Par une décision remarquée du 7 février 2023 (RG n°22/11304), la Cour d’appel de Paris a rejeté l’exequatur d’un jugement américain rendu à l’encontre d’un cinéaste franco-russe dont les intérêts ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de la procédure. Le cinéaste était représenté par Spartans Avocats, avec Matthias Pujos (associé fondateur) et Salomé Amato.

Sur les auteurs: Réputé pour sa pugnacité et sa détermination, et dédié à la cause de ses clients, le cabinet SPARTANS AVOCATS intervient dans les affaires les plus complexes qui nécessitent une réactivité absolue et une approche stratégique. Piloté par un avocat chevronné, ce cabinet, fondé par Matthias Pujos et rejoint par Salomé Amato, s’illustre régulièrement par ses succès judiciaires.

La demande d’exequatur d’un jugement américain rendu il y a plus de vingt ans

En juin 2020, une société américaine de production de films et son président ont assigné un cinéaste franco-russe, devant le Tribunal judiciaire de Paris, afin qu’un jugement rendu en 1999 par un tribunal de l’État de Virginie soit déclaré exécutoire en France. Cette décision américaine condamnait un simple particulier à verser près de trois millions de dollars, montant porté à près de dix millions de dollars avec les intérêts sur vingt ans. Seulement, cette décision américaine a été rendue au terme d’une procédure hyper attentatoire aux droits de la défense : le cinéaste n’avait jamais été informé de l’instance engagée contre lui et donc mis en mesure de se défendre. En effet, la Cour d’appel de Paris l’a acté, ce n’est qu’à la faveur de l’action en exequatur engagée contre lui en France qu’il a découvert l’existence de ce jugement américain rendu il y a plus de vingt ans.

La mise à l’écart des conditions de l’exequatur

En dépit de la violation, que l’on estimait flagrante, des principes tirés de l’ordre public international (droits de la défense et droit à un recours effectif), le premier juge de l’exequatur a déclaré exécutoire en France le jugement américain. Cette décision était déroutante en ce que ce juge a semblé, d’une certaine façon, renoncer à l’examen in concreto de la conformité du jugement américain à l’ordre public international. Compte tenu de la solution retenue, la saisine de la Cour d’appel de Paris paraissait évidente.

…avant que la Cour d’appel de Paris ne restaure la garantie du respect des droits de la défense

Attachée à l’examen de la conformité du jugement américain à l’ordre public international, la Cour d’appel de Paris a, par sa décision du 7 février 2023, établi une grille pédagogique d’examen de cette conformité : les droits de la défense et le droit à un recours effectif ont-ils été respectés ? À cette question, la Cour d’appel de Paris a répondu par la négative.

Par cette décision retentissante, la Cour d’appel s’est illustrée comme garante du respect de ces droits fondamentaux, rappelant, par un énoncé limpide : “il est du devoir de tout juge d’un État partie à la Convention européenne des droits de l’homme, saisi d’une demande d’exequatur, de s’assurer, avant de l’accorder, et alors même que la décision dont est demandé l’exequatur émane des juridictions d’un pays qui n’applique pas la convention que, dans le cadre de la procédure suivie devant la juridiction étrangère, la partie défenderesse a bénéficié d’un procès équitable”.

Le passage au crible d’une procédure américaine lacunaire

C’est au terme de constatations successives concernant le déroulé de la procédure américaine que la Cour d’appel de Paris a jugé que les intérêts du cinéaste avaient été objectivement compromis aux États-Unis par une violation des principes fondamentaux de la procédure. En premier lieu, elle a considéré qu’il n’avait pas eu connaissance de l’acte introductif d’instance, dès lors qu’il n’était pas démontré qu’il lui avait été remis de façon “réelle et effective”. Sur ce point, la Cour d’appel s’est logiquement inscrite dans la lignée d’une solution dégagée de longue date par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 19 décembre 2012, Alder, affaire n° C-325/11).

Ensuite, la Cour d’appel de Paris a souverainement jugé que le calendrier procédural fixé par le juge américain était attentatoire aux droits de la défense : un simple délai de vingt jours avait été prévu pour que le cinéaste prépare sa défense. La Cour d’appel a aussi relevé qu’il n’est pas établi que les actes américains de procédure avaient été signifiés au défendeur. Même la décision américaine dont l’exequatur était sollicitée n’avait pas été signifiée au défendeur, le privant de toute possibilité d’exercer un recours effectif.

Le rôle essentiel de l’avocat en tant que dernier rempart avant l’exequatur éventuel d’une décision étrangère

La décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 7 février 2023 est l’illustration parfaite qu’aucun moyen de défense ne doit être négligé dans la procédure d’exequatur. C’est bien un faisceau d’indices concordants, livré à l’appréciation souveraine des juges du fond, qui a permis de faire obstacle à l’exequatur du jugement américain. Et c’est là toute l’expression de l’efficacité du contrôle renforcé exercé dans le cadre d’un exequatur : offrir au justiciable la garantie qu’aucune décision étrangère rendue dans des conditions non conformes à l’ordre public international ne pourra être exécutée sur le sol français.

Le rôle de l’avocat est donc ici déterminant car son intervention constitue le dernier rempart avant qu’une décision étrangère ne soit éventuellement rendue exécutoire en France. Dans cette affaire, le concours de l’avocat était d’autant plus déterminant que c’est à force d’une bataille acharnée menée contre une injustice procédurale, et après un échec en première instance, qu’une décision favorable a finalement été obtenue à hauteur d’appel. Sans compter que les parties demanderesses à l’exequatur ont finalement été condamnées à verser une somme record de 100.000 euros au titre des frais de Justice.

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