Antoine Denis-Bertin (Simon Associés): "C’est maintenant qu’il faut faire du M&A, les meilleures opportunités sont là"
Décideurs. Dans un contexte de chute des opérations de M&A dans le monde, quelle granularité peut-on dégager de cette grande tendance ?
Antoine Denis-Bertin. La baisse a surtout lieu sur le segment du large-cap. On assiste à un allongement du temps de transactions. Les banques d’affaires le disent également, des opérations qui étaient conclues en six ou sept mois avant 2022, mettent aujourd’hui plus de douze mois à se signer. Pour le segment small et mid-cap, dès l’instant où le recours à l’endettement n’est pas indispensable et si l’actif détient une valeur stratégique, alors les opérations se font. On assiste surtout à des fonds qui continuent à investir mais à travers leurs participations en faisant du build-up. Pour autant, il ne faut pas être pessimiste, c’est maintenant qu’il faut faire du M&A, les meilleures opportunités sont là.
Patrice Montchaud. Certains secteurs font preuve d’une belle résilience, à contrecourant de la tendance générale. C’est le cas des institutions financières, où l’on observe le maintien de belles valorisations, et des mouvements de concentration entre les sociétés de gestion, notamment. Parmi nos clients, beaucoup sont des sociétés de conseil en gestion de patrimoine, et les opérations que nous avons accompagnées témoignent de la dynamique du secteur. La santé a également été préservée du ralentissement du marché, en particulier les services de soins spécialisés et les prestataires comme les activités de radiologie ou les soins dentaires. Des segments sur lesquels nous avons assisté à de belles opérations de concentration.
" Sur le plan purement juridique, il y a souvent des solutions innovantes à trouver pour éviter les blocages liés au contexte" Patrice Montchaud
Dans un marché en berne, quel est le rôle des conseils ? Comment évolue l’accompagnement des entrepreneurs ?
P. M. Alors que les sujets de financement sont de plus en plus centraux dans les opérations, disposer d’un département dédié au financement dans le cabinet est un atout complémentaire important pour mener un deal à son terme. Sur le plan purement juridique, il y a souvent des solutions innovantes à trouver pour éviter les blocages liés au contexte. En tant que conseil, nous devons alors trouver des solutions plus originales pour aller au bout de l’opération.
A. D.-B. Une des spécificités de notre équipe est le pragmatisme avec lequel nous intervenons. Nous avons à coeur de soutenir le droit d’entreprendre, les dirigeants et dirigeantes ont besoin d’avoir un sparring partner, un avocat qui les accompagne à tout instant dans leurs entreprises. Et ce, de la création d’une société jusqu’à l’introduction en Bourse, même si celles-ci se font rares… Nous sommes là dans les bons comme dans les mauvais moments, y compris sur des sujets de carve-out ou de distressed M&A. Notre équipe restructuring est aussi un gros prescripteur du M&A sur de belles opportunités. À l’instar de ce que font des experts-comptables, nous tenons un historique, un tableau de bord pour nos clients et sommes en mesure de les conseiller, notamment des family offices, sur des sujets de gouvernance, de transmission ou sur des problématiques de séparation de participations.
Avez-vous perçu une évolution des sujets sur lesquels vous avez été sollicités par vos clients ?
A. D.-B. Du fait de la hausse des taux d’intérêt, la question de l’endettement et le mur de la dette ont fait augmenter les dossiers de restructuring. Nous avons aussi été davantage sollicités pour des sujets de transmissions, qui nécessitent un important travail en amont. Est-ce la bonne structure ? Faut-il faire un apport- cession au titre de l’article 150-0B ter du code général des impôts ? Ce sont des problématiques que nous avons pu observer. Pour anticiper les cas de décès du ou des dirigeants, nous avons mis en place avec un courtier une assurance pour l’associé survivant, afin de lui permettre de racheter des titres au prix auquel ils étaient au moment du pacte d’associés.
"Nous avons mis en place avec un courtier une assurance pour l’associé survivant" Antoine Denis-Bertin
Comment faites-vous évoluer l’équipe pour répondre à ces nouvelles demandes ?
A. D.-B. Dans le cas des dossiers de transmission, nous avons créé ce partenariat avec Henner, courtier leader de l’assurance de personnes, à l’origine de l’offre d’assurance associé survivant. En interne nous avons renforcé notre offre en financement avec Christelle Salmon-Lataste, qui est devenue associée en charge du nouveau département financements structurés du cabinet. Elle accompagne les dossiers sur tous les sujets de dette. Nous essayons d’être le plus agile possible, car c’est, d’expérience, ce qui garantit la meilleure qualité d’un conseil.
À quoi vous préparez-vous pour 2024 ?
P. M. Les fondamentaux ne vont pas s’améliorer en 2024. Il est probable que nous assistions à un renforcement des tendances actuelles avec une montée en puissance du distressed M&A, un frein durable sur le large-cap, et des difficultés de prévisions sur le small et mid-cap en raison des disparités sectorielles.
A. D.-B. Nous anticipons un contexte compliqué. Le conflit au Proche-Orient, et ses retombées sont loin d’être négligeables. Les Jeux olympiques en juillet 2024 vont geler les opérations pendant trois semaines, en parallèle de la période estivale. La tentation de l’attentisme peut avoir pour effet de ralentir les opérations. L’euphorie n’est pas pour l’année prochaine, mais je ne suis pas défaitiste. Une maxime du M&A dit qu’"il faut toujours acheter au son du canon" Il va y avoir plein d’opportunités.
Propos recueillis par Céline Toni