Christophe Arrebolle, Stelliant : "L’indépendance des experts d’assurance vis-à-vis des assureurs et des donneurs d’ordres doit être réaffirmée"

Décideurs. Quel est l’événement marquant de votre année 2022 (ou début 2023) ?
Christophe Arrebolle. Notre positionnement sur le management des crises est arrivé à maturité. Nous sommes identifiés comme un acteur de la gestion de crise par nos clients qui nous confient des missions de plus en plus variées. Chez Stelliant, nous savons prendre en charge plusieurs volets d’une même crise.
Par exemple, dans le domaine des biens de consommation, nous venons de réaliser une campagne de rappel de produits d’ampleur. En matière de cyberattaque, outre notre capacité à conseiller et proposer des mesures correctives, nous accompagnons nos clients jusqu’à la gestion des demandes de rançon qui, une fois toutes les solutions possibles épuisées, reste une étape extrêmement sensible pour un retour à la normale.
Ce fut également le cas, dernièrement, à la suite de la faillite d’une entreprise de construction de maisons individuelles. La compagnie d’assurance nous a missionnés pour défendre les intérêts de ses assurés en les accompagnant de bout en bout : gestion de la relation client, évaluation du reste à faire, partie transactionnelle pour les assurés ayant fait le choix de vendre, assistance à maîtrise d’ouvrage pour ceux souhaitant continuer les travaux.
Ce positionnement sur le management des risques a été un axe de communication lors de notre présence aux 30^e Rencontres de l’Amrae à Deauville en février 2023. Nous sommes des techniciens. Nous commençons par démontrer que nous savons faire avant de communiquer.

"Nous sommes des techniciens. Nous commençons par démontrer que nous savons faire avant de communiquer"

Comment définissez-vous le positionnement du groupe Stelliant sur le marché ?
La particularité du groupe Stelliant réside dans sa vocation à offrir le spectre de prestations le plus large possible. Il y a dix ans, nous avons élargi le champ de nos activités après avoir constaté les changements induits par la numérisation, tant sur les modalités d’intervention des experts et la gestion des dossiers dont nous avions la charge, que sur la façon de travailler de nos mandants, les professionnels de l’assurance (compagnies, courtiers, agents…). Nous avons pu ainsi élargir le champ de nos compétences pour répondre à leurs problématiques qui s’avéraient de plus en plus diverses. Le tout sur un territoire toujours plus large. Nous avons réalisé cette transformation par étape, au moyen de croissance externe, lorsque cela était pertinent.

Votre stratégie de diversification et de concentration semble vous avoir réussi. Pensez-vous que cette démarche doit être suivie par l’ensemble des acteurs de ­l’expertise d’assurance ?
Notre stratégie n’est pas universelle. Il y a de la place pour des façons de faire différentes dans le monde de l’expertise d’assurance. D’ailleurs, le mouvement de concentration touche aussi les professionnels de l’assurance, notamment les compagnies d’assurance mais cela n’empêche pas l’émergence de compagnies de niche.
Vous êtes l’une des plus grosses structures et l’un des acteurs incontournables du marché des experts en assurances, comment expliquez-vous votre succès ?
Le groupe Stelliant est présent sur l’ensemble de la chaîne du risque assurantielle et à ce titre, nos quatre pôles métiers bénéficient de l’expérience des uns et des autres. Pour les équipes de Stelliant Expertise, c’est avant tout leur technicité et leurs compétences qui structurent leur activité. Je ne parle pas seulement des compétences techniques. Nos collaborateurs savent être motivés, s’impliquer pleinement dans leurs missions et ont à cœur de se former en permanence. Au-delà de ces prérequis essentiels, c’est notre capacité à avoir la bonne réponse, sur des besoins nouveaux, qui nous différencie. Mais cela ne vient pas tout seul. Anticiper les besoins de nos clients se prépare au quotidien. Nous essayons d’être le plus souvent en contact avec eux et leurs problématiques pour y parvenir.

Sur quels domaines intervenez-vous et quelle palette de services offrez-vous à vos clients ?
Le groupe Stelliant intègre dans ses activités quatre grands métiers : Ingénierie Conseil & Prévention, Expertise, Relation client & TPA (= Délégation de gestion), ­Solutions après sinistre.
En matière d’expertise, avec Stelliant ­Expertise, nous sommes aussi bien mandatés pour des sinistres de particuliers qu’en matière de construction ou de risque d’entreprise. Tout comme l’expertise, les solutions après sinistre prennent des formes variées. Elles recouvrent la réparation en nature, la décontamination après un incendie ou un dégât des eaux mais elles peuvent aussi prendre la forme d’interventions ­techniques de pointe.

Vos domaines d’intervention sont très liés au sinistre et à sa gestion… Quelles autres prestations offrez-vous à vos clients ?
Historiquement, en tant qu’expert en assurance, les équipes étaient sollicitées lorsque le sinistre avait lieu et qu’il ne restait plus qu’à expertiser les pertes. Grâce à notre stratégie de diversification, aujourd’hui ce n’est plus seulement le cas. Par exemple, au moment où le sinistre survient, le groupe Stelliant, via ses filiales dédiées, peut intervenir sur la gestion de crise et coordonner l’ensemble des acteurs présents sur place pour remettre en état, notamment en matière de risque industriel et cyber. En complément, nous sommes également très actifs sur l’externalisation de la relation client et la délégation (=TPA) pour permettre à nos clients de se focaliser sur leur métier. Fort de ces trente années d’expérience en gestion des sinistres, le groupe Stelliant propose également toute une panoplie de conseils et peut aider assurés et professionnels de l’assurance à prévenir les risques, en matière de risque cyber ou d’incendie par exemple.

"Une réflexion de fond sur le métier d’expert est en cours"

Comment imaginez-vous le futur du métier d’expert d’assurance ?
Ces quinze dernières années, nos métiers ont beaucoup changé, notamment parce que les techniques ont évolué et ce mouvement n’est pas près de s’arrêter. Mais ces derniers temps, nous assistons à quelque de chose de nouveau : en parallèle des évolutions techniques des moyens que nous utilisons, comme la visio-expertise, une réflexion de fond sur le métier d’expert est en cours pour mieux s’adapter aux enjeux de ­demain.

Qu’entendez-vous par là ?
Plusieurs projets législatifs, dont la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait gonflement de l’argile (RGA),
témoignent d’une volonté de réglementer la profession d’expert. Nous voyons aussi poindre l’idée d’imposer la présence systématique de deux experts au cours des
expertises. C’est une façon de remettre au goût du jour la pratique du "contradictoire" dans l’expertise. Dans ce contexte de redéfinition des rôles des acteurs de ­l’expertise et de questionnement sur le métier, l’indépendance des experts vis-à-vis des professionnels de l’assurance et des ­donneurs d’ordres doit être réaffirmée car ­souvent mal comprise.