Très appréciée pour ses nombreuses vertus, l’amande est sur toutes les lèvres, dans toutes les bouches. Le jus qui lui est associé a même réussi l’exploit d’être considéré comme du lait, au mépris de la définition même du terme. Sa production nécessite néanmoins d’être alimentée par beaucoup d’eau et implique l'extermination d'innombrables abeilles ce qui n’empêche nullement sa consommation de s’accroître.
Riche en lipides, en protéines et en magnésium, on prête à l’amande une forme de compétence dans la prévention de certains cancers, dans la lutte contre le diabète et dans le renforcement des capacités cognitives. Elle est, en outre, connue pour accéder, à moindre frais, au sentiment de satiété. En dernier lieu, et cette liste ne se veut pas exhaustive, l’amande, à travers son lait, se propose de laisser tranquille les vaches, qui ont bien assez de soucis comme ça. Des caractéristiques éloquentes qui conspirent à son succès.
L’amande à la mode
Ses statistiques n'en sont pas moins frappantes. Comme le soulignait Bruno Parmentier, spécialiste des questions agricoles et alimentaires, sur le site de Futura Planète en mars dernier, le lait d’amande représente deux tiers de la consommation en laits végétaux dont le marché mondial a progressé de 7,4 à 16,3 milliards de dollars entre 2010 et 2018. Afin de dispenser ses consommateurs obsessionnels des tourments de l’éco-anxiété, il convient de préciser qu’une brique d’un litre de lait d’amande ne compte que 2,8 % d’amandes, bien que l’éloignement du lait traditionnel semble plus suspendu à des considérations liées au lactose et à ses différents outrages qu’à une quelconque inquiétude environnementale. Et pourtant…
Une mode qui vient défier l’intellect, à défaut de muscler un quelconque engagement écologique
L’eau cost
Plusieurs sources concordantes estiment à quatre litres le besoin en eau d’une amande. Une douche de deux minutes, dont d’autres sources concordantes évaluent le sacrifice hydrique à douze litres, représente le minimum pour une hygiène satisfaisante, mais également trois amandes. Quatre litres c’est probablement juste pour attendrir un policier ou remplir une baignoire, mais suffisant pour interroger sa consommation excessive. Produite majoritairement aux Etats-Unis et plus précisément en Californie, l’amande requiert 10 % de l’eau douce de l’état, un état qui a vu brûler 22 000 hectares de ses forêts au cours de ce seul été. Une mode qui vient défier l’intellect, à défaut de muscler un quelconque engagement écologique, à l’heure où le réchauffement climatique se fait de plus en plus pressant.
Les abeilles rayées
Certains semblent plus prompts à pistonner les moustiques qu’à préserver les abeilles. C’est ainsi qu’Aymeric Caron, dans les colonnes de 20 Minutes, avait fait l’apologie du lait d’amande au détriment du lait de vache, ce dernier participant de la maltraitance de sa productrice. Au-delà des considérations hydriques du sujet, les nombreux pesticides qu’exige la culture de l’amande sont responsables de la disparition de milliers d’abeilles, elles-mêmes réquisitionnées par ruches entières pour polliniser les champs d’amandiers. Leurs bons et loyaux services — les abeilles ayant la réputation d’être des acharnées du travail — sont donc récompensés par des vapeurs d’insecticides auxquelles elles sont particulièrement sensibles, en leur qualité d’insectes.
Les nombreux pesticides qu’exige la culture de l’amande sont responsables de la disparition de milliers d’abeilles
Ce raisonnement fera l’économie du transport des amandes, de leur emballage ou de la production du lait qui leur est associé, attendu que les seuls éléments évoqués suffisent à en attester l’impact et que la seule vocation de cet article était de n’en pas faire une alternative miracle au lait de vache. Alors que le bon sens réclamerait que l’on conçoive l’échelle pour sortir de notre trou, nous lui préférons l’invention d’une pelle pour creuser un peu plus profondément.
Alban Castres