Véhicule de droit plébiscité par les Anglo-Saxons, le trust a fait l’objet d’un avis du Conseil d’État sur la question spécifique et cruciale du traitement fiscal de ses revenus. Jérôme Assouline et Sophie de Carné-Carnavalet, associés au sein du cabinet Sekri Valentin Zerrouk, reviennent sur les tenants et aboutissants de cette décision.

 

DÉCIDEURS. Pouvez-vous revenir sur la définition et l’utilisation d’un trust ?

Jérôme Assouline. Le trust est un mécanisme de planification successorale mis en place dans les pays anglo-saxons, par lequel un constituant confie à un tiers administrateur la gestion de biens pour le compte d’un ou plusieurs bénéficiaires. Il est notamment utilisé aux États-Unis pour éviter la procédure de probate, qui est plus lourde. Le constituant comme les bénéficiaires peuvent être résidents fiscaux en dehors de ces pays. Le trust est un outil de planification successorale utile mais au traitement fiscal complexe.

Sophie de Carné-Carnavalet. Cet outil, qui n’existe pas en France, permet d’éviter que de jeunes enfants ou jeunes adultes se retrouvent avec du patrimoine en main sans savoir comment le gérer.

Il y a eu récemment un avis du Conseil d’État concernant le traitement fiscal des revenus provenant d’un trust. Pouvezvous nous expliquer les enseignements de cette décision ?

J. A. Le Conseil d’État a été interrogé par le gouvernement sur le traitement des revenus d’un trust. Il a indiqué qu’un trust était fiscalement opaque, ce qui signifie que ses revenus ne sont pas imposés par transparence entre les mains du constituant, mais ne le sont que s’ils sont distribués par le trust. Pour nous, cet avis n’était pas une surprise, c’est une juste application des dispositions du Code général des impôts.

Comment cet avis se combine-t-il avec les règles fiscales américaines et les dispositions de la convention fiscale franco-américaine ?

J. A. Aux États-Unis, la plupart des trusts sont transparents, donc les revenus sont fiscalement appréhendés par le constituant avec une imposition annuelle à son niveau. Or, s’ils sont redistribués, ils seront imposés une seconde fois en France, ce qui crée une double imposition non résolue par la convention. Dans un certain nombre de cas, les États-Unis peuvent accorder un crédit d’impôt mais ce n’est pas vrai dans toutes les situations.

"Une décision rendue en novembre 2023 précise que c’est au contribuable d’apporter la preuve de la nature de la distribution effectuée par un trust"

En revanche, le capital n’est pas imposé ou est soumis au droit de mutation à titre gratuit. Pour répondre à cette problématique de qualification de la distribution, une décision rendue en novembre 2023 par l’administration fiscale indique que c’est au contribuable d’apporter la preuve de la nature de la distribution, revenu ou capital.

Cet avis change-t-il la fiscalité applicable en cas de décès du constituant du trust ?

J. A. Non cet avis ne concerne pas les droits de mutation à titre gratuit. Les actifs du trust sont soumis au droit de mutation à titre gratuit dans deux cas : si le capital est distribué au bénéficiaire ou au décès du constituant. Dans ce dernier cas, l’ensemble des actifs placés en trust sont soumis au droit de succession.

Il y a également eu des évolutions concernant le traitement fiscal en France des sociétés étrangères en général et américaines en particulier n’est-ce pas ?

S. de C.C. Les régimes applicables à l’étranger ne sont pas identiques aux régimes français. Ici, nous avons les sociétés civiles par exemple, qui bénéficient d’un régime de translucidité, c’est-à-dire que les associés sont taxés en fonction de leur part sur les bénéfices. Les États- Unis ont des sociétés de personnes sous forme de limited partnership ou limited liability companies, avec non pas un principe de translucidité mais de transparence. Selon eux, il n’y a pas de personnalité fiscale au sein de ces structures, donc les dividendes remontent en transparence entre les mains des associés comme s’ils les avaient réalisés directement.

"De nombreuses sociétés considérées comme transparentes aux États-Unis sont finalement opaques en France"

La problématique est de savoir si, en France, les sociétés de personnes américaines peuvent bénéficier du même régime que les sociétés de personnes françaises. Nous avons longtemps pensé que c’était le cas, mais ces dernières années, les tribunaux administratifs ont rappelé le principe d’assimilation, posé par la jurisprudence Artémis. Il s’est avéré que beaucoup de sociétés considérées comme transparentes aux États-Unis sont finalement opaques en France. Cela pousse à devoir faire une analyse pointue de chaque partnership pour ensuite les qualifier correctement.

Que doivent retenir les résidents de France qui sont bénéficiaires de trusts ou associés de partnerships ou de limited liability companies ?

S. de C-C. Il convient d’analyser leur situation de façon spécifique pour savoir quelles règles sont applicables, et se poser la question du régime fiscal en se rapprochant de conseils spécialisés.

J. A. Les clients sont parfois surpris qu’il y ait encore des situations non résolues. Nous encourageons l’administration à prendre en compte les implications pratiques des décisions car elles ne sont pas sans conséquences.

Propos recueillis par Marine Fleury

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