Les États-Unis votent le 8 novembre pour renouveler leur Chambre des représentants, un tiers de leur Sénat, et plusieurs postes de gouverneurs. Alors que la COP 27 se tient dans le même temps en Égypte, une grande partie de notre avenir climatique pourrait bien se jouer sur une autre scène, de l’autre côté de l’Atlantique. Explications.

On a coutume de dire que ce qui se passe à un instant T aux États-Unis, est voué à déferler sur les côtes européennes dix à quinze ans après. Plutôt acceptable quand il ne s’agissait que de tendances vestimentaires, technologiques ou musicales, mais à regarder l’état de division de la société américaine et la déconnexion presque complète de la réalité d’une bonne partie de la population, l’adage n’a jamais été aussi effrayant.

Oncle drame

Empêtré dans une inflation incontrôlable et un poids des années chaque jour un peu plus lourd à porter, Joe Biden arrive en position de faiblesse dans une élection qui favorise généralement l’opposition. Selon Fivethirtyeight, l’un des sites de prédiction électorale les plus fiables du pays, les Républicains auraient ainsi 55% de chances de remporter le Sénat, et 83% de ravir la Chambre des représentants. Le Parti républicain de Donald Trump, des fanatiques de QAnon, des anti-avortement et pro-armes, des antisystèmes et pro-fantasme d’un monde où l’homme blanc règne sans partage, sur la nature comme sur les autres. Si ce n’était que cela, et nonobstant l’adage mentionné en ouverture de cet article, nous pourrions au mieux nous en moquer, au pire nous en désintéresser. Mais dans un pays, plus gros pollueur de la planète, et dont le mode de vie est en contradiction effrontée avec les limites planétaires, cette élection nous concerne malheureusement tous.

États critiques

D’autant plus que, dans ce pays fédéral, comme le note Fred Krupp, président de l’Environmental Defense Fund, une grande partie de la réalisation des objectifs climatiques se joue au niveau des États : "Le seul endroit où les choses se concrétisent, où les projets se construisent, c’est dans les États. Pour décarboner notre économie, nous avons besoin d’y redoubler nos efforts." Or, selon une étude relayée par le magazine Time, les résultats pressentis à l’occasion de ces midterms pourraient mettre plus de la moitié des États dans un contexte politique propice à revenir en arrière sur leurs engagements climatiques.

Quand les obscurantistes de tout poil gagnent chaque jour un peu plus de terrain au sein de la première puissance économique mondiale, difficile d’espérer que le plus élémentaire des discours scientifiques prévale

Just do it

Pour Renaud Lassus, conseiller économique à l’ambassade de France aux États-Unis, dans une tribune accordée à la revue Grand Continent, la dynamique climatique enclenchée par l'administration Biden, avec un investissement public massif de 430 milliards de dollars, ne pourra cependant pas être entravée : "Ces évolutions au sein de la société, des entreprises et des marchés ne vont pas s’arrêter, même en cas de victoire républicaine dans les deux Chambres lors des midterms. Au regard de la taille du marché américain et du montant très important des investissements publics et privés d’ores et déjà engagés, les transformations en cours pourraient induire des effets d’échelle croissants, notamment sur les coûts des technologies nécessaires à la transition énergétique, qui pourraient rendre les prochaines étapes plus rapides et plus marquées."

Un éléphant, ça Trump énormément

Espérons-le. Reste qu’une part importante des électeurs et des élus du parti à l’éléphant témoigne toujours d’un amour inconditionnel à un Donald Trump qui fait de moins en moins mystère de ses velléités de se représenter à l’élection présidentielle de 2024. Le même qui était sorti des Accords de Paris, avait relancé l’industrie du charbon, trouvait Bolsonaro et Poutine charmants, et ne voyait dans toute politique climatique qu’un vaste complot de la Chine. Un pédigré à vous faire passer Emmanuel Macron pour un incorrigible zadiste.

Quand les obscurantistes de tout poil gagnent chaque jour un peu plus de terrain au sein de la première puissance économique mondiale, difficile d’espérer que le plus élémentaire des discours scientifiques prévale. À retrouver bientôt dans toutes les meilleures démocraties proches de chez vous.

Antoine Morlighem