Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé mercredi 18 décembre l’ancien patron de l’Autorité de la concurrence Bruno Lasserre des faits de complicité de harcèlement moral qui lui étaient reprochés. Une victoire judiciaire pour ses avocats Bernard Grelon et Jacqueline Laffont-Haïk, Maxime Louvet et Caroline Brézet du cabinet Haïk & Associés.

Cela a dû être un soulagement pour celui qui présida l’Autorité de la concurrence (ex-Conseil de la concurrence) entre 2004 et 2016. Le tribunal correctionnel de Paris a prononcé sa relaxe, le 18 décembre 2024, dans un dossier qui entache son nom depuis sa mise en examen en 2019 pour complicité de harcèlement moral. Ses avocats, Bernard Grelon et Jacqueline Laffont-Haïk, Maxime Louvet et Caroline Brézet du cabinet Haïk & Associés, peuvent souffler.

L’affaire avait éclaté avec le suicide, le 24 mars 2014, d’Alain Mouzon, agent de l’Autorité qui avait dénoncé l’épuisement professionnel subi par ses collègues du service juridique et lui-même. Un rapport de diagnostic de risques psychosociaux d’avril 2013 avait qualifié le management de l’ancien chef du service juridique de l’autorité Fabien Zivy, poursuivi pour harcèlement moral, de “toxique et disqualifiant”, en particulier à l’égard d'Alain Mouzon. Le 17 mars 2016, le tribunal administratif de Paris avait confirmé que “monsieur Mouzon [avait] été exposé à un harcèlement moral qui [avait] entraîné un épuisement professionnel et le développement de troubles anxieux sévères qui [avaient] conduit à son décès”.

Pas d’excuse

À l’issue du procès en correctionnelle, en octobre dernier, les réquisitions du procureur avaient étonné : le parquet réclamait l’abandon de l'accusation contre Bruno Lasserre contre dix-huit mois de prison avec sursis, cinq ans d'interdiction d'exercer des fonctions d'encadrement et deux ans d'inéligibilité pour l’ancien chef du service juridique de l’autorité, Fabien Zivy. Ce à quoi il a finalement été condamné. Ce dernier avait pourtant déclaré au tribunal : “Bruno Lasserre m'a pressurisé. Il m'a demandé de pressuriser le service juridique. J'ai pressurisé le service juridique.” Son avocate Sophie Sarre ne comprend pas que Bruno Lasserre n’ait pas été jugé comme coauteur : “Il [Fabien Zivy, ndle] paie tout, tout seul et ce n’est pas normal”, a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse.

Parmi les arguments invoqués contre l’ancien patron de l’Autorité de la concurrence, il y a notamment le délai d’un mois entre la réception de l’audit des risques psychosociaux en 2013 et le retrait des fonctions de Fabien Zivy. Au cours du procès qui le déclare innocent, il disait ne pouvoir être regardé comme “complice de méthodes de management [qu’il n’a] jamais demandées ni cautionnées et [qu’il a], lorsqu’elles ont été portées à [sa] connaissance, fermement condamnées”. Bertrand Couderc, l’avocat de la mère d’Alain Mouzon, la plaignante, regrette qu’il n’ait pas présenté des excuses, au nom de l’institution, à la famille.

Le milliard

Ce procès renvoie à une époque où l’Autorité a tout mis en œuvre pour concrétiser ses ambitions pour la régulation de la concurrence. En 2014, elle s’est rendue “incontournable” analysait Les Échos. Le gendarme de la concurrence s’est attaqué à des opérations d’envergure comme le rachat de SFR par Numericable en octobre 2014, la fusion Totalgaz et Antargaz et celle de Mr. Bricolage et Kingfisher ou encore le rapprochement entre Dia et Carrefour. Ses équipes ont également bûché sur deux affaires d’entente dans le secteur des produits laitiers et celui des produits d'hygiène et d'entretien. L’Autorité affichait un total de sanction dépassant le milliard d’euros au 1er janvier 2015. Des hauteurs encore jamais atteintes par l’Autorité, dont le plus gros montant de sanctions cumulées était de 631 millions annuels. Au cours du procès, Fabien Zyvi a rappelé les objectifs de chiffres qui mobilisaient fortement les troupes en fin d’année. “En 2011-2012, sur treize décisions rendues pour 850 millions d’amendes, huit l’ont été entre décembre et février.”

Fort avec les forts

Bruno Lasserre avait frappé fort dès ses débuts au Conseil de la concurrence en 2005, en infligeant aux trois opérateurs de téléphonie mobile (Orange, SFR et Bouygues Telecom) une amende de 534 millions d’euros pour entente illicite. Bruno Lasserre avait confié au Monde : “C’est tellement facile d’être fort avec les faibles et faible avec les puissants, tout dans la vie vous y incite. Mais c’est l’inverse qu’il faut faire… et après, vous êtes pris au sérieux.” Ce diplômé de l’ENA (promotion 1975) préside la Commission d'accès aux documents administratifs depuis 2022. Il a passé une bonne partie de sa carrière au Conseil d’État, à ses débuts dans les années 1980 puis à partir de 2016 comme président de section, puis comme vice-président du conseil en 2018, à la suite de Jean-Marc Sauvé. Il a également occupé les fonctions de directeur de la réglementation au ministère des télécoms de 1989 à 1993 puis directeur général des postes et télécommunications jusqu’en 1997. Il a renoncé en janvier, à la présidence des États généraux de l’information, lancés par l’Élysée pour sonder la qualité du droit à l’information en France et les règles du jeu de l’espace informationnel. C’est le patron d’Arte, Bruno Patino, qui l’a remplacé.

Anne-Laure Blouin

 

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