Il y a urgence à agir sinon les dommages seront irréversibles. Tel est le constat particulièrement alarmiste du Giec. La prise de conscience de ce combat écologique devenu nécessaire prend une ampleur grandissante au sein de la société française et est devenu un des sujets incontournables des dernières élections. Au tour du Comité social et économique de s’y mettre !

Du mois d’octobre 2019 au mois de juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a réuni 150 citoyens tirés au sort pour définir une série de mesures susceptibles de réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, et ce, dans un esprit de justice sociale.

Un nouveau triptyque : économie, social et environnement

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, entrée en vigueur le 25 août 2021, reprend une partie des mesures législatives préconisées par la CCC. Elle consacre de véritables prérogatives en matière environnementale au CSE des entreprises de plus de 50 salariés et ajoute un nouveau thème intitulé “Conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise” à la BDES, qui devient la Base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).

Cette loi s’inscrit dans la dynamique de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), définie par la Commission européenne comme l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes.

En pratique, le CSE devra être informé à l’occasion des trois consultations récurrentes (orientations stratégiques ; situation économique et financière de l’entreprise ; et politique sociale, conditions de travail et emploi) et informé/consulté à l’occasion des consultations ponctuelles sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

Par exemple, en cas de déménagement, l’entreprise pourra présenter un “livre vert” présentant les impacts environnementaux complété des documents suivants : un diagnostic énergétique des nouveaux locaux, un bilan des émissions de gaz à effet de serre lié au déménagement, une présentation du plan de réemploi, recyclage et/ou achat du matériel et du mobilier, la prise en considération des impacts sur le temps de trajet des collaborateurs, etc.

Si le CSE se voit investi d’un vrai droit de regard, cette nouvelle prérogative ne lui confère pas de droit de veto sur les décisions de l’employeur. L’objectif, pour l’heure, du législateur est d’inciter les entreprises à s’engager dans une transition environnementale et combattre, par ce biais, le “greenwashing”.

Toutefois, l’absence de précision du texte quant à la notion de “conséquences environnementales” risque de complexifier la mise en œuvre de ses projets par l’entreprise, le CSE étant susceptible de multiplier les demandes de documents complémentaires afin d’allonger son délai de consultation. Il est à relever, en effet, qu’aucun contour des attributions du CSE n’a été opéré en la matière, notamment sur le point de savoir si le rôle du CSE se limite à l’impact environnemental au sein de l’entreprise et pour les salariés, ou bien plus largement sur les écosystèmes et la société civile.

De l’incitation à une politique sociale verte à la contrainte

Le législateur n’est pas venu, par ailleurs, préciser les outils d’analyse et les informations devant être fournies par l’employeur dans le cadre des consultations du CSE et déposés, le cas échéant, sur la BDESE. Les entreprises sont ainsi invitées à faire preuve de transparence et d’innovation, pour limiter le risque contentieux notamment. Dans ce cadre, certaines données de l’entreprise peuvent s’avérer des trésors d’informations, permettant de mesurer la performance de la RSE de l’entreprise, notamment les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), la déclaration de performance extra-financière (DPEF), le rapport RSE, le Plan de mobilité employeur (PDM) ou encore le bilan carbone (ou bilan GES).

Pour l’heure, le non-respect de ces nouvelles règles n’est pas spécifiquement sanctionné par le Code du travail.

Ceci étant précisé, à défaut de mise en conformité de la BDESE, le CSE pourrait légitimement estimer que son information est incomplète et ainsi solliciter :

  • la suspension du projet en faisant juger que le délai de consultation n’a pas débuté ;
  • la communication des informations manquantes sous astreinte et la prolongation du délai préfix de consultation ;
  • la condamnation de l’employeur pour entrave au fonctionnement du CSE.

Il ne faut pas s’y méprendre, le gouvernement pose une première pierre à l’édifice et, à la lumière de l’évolution des règles concernant par exemple l’égalité professionnelle, il est fort à parier que le Code du travail sera prochainement complété par une sanction en cas de non-respect de ces nouvelles obligations d’information/consultation.

Les entreprises doivent donc prendre conscience de la révolution climatique qui s’installe et prendre en considération les enjeux environnementaux dans leurs business model. Le législateur tend à consacrer les conséquences environnementales des mesures prises et les actions menées pour s’adapter au changement climatique comme pierres angulaires des discussions avec les partenaires sociaux. Nous ne pouvons donc qu’inciter les entreprises à anticiper et à intégrer ces réflexions dans le cadre de leurs négociations collectives (ex : mobilité, accord d’intéressement, télétravail).

Une nouvelle compétence sans de réels moyens supplémentaires

Enfin, il sera relevé que le législateur n’a pas prévu, pour l’heure, de moyens supplémentaires pour le CSE afin de répondre à ses nouvelles prérogatives : absence d’augmentation par exemple du volume des heures de délégation et de formation, ou encore de création d’une commission du CSE spécifique en matière environnementale.

La loi Climat pourrait donner un nouvel élan au droit d’alerte environnemental dont bénéficie tout membre du CSE (ou tout travailleur) qui constate l’existence de produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’entreprise faisant peser un risque grave sur l’environnement (C. trav., art. L. 4133-2).

Également, afin d’accompagner les nouvelles prérogatives environnementales du CSE dans le cadre de ses consultations récurrentes, la mission de l’expert-comptable a été étendue aux problématiques environnementales. Il sera noté toutefois l’absence d’élargissement des missions des experts en charge des consultations ponctuelles. Ainsi, une phase de sensibilisation et de formation des membres du CSE apparaît comme inéluctable, de même que des partenaires sociaux amenés à négocier sur les enjeux de la transition écologique en matière de GEPP.

Sur les autrices : 

Virginie Audet et Maiwenn Le Gléau sont avocates au sein d'Actance. Cabinet leader en droit social, Actance conseille des groupes et entreprises appartenant à l'ensemble des secteurs d'activité. Actance accompagne au quotidien ses clients pour qu'ils anticipent les évolutions sociétales et s'adaptent, au mieux, aux nouveautés législatives qui en découlent.

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