Plusieurs situations justifient le choix d’exploiter une activité de loueur en meublé sous la forme sociétaire. Tantôt, il s’agit de définir des règles de gestion plus souples et mieux adaptées que celles proposées par le régime légal de l’indivision. Tantôt, c’est l’anticipation de la succession qui commande de recourir à une société, et ce en vue d’optimiser la transmission tant d’un point de vue juridique que fiscal.
Si le choix est arrêté pour la constitution d’une société, après une analyse juridique, fiscale, sociale et financière, il surgira la question de la forme de la société. Laquelle choisir ? Il est classiquement évoqué la constitution d’une société civile immobilière (SCI) ou d’une société à responsabilité limitée (SARL). Plus rarement, il est proposé une société en nom collectif (SNC). Chaque forme sociale présente des avantages et des inconvénients, dont il est nécessaire de bien prendre la mesure avant de signer les statuts. Nous limitons volontairement notre à analyse à la location meublée sans prestation para-hôtelière.

 

A. Société civile immobilière


La forme sociale qui vient généralement tout de suite à l’esprit est la SCI. Elle constitue en effet un formidable outil de gestion de patrimoine. Sa souplesse de fonctionnement autorise de nombreuses stratégies. Rappelons toutefois que si la location meublée est en principe une activité civile d’un point de vue juridique, elle constitue une activité commerciale au regard du droit fiscal. Les revenus issus de la location meublée relèvent ainsi de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Or une SCI qui exerce une activité principalement commerciale taxable dans la catégorie des BIC est passible de plein droit de l'impôt sur les sociétés (IS). Il n’en va autrement que si les revenus issus de la location en meublé n’excèdent pas 10 % des revenus totaux de la SCI, pourvu, bien entendu, que les autres revenus soient tous de nature civile.

 

Entre autres conséquences de l’assujettissement de la SCI à l’IS, l’impossibilité d’imputer l’éventuel déficit issu de l’activité de location meublée sur le revenu global, ou encore l’assujettissement de la vente du bien immobilier par la SCI au régime des plus-values professionnelles plutôt qu’au régime des plus-values immobilières des particuliers. La SCI pourrait donc priver le loueur en meublé non professionnel de l’exonération totale d’impôt sur le revenu (IR) au bout de 22 ans et de prélèvements sociaux au bout de 30 ans. En fonction de la situation fiscale et des projets du loueur en meublé, l’IS peut néanmoins se révéler plus intéressant. Le choix pour la SCI prend alors tout son sens. Mais généralement, le contribuable préfère échapper à l’IS.

 

B. Société à responsabilité limitée de famille

En principe, une SARL est soumise à l’IS. Toutefois, lorsque les associés d’une SARL sont parents en ligne directe ou frères et sœurs, ou encore conjoints ou partenaires liés par un PACS, ils peuvent, tous ensemble, opter pour ne pas assujettir la société à l’IS. La SARL est alors dite "de famille", ou encore "soumise à l’IR". La SARL de famille peut donc utilement servir de support à une activité de location en meublé, notamment non professionnelle. En cas de revente du bien immobilier, le régime applicable sera celui des plus-values immobilières des particuliers. Ce type de société répond parfaitement aux objectifs de transmission anticipée des biens loués en meublé. Nous renvoyons le lecteur à nos précédents articles sur la question. Mais il comporte son lot de difficultés.

 

Il convient en effet de retenir que seules certaines personnes peuvent être membres d’une SARL de famille, sous peine de voir la SARL assujettie de plein droit à l’IS. Par exemple, si le projet immobilier est entrepris par un frère et une sœur, ces derniers ne pourront pas envisager une transmission anticipée, notamment en démembrement de propriété, au profit de leurs enfants respectifs sans perdre le bénéfice de "l’option à l’IR". Il est également important d’anticiper un divorce et de modifier la forme de la société avant son prononcé. En outre, pour conserver le bénéfice de "l’option à l’IR", la SARL de famille ne doit absolument pas pratiquer d’activité civile.

 

L’intégralité de l’activité doit être de nature commerciale. Cette fois, pas de tolérance de 10 % comme en SCI ; seule une activité civile présentant un caractère accessoire et constituant un complément indissociable de l’activité principale serait tolérée. Ainsi, la société ne peut envisager de placer sa trésorerie, ni même constituer une filiale, l’activité de holding constituant une activité civile… Ces écueils peuvent être évités avec une autre forme de société.

 

"Attention à bien respecter les conditions requises pour opter à la SARL de famille, sous peine de perdre certains avantages du LMNP"

 

C. Société en nom collectif

Moins connue que la SARL, la SNC est une forme de société qui peut également être utilisée dans le cadre d’une activité de location en meublé sans qu’elle ne soit soumise à l’IS. Le régime fiscal de la SNC est effectivement de plein droit celui de l’IR. Aucune option à l’IR n’est nécessaire, l’absence de lien familial entre les associés ne constitue donc pas un obstacle. Les associés peuvent donc transmettre, en tout ou partie, leurs parts à leurs enfants notamment, sans risque de passage à l’IS.

 

Par ailleurs, le régime fiscal de la SNC demeure l’IR quand bien même elle pratiquerait une activité civile. Le cumul d’activités civile et commerciale ne modifie nullement le régime d’imposition des revenus de la SNC. Celle-ci peut donc disposer de biens qu’elle offre en location meublée, mais également des biens donnés en location nue, ou décider de placer sa trésorerie, créer une filiale… Et cela, peu important le poids respectif des activités civile et commerciale. Les revenus issus de la location meublée demeureront taxés suivant le régime des BIC et soumis au barème de l’IR.

 

Nous l’aurons compris, la SNC s’avère beaucoup plus souple que la SARL de famille à ce double égard. Cependant, la SNC n’est pas ouverte à toute personne. Les associés d’une SNC voient en effet leur responsabilité être indéfinie et solidaire, ils sont assimilés à des commerçants. Pour cette raison, les mineurs non émancipés ne peuvent intégrer une telle structure. Dans la perspective de transmettre la nue-propriété des parts à des enfants mineurs par exemple, la SNC doit être écartée.

De surcroît, si les règles juridiques et fiscales doivent guider le loueur en meublé dans sa quête de forme sociale idoine, celui-ci doit aussi tenir compte de considérations d’ordre social. Or en SNC, il n’est pas fait de distinction entre un gérant majoritaire et un gérant égalitaire ou minoritaire au regard du régime social applicable. Et pour cause, tous les associés, qu’ils soient ou non gérants, sont soumis au régime des travailleurs indépendants. À l’inverse, en optant pour une gérance non majoritaire, le loueur en meublé qui exploite son activité au travers d’une SARL peut éviter, si tant est que cela soit préférable, le forfait minimal dû au titre des cotisations sociales. La SARL de famille conserve donc de précieux atouts par rapport à la SNC.

 

"La SNC est plus contraignante du point de vue des règles sociales"

Conclusion

Il n’existe pas de forme de société idéale. Chaque société présente des avantages et des inconvénients, dont l’importance respective dépendra de la situation familiale, fiscale et sociale du loueur en meublé, ainsi que de ses projets. Une analyse de chaque situation est donc primordiale avant de s’engager dans un contrat de société, dont les statuts devront être soigneusement rédigés en considération des perspectives à court et long termes.

 

SUR L’AUTEUR


Philippe Van Steenlandt, docteur en droit et notaire associé, conseille et accompagne les clients pour toutes les questions qui concernent la structuration, la restructuration, la gestion et la transmission des patrimoines privés et/ou professionnels. Sa riche expérience, acquise notamment en tant que directeur juridique et fiscal du premier réseau notarial français, lui permet d’appréhender les problématiques de ses clients de manière transversale : droit patrimonial de la famille, droit de l’assurance-vie, droit de l’entreprise, droit des sociétés, droit immobilier, droit des garanties et du financement, droit fiscal, droit international privé. Il est également expert agréé près les tribunaux.

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