Figure de l’appropriation des enjeux écologiques au sein des entreprises, Hélène Valade met chaque jour en pratique les trois qualités qu’elle juge indispensable à tout directeur de développement durable : le courage, pour porter les sujets de transformation ; la rigueur, pour de pas tomber dans les solutions de facilité, et le leadership, pour convaincre et embarquer. Portrait.
Hélène Valade commence sa carrière en 1995 au sein de l’institut de sondage Ifop. Elle y restera plus de dix ans. « J’ai adoré ce métier. Cela m’a donné une compréhension fine des attentes, des valeurs, des comportements qui traversent la société. C’est là que j’ai vu émerger la prise de conscience environnementale dans l’opinion, qui a débouché sur la création du premier Observatoire des Français et du développement durable. » Et puis de spectatrice, Hélène Valade aspire à devenir actrice. Elle y va au culot et propose à Gérard Mestrallet, alors PDG de Suez, de créer une direction de développement durable… avec elle à sa tête. Ce dernier prend le pari et l’intronise, dans un premier temps, au sein d’une filiale du groupe : la Lyonnaise des Eaux. « N’étant ni un ingénieur, ni un homme, le pari était loin d’être gagné. Mais ma présence au sein du comex m’a permis de peser et d’instituer progressivement une transformation de notre modèle économique, qui a abouti à l’élaboration d’une nouvelle offre de services écologiques pour les collectivités. » Un accomplissement qui lui permet, en 2013, d’accéder à la direction du développement durable du groupe Suez où elle se spécialise sur les questions de circularité. Entretemps elle crée le Collège des directeurs de développement durable (C3D), afin d’impulser une dynamique collective pour cette fonction naissante qui cherche encore ses marques : « Il n’y avait pas de mode d’emploi, c’était un endroit dont on avait besoin pour s’entraider, échanger nos bonnes pratiques. » Aujourd’hui présidé par Fabrice Bonnifet, le C3D compte plus de 300 membres.
« Le luxe peut être un modèle inspirant sur la manière dont nous produisons et consommons »
Prête à porter
En 2019, Hélène Valade commence à s’interroger sur la suite à donner à son action. LVMH lui fait une proposition qui lui ouvre « de magnifiques perspectives de découvertes ». Elle saute sur l’occasion. Elle prend ses fonctions avec un enthousiasme que la crise du Covid ne parvient pas à effriter : « Cela n’a pas facilité les choses, d’autant que j’adore être sur le terrain. Mais il y a tellement de secteurs différents au sein du groupe, avec à chaque fois des enjeux spécifiques, que c’est absolument passionnant à penser et articuler. » Elle met sur pied la stratégie Life 360, reposant sur trois échéances clés (2023, 2026 et 2030) et construite autour de quatre piliers : la protection de la biodiversité, la lutte contre le dérèglement climatique, l’économie circulaire et la transparence. « Par sa capacité à être économe en ressources, à proposer des produits qui durent dans le temps, à être créatif, ou encore à mobiliser toute une chaîne de valeur sur ces enjeux, le luxe peut être un modèle inspirant sur la manière dont nous produisons et consommons. Même s’il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin, en poussant de nouveaux concepts, comme l’upcycling par exemple. »
En jeu
En bonne passionnée de théâtre, qu’elle pratique au sein de la troupe Archicube aux côtés de Christophe Barbier, Hélène Valade veut être actrice de sa vie et des changements qui bouleversent notre société. Que ce soit sur les planches, au sein du groupe LVMH où à la tête de l’Observatoire de la RSE (ORSE) qu’elle préside et qui fédère les énergies et bonnes pratiques vers des modèles d’affaires plus responsables, elle agit chaque jour, tout en s’inquiétant des dérives radicales qui fractionnent nos sociétés et entravent le changement. Elle garde cependant foi dans notre capacité d’innovation, « pas seulement technologique, mais dans nos comportements, nos pratiques, dans l’art… J’y vois un potentiel immense. »
Et si les nouveaux récits étaient finalement le meilleur moyen de passer de la fiction à l’action ?
Antoine Morlighem