors qu’Ana Barbosu avait été classée en troisième position avec une note de 13,700, la fédération de gymnastique étasunienne a réclamé un recomptage des points. Réclamation fructueuse, car c’est finalement Chiles qui a raflé le bronze avec le score de 13,766 (contre 13,666 avant le recalcul). Le podium – pourtant historique avec trois femmes noires médaillées olympiques et surtout la Brésilienne Rebeca Andrade devant Simone Biles, sa grande rivale sept fois médaillée d’or aux JO – a tiré des larmes à la gymnaste roumaine de 18 ans. La fédération roumaine a donc protesté. Et a traîné l’affaire devant le Tribunal arbitral du sport en arguant du fait que les Américains avaient réagi quatre secondes trop tard, après la minute impartie pour contester l’attribution des notes selon la charte olympique. Le TAS a validé son raisonnement et la jeune Roumaine Ana Barbosu remporte finalement sa médaille en Roumanie deux jours plus tard. 

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Conflit d’intérêts 

Une affaire dans l’affaire a éclaté quelques jours plus tard. La fédération américaine a découvert que l’arbitre Hamid Gharavi qui avait rendu la sentence au TAS était aussi l’avocat de la Roumanie dans plusieurs dossiers d’arbitrage. Le TAS a précisé dans le New York Times que “l’arbitre assur[ait] [n'avoir] rien caché de ce travail et [qu’]aucune des parties à l'audience ne s'était opposée à sa présence”. La fédération américaine de gymnastique a déjà porté la décision des juges des JO devant le Tribunal fédéral suisse, compétent pour les recours contre les sentences rendues par la chambre ad hoc du TAS. Si la sentence du TAS est annulée au second degré, la médaille de bronze changerait à nouveau de main pour revenir entre celles de l’Américaine. Affaire à suivre.

Depuis sa naissance en 1986, le TAS a rendu plus de 10 mille décisions. Aux Jeux de Paris, sa chambre ad hoc a enregistré 20 procédures contre 11 procédures pour ceux de Londres, 28 pour ceux de Rio, et 15 pour ceux de Tokyo.Prochain cap pour la juridiction du sport : la coupe du monde 2026. Un challenge de taille puisque pour la première fois, la compétition se déroule dans trois pays différents : les États-Unis, le Mexique et le Canada.

Ilona Petit

 

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