Cédric Poisvert, associé du cabinet Nomos et passionné du droit de la santé, accompagne les opérateurs de santé depuis plus de quinze ans. L’avocat revient sur son savoir-faire, les risques et les tendances ­contentieuses d’un secteur en constante évolution.

Décideurs. Le droit de la santé est un secteur de niche. Pourquoi avoir choisi cette spécialité ?
Cédric Poisvert.
Fils d’un médecin et d’une infirmière, petit-fils d’un représentant médical, j’ai toujours baigné dans le milieu médical. Mais je ne m’en suis pas complètement éloigné non plus. Pour ma dernière année en faculté de droit à Bordeaux, j’ai choisi une formation dispensée par des professionnels de santé et de consacrer mon mémoire au comportement du malade comme cause exonératoire de responsabilité.

Comment se compose votre clientèle ?
Laboratoires pharmaceutiques, sociétés de biotechnologie, fabricants de dispositifs médicaux, fonds d’investissement, établissements publics ou privés de santé, professionnels de santé… Ma clientèle est quasiment exclusivement composée d’opérateurs du secteur de la santé. J’accompagne mes clients sur les aspects réglementaires de leurs activités et prends en charge leur défense en cas de mise en cause dans le cadre de contentieux civils, pénaux, ­administratifs ou disciplinaires.

Et pourquoi avoir choisi de rejoindre Nomos en 2021 ?
J’ai choisi de rejoindre Nomos parce que c’est un cabinet d’experts. Intervenir dans le secteur santé/pharma oblige à maîtriser plusieurs branches du droit. Il est indispensable d’avoir une connaissance approfondie de l’activité et d’adopter une approche globale des besoins des opérateurs de santé. La présence chez Nomos de départements spécialisés, notamment dans la concurrence/distribution, le droit du travail et dans le droit des nouvelles technologies et des données personnelles est un véritable atout. Sur les sujets de data privacy et de données de santé – qui font appel au droit de la santé comme au droit des nouvelles technologies – se posent à différents moments : celui de la collecte des données pour la recherche ou encore lorsque les opérateurs sont victimes d’une attaque cyber. Les opérateurs essaient de les réduire et réalisent des travaux de mise en conformité afin d’éviter la création d’un risque sériel mais tout dépend de l’état des lieux et des moyens. Un groupement de cliniques qui peut avoir un DSI et des outils technologiques performants est plus à même de faire le nécessaire. À l’inverse, le coût de la mise en conformité pour les petites structures peut être un frein.

 "Nomos est un cabinet d’experts"

On observe dans le monde une légère diminution des attaques cyber, cette ­diminution profite-t-elle aux acteurs de la santé ?
Des atteintes aux données de santé, il y en a et il y en aura dans l’avenir. On peut espérer que son essor diminue fortement et avec lui le recours aux données illégalement recueillies. Mais à côté du marché illégal, le marché légal de la donnée de santé se développe. Les questions d’agrégation des données, de leur analyse et du rôle de tiers de confiance sont au cours des enjeux du moment. L’arrivée de l’IA – source de risques – offre aussi des occasions extraordinaires en matière de prédiction de cicatrisation, de prédiction oncologique et pourrait améliorer le calcul des probabilités de succès des essais cliniques qui coûtent très cher et dont les résultats sont difficiles à prévoir.
Quel impact l’IA peut-elle avoir sur votre métier d’avocat ?
La force des métiers juridiques réside dans l’instinct. L’IA n’a pas d’instinct. Nos clients ont besoin que nous interagissions avec eux et que nous mettions leur problème en perspective. Nous savons qu’un humain a ses limites et la force de la justice c’est de ne pas demander l’impossible. Dans nos sociétés modernes, certains ont tendance à confondre dommage et responsabilité. Avocats, magistrats, nous cherchons ­l’équilibre. 

"L’IA n’a pas d’instinct"

Scandale PIP, procès du Médiator, l’actualité judiciaire est régulièrement marquée par des dossiers sériels de grande ampleur. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Aujourd’hui, le chemin a été ouvert pour le regroupement de victimes dans le cadre de litiges se fondant sur la défectuosité de produits Il s’agit tant d’actions de groupe au sens des textes mais aussi de procès engagés par une multitude de demandeurs. Ces dossiers de regroupement inquiètent les opérateurs. Les magistrats peuvent ressentir une pression dans ce type de litiges dans lesquels la décision qu’ils vont rendre sera perçue comme l’unique décision sur le sujet. Pour autant, la charge émotionnelle n’est pas nécessairement plus forte dans ce type de procès où il n’est pas toujours possible de passer du temps sur la situation de chaque demandeur. Les dossiers de responsabilité dans le cadre du secteur de la santé ont souvent une part émotionnelle forte.


Selon vous, de quoi traiteront les prochains dossiers sériels dans le domaine de la santé ?
Il faut s’attendre à l’arrivée de contentieux liés à la pandémie de Covid. De nombreuses situations que nous avons malheureusement connues durant la pandémie peuvent donner lieu à la mise en jeu de la responsabilité des opérateurs de santé : la visite d’un parent refusée, un défaut de traitement, la défaillance de la régulation médicale ou encore la télémédecine qui d’ailleurs se développe sont source de ­responsabilité.

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