Bilan 2023 de l’AFA. Les enquêtes de perception de l’agence dépeignent les entreprises françaises comme de meilleures élèves en matière de dispositifs anticorruption. Moins positif : les chiffres “inquiétants” relatifs à la perception du phénomène de corruption en France et la mainmise de la criminalité organisée sur cette voie d’accaparement du pouvoir.

“L’agence a désormais sept ans d’existence, l’âge de raison… et le temps d’un premier bilan”, indique Isabelle Jégouzo, la directrice de l’agence française anticorruption (AFA) depuis juillet 2023, dans son avant-propos du rapport d’activité 2023 de l’institution. Créée par la loi du 9 décembre 2016 dite Loi Sapin 2, l’AFA a permis de réels progrès en matière de lutte contre la corruption. Preuve en est la place gagnée par la France dans le classement des pays selon l’indice de perception de la corruption (IPC) publié par Transparency International, l’Hexagone passant de 21e à 20e.

Code de conduite insuffisant

Des enquêtes de perception l’agence retient que les entreprises sont plus à l’aise en matière de lutte contre la corruption et le trafic d’influence, avec la mise en place de dispositifs de prévention et de détection de “plus en plus robustes”. Toutefois, des 203 contrôles d’initiative – à l’opposé des contrôles d’exécution des Conventions d’intérêt judiciaire public (CJIP) par exemple – réalisés entre 2017 et 2023, il ressort aussi quasi systématiquement l’existence de manquements à la loi. En sept ans, 119 contrôles ont été opérés dans des entreprises de l’industrie manufacturière (aéronautique, environnement ou encore automobile) pour un tiers, de la construction (14 %), du secteur financier (13 %), du transport et de l’entreposage (11 %), de l’information et de la communication (11 %). En 2023, 22 des 37 nouveaux contrôles ouverts concernaient des entreprises. Les autres entités contrôlées étant des acteurs publics. Constat : l’exercice de la cartographie des risques n’est pas encore totalement maîtrisé, la moitié des entreprises présentent un code de conduite insuffisant, le dispositif de formation du personnel aux risques de corruption étant souvent lacunaire. Autres ratés relevés : les dispositifs d’évaluation de l’intégrité des tiers défaillants dans 88 % des cas, et les difficultés dans la mise en place des procédures de contrôles comptables. Le club des entités les moins au point en matière d’anticorruption compte davantage de filiales françaises de groupes étrangers, et ce, en dépit des efforts déployés par les maisons mères pour leur conformité globale

435 signalements en 2023

Quid du profil des corrompus ? Qu’il s’agisse du secteur privé ou du secteur public, les prévenus des infractions de corruption, “sont très majoritairement des personnes physiques (seulement 9 % des prévenus sont des personnes morales) de sexe masculin (80 % des prévenus)”, souligne le rapport. Quant à ceux qui attirent l’attention de l’AFA sur des actes suspects, ils sont usagers ou riverains (17 %), ou appartiennent à une entreprise (14 %) ou au secteur public (9 %). Le théâtre des faits dénoncés se situe dans 34 % des cas dans la région parisienne. C’est la région Paca qui arrive en deuxième place de ce classement avec 13 % des faits dénoncés sur son territoire, après l’international (7 %). Les signalements à l’AFA ne cessent de grimper ces dernières années : 435 signalements en 2023, contre 304 en 2022, 216 en 2021, 298 en 2020, 229 en 2019.

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Une autre activité de l’AFA connaît un véritable essor : celui des CJIP. Les autorités françaises ont signé 6 nouvelles CJIP en 2023 avec, en prime, un programme de mise en conformité par l’AFA. Les examens préalables de l’AFA avant la conclusion de CJIP ne cessent d’augmenter. Entre 2017 et 2022, l’AFA avait procédé à seulement 10 de ces examens alors qu’en 2023, elle en a fait 8 à la demande du Parquet national financier et du parquet de Marseille. Le contrôle des programmes de mise en conformité est également une activité en plein boom pour l’Agence française anticorruption. L’an passé, elle supervisait 12 programmes, notamment ceux de filiales d’Airbus, de Bolloré ou de Bouygues.

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Taux de relaxe largement supérieur pour les infractions de corruption

Le problème du Narcotrafic et les “ phénomènes plus graves liés à la criminalité organisée” viennent un peu noircir le tableau de la lutte anticorruption en France. “[La criminalité organisée] a en effet recours à la corruption pour développer et protéger ses activités et peut, comme cela a été souligné avec vigueur par le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic du 14 mai 2024, se révéler une menace pour l’ensemble des institutions régaliennes.” Le ressenti des Français apporte de la nuance aussi aux progrès en la matière. Selon le rapport de l’AFA, ils sont 69 % (+ 5 points par rapport à 2022) à penser que la corruption est un phénomène répandu en France – ce qui est raccord avec la moyenne européenne, de 70 %. Plus de la moitié d’entre eux (58 %, + 1 point par rapport à 2022) considèrent que les hommes et femmes politiques sont corrompus. Et 48 % soupçonnent une hausse de la corruption sur le territoire depuis 2020.

Leurs impressions collent plutôt à la réalité : en 2022, 502 infractions liées à la corruption ont donné lieu à condamnation, contre 451 en 2021. Une réalité qui fait parfois grincer des dents, puisqu’en matière de corruption, le taux de relaxe (23,6 %) est trois fois supérieur à celui de tous les autres contentieux. Un chiffre qui illustre combien il est dur de faire la preuve de la corruption.

Anne-Laure Blouin

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