En raison de la nature particulièrement complexe et hautement spécialisée du domaine aéronautique et spatial, les enjeux et défis majeurs qui se présentent à ses acteurs doivent être de plus en plus étroitement partagés avec leurs assureurs.

En abordant le domaine aéronautique, il est utile de garder à l’esprit que le fait de pouvoir s’élever du sol, considéré comme une performance individuelle incroyable au début du XXe siècle, est devenu en l’espace d’un peu plus d’un siècle une activité de masse, notamment avec l’avènement des opérateurs « low cost » qui a marqué le début du XXIe siècle. Néanmoins, les événements récents et successifs qui frappent l’un des deux plus grands avionneurs mondiaux sur cette dernière décennie viennent nous rappeler que seuls les oiseaux savent véritablement voler et qu’évoluer dans un milieu qui n’est pas le sien et qui lui est hostile doit inviter l’Homme à conserver humilité et vigilance.

 

La sécurité aéronautique : une priorité absolue
Au cœur de ce domaine, la sécurité aéronautique est la priorité absolue. Les constructeurs d’aéronefs, les compagnies aériennes, les centres de maintenance et les organismes de réglementation travaillent en étroite collaboration pour développer et maintenir des normes dont l’application est essentielle pour assurer la sécurité et l’efficacité des opérations aériennes. L’industrie aéronautique et spatiale est en constante évolution avec l’introduction de nouvelles technologies, telles que l’aviation électrique, l’automatisation des vols, l’emploi croissant des drones, l’utilisation généralisée des matériaux composites, sans oublier la reprise des projets d’exploration spatiale habitée avec l’objectif Lune puis Mars. Dans ce contexte, les assureurs aéronautiques doivent veiller à se doter des outils permettant de disposer du niveau d’information suffisant pour s’assurer que chacun des acteurs aéronautiques dispose d’une organisation et de modes opératoires adaptés. L’impératif est de garantir que l’ensemble des normes et mesures qui concourent à la sécurité soient appliquées pour réduire à son minimum les risques d’incidents ou d’accidents aériens au sol ou en vol. Les missions d’audit avant sinistre et d’expertise après sinistre procurent des indicateurs pertinents quant à l’analyse des processus de défaillance possibles et leur traduction concrète en termes de mesures préventives et correctives. L’assureur a l’avantage de disposer de la vision la plus large sur les contextes de sinistralité au sein d’un périmètre étendu et varié d’activités aéronautiques. Il s’affiche donc comme un conseiller de premier ordre quant aux risques qui sont anticipables et aux pratiques qu’il convient d’éviter.

Le défi des enjeux environnementaux

Avec la sensibilisation croissante aux enjeux environnementaux, l’industrie aéronautique est sous pression pour réduire son impact écologique. Cela inclut le développement d’aéronefs plus économes en carburant et l’exploration de carburants alternatifs. Ces innovations présentent de nouveaux défis en termes de production, de certification, de formation du personnel chargé de les mettre en œuvre et de contexte d’emploi opérationnel. En corollaire, ces ruptures technologiques peuvent engendrer des coûts liés aux sinistres susceptibles d’être plus élevés en raison de la valeur croissante des aéronefs et des procédés de réparation plus complexes. Les assureurs aéronautiques doivent appréhender ces évolutions pour continuer à anticiper et évaluer de manière approfondie les risques émergents liés à ces nouvelles technologies pour être en mesure d’ajuster les primes et les limites de couverture.

Les experts aéronautiques sont impliqués dans les investigations liées aux causes d’un sinistre qui nécessitent de façon croissante la mise en place d’analyses plus complexes et d’une collaboration plus étroite avec les autorités de l’aviation civile, les opérateurs et les autres parties prenantes. L’évaluation précise des conséquences financières doit les amener à rester mobilisés par rapport aux procédés de remise en état qui évoluent continuellement au rythme des ruptures technologiques. En parallèle, il est essentiel pour les assureurs que leurs experts appréhendent l’évolution des limites de couverture qui accompagnent ces changements.

L’aéronautique face à l’imprévu

Les assureurs doivent être préparés à faire face à des événements imprévus d’ampleur régionale ou mondiale, tels que les attentats terroristes, les guerres qui neutralisent de larges espaces aériens ou les pandémies susceptibles d’interrompre toute activité aérienne sur de longues périodes. Les conséquences récentes de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine découlaient pourtant d’une dégradation progressive de la situation qui offrait un préavis de quelques mois. Ces alertes n’ont pas été jugées crédibles par les professionnels qui n’ont pas procédé à une analyse anticipée des conséquences possibles et à l’adoption de mesures visant à les amortir, causant, une fois le risque réalisé, une désorganisation brutale et complète du secteur aérien sur plusieurs années. Il s’agit désormais de capitaliser sur ces expériences douloureuses pour appréhender toute nouvelle crise potentielle, également susceptible d’être d’origine inconnue et donc peu crédible, avec modestie et intention de réagir dès l’apparition de ses premiers symptômes.

Un équilibre fragile entre rentabilité et sécurité

Les opérateurs du domaine aéronautique sont confrontés à une concurrence croissante qui les amène à se concentrer sur les facteurs de rentabilité tout en bénéficiant des progrès constants des technologies disponibles. Ces progrès les assurent d’une fiabilité accrue dans l’utilisation des moyens aériens mis à leur disposition. La tendance générale restera donc à la réduction de la sinistralité tant que l’équilibre entre ces deux dynamiques demeurera en faveur de la fiabilité des matériels et des modes opératoires.
Dans ce contexte maîtrisé, les acteurs aéronautiques aborderont le risque comme un aléa dont la fréquence de réalisation ne cessera de diminuer. Cette dynamique les invitera naturellement à consacrer de moins en moins d’énergie et de ressources à sa prévention, alors même que tout sinistre aérien devient de plus en plus insupportable aux yeux du public et se traduit systématiquement par une baisse de fréquentation temporaire sur la durée du traumatisme causé. Les assureurs ont ici un rôle essentiel à jouer en affichant leur légitimité de spécialiste du risque au quotidien. Il leur appartient de veiller à ce que leurs assurés n’altèrent pas l’équilibre évoqué entre rentabilité et sécurité, mais aussi de les inviter à ne pas baisser progressivement la garde. Si cette responsabilité n’était pas assumée, le principal revers serait pour les assureurs de se trouver déconnectés et isolés par rapport aux préoccupations de leurs assurés et de mettre en péril le partenariat noué depuis plusieurs décennies. Ce rôle de vigilance et de prévention passera manifestement par un devoir de conseil et de contrôle étendu en faisant plus largement appel aux organismes experts en interface technique entre assureurs et assurés. Plus que jamais, en cette période de transition majeure, les enjeux aéronautiques nécessitent d’être abordés par leurs acteurs en partenariat intégré avec leurs assureurs et leurs experts pour assurer la sécurité, la stabilité, la durabilité et le bon fonctionnement de l’industrie aéronautique et spatiale qui reste l’objectif commun.

SUR L’AUTEUR
Norbert Pagès est diplômé de l’École de guerre et de l’École militaire de l’air, titulaire du brevet de pilote de ligne. Ancien officier pilote de chasse dans l’armée de l’air. Il est directeur technique aéronautique. 

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