La plateforme d’Incepto, cofondée par Antoine Jomier, permet aux services d’imagerie médicale de s’appuyer sur l’IA afin de réduire les erreurs de diagnostic et accélérer les étapes d’analyse radiographique. La collaboration avec l’AP-HM favorise le codéveloppement d’applications d’IA ainsi que leur évaluation et leur utilisation en routine clinique.
Pouvez-vous nous dire de quel constat ou manque dans le système de santé vous êtes parti pour lancer Incepto ?
Antoine Jomier. Depuis une quinzaine d’années, le domaine de l’imagerie médicale voit son volume de demandes d’examens croître de 7 à 10 % par an. De l’autre côté, l’effectif médical décroît ou, du moins, n’augmente pas. Il suffit de s’adresser aux radiologues pour voir que le système est à bout. Beaucoup d'informations sont à traiter, au travers de consoles qui déconnectent le radiologue du patient et des autres équipes médicales. Aujourd’hui, un radiologue peut être amené à voir jusqu'à 50 000 images par jour. La charge mentale est énorme, sans parler du risque d’erreur médicale qu’une telle quantité d’examens par praticien implique. C’est également un facteur de stress pour les patients.
C'est là que vous intervenez pour redonner du temps aux équipes médicales ?
Nous proposons une vingtaine de solutions sur notre plateforme. Concrètement, pour le dépistage des cancers, une première lecture est réalisée par le radiologue. L'examen est ensuite transféré dans un centre régional de dépistage où il est relu par un autre radiologue. Mais comme je vous le disais, les effectifs ne suivent pas et avec la croissance du nombre d’examens dans certaines régions, il n’est pas rare d’observer un délai de six semaines avant de donner une réponse au patient.
Des études ont montré que 90 % des examens en seconde lecture peuvent être absorbés par l’IA. Celle-ci classe les risques et les centres régionaux de dépistage ne travailleront alors que sur les 10 % d’examens les plus risqués. La réponse apportée est plus rapide et la charge de travail radiologique réduite d’autant. C'est là que s’opère le gain de temps.
"Des études ont montré que 90 % des examens en seconde lecture peuvent être absorbés par l’IA"
Pouvez-vous nous en dire un peu plus concernant votre collaboration avec l’AP-HM ? Que vous a-t-elle apporté ?
Nous animons tout un écosystème. Des algorithmes sont construits pour la recherche sur l'ensemble des applications cliniques, et une routine de soin est mise en place. Nous les mettons à l’épreuve avec l’AP-HM, ce qui nous assure le bénéfice réel pour les radiologues et les patients. Les Professeurs Pierre Champsaur et Jean-Michel Bartoli nous ont grandement aidé à développer ce partenariat et leurs équipes de recherche sont particulièrement investies sur le sujet de l'intelligence artificielle.
Quelles sont vos perspectives pour l'année à venir ?
Aujourd’hui encore, nous jouons un rôle assez unique qui n'existe pas dans d'autres pays européens. Pour cela, nous avons levé des fonds pour ouvrir au Benelux, en Allemagne, Suisse, Italie, ainsi qu’en Espagne. Notre ambition est de parvenir à répliquer ce type de partenariat avec l’AP-HM pour devenir la plateforme de référence en Europe. Nous réfléchissons également à une éventuelle implantation aux États-Unis.
Cela demande un travail sur la durée. Le domaine de la santé s’appuie sur de grandes institutions. On y retrouve non seulement une communauté médicale, des institutionnels mais aussi des enjeux importants, de cybersécurité notamment. Il faut arriver à s’intégrer à cet écosystème tant au niveau informatique que des pratiques. Les évolutions se font progressivement mais nous avons toujours cette énergie de start-up.
Propos recueillis par Sasha Alliel