Ancien trader, Julien Visconti s’est reconverti à l’aube de ses 30 ans. Cofondateur de Visconti & Grundler depuis une décennie maintenant, l’avocat est passé des salles de marché aux salles d’audience, du trading au grand banditisme, à la corruption internationale et à l’activisme actionnarial.

Le Berkeley, avenue de Matignon, dans le 8e arrondissement de Paris. Julien Visconti commande un café et un citron pressé. À notre première question – celle de savoir pourquoi il est devenu avocat –, il répond par une autre question : “Pourquoi ai-je renoncé à l’argent ?” (Rires) “Parce qu’à 30 ans, j’avais atteint mes objectifs.” Ce matheux qui, enfant, lisait les pages de la Bourse dans le journal a en effet accompli en quelques années le “parcours parfait” du financier: passé par l'ESSEC et le très renommé master de calcul stochastique “El Karoui” – dont les deux tiers des étudiants viennent de l’École polytechnique et des grandes écoles d’ingénieurs –, il intègre ensuite Goldman Sachs, “un rêve dadolescent”, puis crée son hedge fund. Mais ça ne lui suffit pas.

Statue intérieure

Pire, le trader se sent piégé. Il a fait le constat qu’autour de lui, ses homologues partent tôt à la retraite et ne n’apportent plus de “compétences utiles pour la société”. Et d’évoquer avec le plus grand sérieux une scène du film Némo dans laquelle “des poissons passent de la prison du bocal à celle d’un sac plastique au milieu de l’océan”. Il est temps de changer de voie. De plus, il se rend compte qu’il ne peut même pas expliquer à son père, pourtant ingénieur, la nature même de son métier : J’arbitrais la volatilité sur les marchés d’actions…” Il veut “apprendre tout au long de sa carrière”. Et jette son dévolu sur la profession d’avocat trouvant que “ces derniers se bonifient avec le temps contrairement aux traders”. Il s’inscrit en droit à Assas, en troisième année. Il ne parvient pas à choisir entre le droit pénal et le droit des affaires alors il suit les deux masters, en même temps. Puis fait son stage chez Metzner, l’un des meilleurs cabinets de droit pénal des affaires. Là-bas, il apprend la “rigueur dans le raisonnement”, et surtout, le fait que “dans chaque dossier, il y a une clef. Chercher la clef c’est un peu comme une partie d’échec, passionnant et épuisant psychologiquement.” Julien Visconti aime la complexité et l’adversité : “C’est encore mieux quand on bataille avec les autres avocats.” Et il comprend que la “fusion des compétences financières et juridiques” lui confère une “plus-value”. Quand les arguments de droit s’amenuisent, il peut s’appuyer sur un raisonnement financier pour trouver la solution. Utile quand on fait de l’activisme actionnarial.

Mais ce qu’il retire surtout de ses clients, bandits ou millionnaires, c’est la nécessité d’avoir la “capacité de refuser de se compromettre sur certains points”

Son expérience en grand banditisme est loin d’être vaine. “En matière d’organisation, un beau braquage n’est pas si différent d’une belle OPA”, analyse l’avocat – non sans s’interroger sur l’aspect politiquement correct de cette déclaration. Julien Visconti a travaillé sur des dossiers emblématiques comme celui de la Dream Team, ou celui de Vivendi, en matière de délit boursier, pour lequel il a trouvé la solution, “une semaine avant laudience” tant l’issue était étroite. La peur, il l’a connue une fois, lorsqu’il était collaborateur et qu’un des avocats des parties de l’affaire a été retrouvé découpé à la tronçonneuse”. Mais ce qu’il retire surtout de ses clients, bandits ou millionnaires, c’est la nécessité d’avoir la “capacité de refuser de se compromettre sur certains points”. Dans sa carrière, il a vu se jouer des “drames personnels” et a fréquenté des “personnes richissimes totalement vides” et d’autres “victimes de coups du sort terribles parvenues à se relever”. Julien Visconti en conclut qu’il faut chercher sa “statue intérieure, ce qui permet de tenir”.

Les paroles

Julien Visconti cite cette phrase de John Lennon, “la vie, c'est le truc qui se passe quand t'es occupé à faire autre chose". Il pensequ’il faut se méfier des choses que l'on désire trop”. Car selon lui, “l'épanouissement n'a jamais de fin”. S’il admet volontiers qu’il a du mal à être satisfait dans la vie, il a compris que le plus important, ce sont les enfants. Il évoque d’ailleurs la fois où il s’est ému de “cette fille venue témoigner à la barre pour un client mafieux suppliant le juge de lui laisser son père”, et dont ce dernier a dit qu’elle était le meilleur avocat de l’accusé”. Il consacre lui-même beaucoup de temps à ses enfants. Le mercredi il fait du “droit constitutionnel” – encore une façon de continuer d’apprendre – avec sa fille, sans pouvoir s’empêcher de penser à la “pression qu’il peut mettre indirectement” sur sa progéniture. Il aime transmettre et se serait bien vu “enseignant au collège ou au lycée”, fasciné par le “fonctionnement des enfants” et leur “potentiel”. “Les enfants perçoivent les choses plus clairement que les adultes.” Il craint pour eux l’impact des réseaux sociaux. Des instruments qui “mettent en péril notre démocratie et incitent à la haine de l’autre”. Pour autant, ce qui tient éveillé la nuit Julien Visconti, ce sont les “paroles”. Les paroles de ces musiques qu’il écoute constamment, pour se “concentrer”, avant une audience par exemple. Les paroles qu’il connaît par cœur, d’une façon assez “effrayante”. Guère étonnant de la part de quelqu’un qui aurait aussi aimé être producteur de musique. Le violon d’Ingres de Julien Visctonti.

Anne-Laure Blouin

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