Entre sa passion pour le monde corporate et son attachement viscéral à l’éthique, Hélène Daher a monté un cabinet en droit social des entreprises qui lui ressemble. Une "relève" dans le fond comme dans la forme.
Hélène Daher, l’éthique et tac !
Dès qu’elle a su écrire, à la question "Que veux-tu faire dans la vie ?", Hélène Daher notait sur ses demi A4 : "Avocate ou chanteuse." Deux métiers de transmission par la voix, exigeant originalité et singularité – des défis lorsque l’on grandit au sein d’une famille nombreuse. Elle baigne dans le monde de l’entreprise, avec son père pionnier de la vente à distance de matériel bureautique et sa mère qui, après avoir donné naissance à sept enfants, lance à son tour sa société.
Élevée à Paris jusqu’au début de son adolescence, Hélène Daher devient "l’aînée des derniers" lorsque ses parents déménagent dans l’Oise, tandis que les plus grands de la fratrie étudient à Paris. Là, son père lui raconte sa vie d’entrepreneur : un univers aussi humain qu’attirant se déploie dans son imaginaire. Sentant sa fille s’éclairer quand il partage ses expériences, il lui prédit que son bonheur serait atteint lorsqu’elle aurait sa propre entreprise. Cette idée reste en elle : à 40 ans, elle monterait son cabinet.
Les valeurs au cœur
Hélène Daher entame donc des études de droit et découvre le droit social qui confirme son tropisme total pour les enjeux des entreprises. Elle y excelle et y voit des entrelacs avec ses valeurs : dans le droit social, "les rapports humains se trouvent entièrement appliqués au monde de l’entreprise".
Pour Hélène Daher, élevée par des parents chrétiens, l’éthique est au centre de tout et ce sont les cours de déontologie qui la passionnent le plus, ancrant en elle un sens de la mission pour la cité : elle y comprend que le rôle de l’avocate est "un état bien plus qu’une profession", celui d’être "auxiliaire de la justice", et que la subtilité y a toute sa place. Ce n’est pas un hasard si elle transmet à ses trois enfants les questions d’éthique, d’humanisme et de droiture présents dans la Bible davantage sous l’angle des Dix Commandements que sous ceux d’une dichotomie simpliste entre les anges et les démons. La loi, elle, sait se placer à l’endroit de l’humain et le droit à l’erreur fait partie des valeurs qu’elle prône en famille. "Humblement", comme elle aime à le répéter, l’avocate considère que son rôle prend racine dans des actes simples et altruistes et cite cette phrase de mère Teresa qu’elle apprécie tant : "Nous ne saurons jamais tout le bien qu’un simple sourire peut être capable de faire."
“Je n’étais pas une leader quand j’étais enfant, mais en vieillissant, je me suis affirmée et je suis devenue une révoltée”
Après un LLM à Londres, elle fait ses classes chez Baker McKenzie, puis chez Hogan Lovells, et reste chez Freshfields pendant six ans. Hélène Daher part monter l’équipe de droit social chez Orrick mais, désirant davantage d’indépendance, elle pose ses dossiers dans un cabinet de niche qui se sépare pendant le confinement. Hélène a alors 40 ans, et crée sa boutique avec l’une de ses précédentes collaboratrices dans le délai précis qu’elle imaginait des années auparavant. Hélène Daher adore être aux commandes : "Je ne pensais pas le faire seule et très vite je me suis aperçue que ça me plaisait. J’aime prendre la direction des choses. Je n’étais pas une leader quand j’étais enfant, mais en vieillissant, je me suis affirmée et je suis devenue une révoltée : je ne supporte pas l’injustice, je ne supporte pas l’inadéquation avec des valeurs dont j’estime qu’elles sont bonnes. Cela se traduit dans ma manière d’exercer, de choisir mes clients, mes collaborateurs et collaboratrices, de les traiter, de m’assurer qu’ils et elles soient à l’équilibre dans leur corps et leur vie. J’ai notamment à cœur de défendre la cause des femmes et je le porte aussi en tant qu’employeuse. À mon petit niveau." On en revient, toujours, aux valeurs et à l’humilité, mais aussi à la révolte, aux convictions et à l’humour : son objet fétiche est la Barbie working girl de 1984, qui trône face à son bureau sous la fameuse plaque féministe We Can Do It.
Faire société
Tous ces atouts la conduisent à choisir et être choisie par des entreprises dont les principes sont toujours proches des siens : "J’ai besoin d’harmonie, d’être alignée avec mes clients sur la façon d’exécuter des décisions. J’échange beaucoup avec eux sur les manières de procéder et ils m’écoutent. C’est ça aussi mon rôle : que les décisions les plus difficiles se fassent dans le respect de la personne humaine." Et de fait, dans les moments complexes, Hélène Daher puise dans ses ressources pour parvenir à des résolutions favorables : "Un client voulait fermer sa société qui allait mal ; je n’ai pas cessé de lui présenter des options alternatives et l’entreprise a finalement été cédée. Les 200 salariés ont tous conservé leur emploi et aujourd’hui, l’entreprise va très bien." Sa force en tant qu’avocate, femme, amie et mère est d’avoir compris que les émotions sont des outils précieux, notamment dans les enquêtes internes, qu’Hélène Daher mène avec minutie et passion car "le filtre émotionnel devient un outil, un capteur pour analyser des messages tout en gardant le prisme de la jurisprudence". Ce travail de construction humaine et experte paie : outre Leaders League, Daher Avocats est distingué dans les classements Chambers et Legal 500 – un "transport" quand elle le découvre –, et a récemment attiré une entreprise du CAC 40 grâce au réseau des confrères et consœurs dont elle saisit avec gratitude la puissance depuis trois ans.
À la question : "Que conseilleriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait être à votre place demain ?", Hélène Daher répond : "Avoir la foi."
Judith Aquien