Les publicités de l’Ademe mettant en scène un « dévendeur » qui invite les consommateurs à plus de sobriété dans leurs achats provoquent l’ire des commerçants, du Medef et embarrassent Bercy. Nous, on les trouve plutôt réussies.

Le passage du discours aux actes est souvent douloureux. Une hypocrisie candidement étalée au grand jour par Michel-Édouard Leclerc : « Oui au discours principal : "Arrêter la surconsommation, pratiquer plus de sobriété, privilégier l'occasion, la réutilisation, le recyclé" ! Mais balancer un appel à la déconsommation sans concertation avec les professionnels concernés, alors que tout le secteur textile français est à la ramasse, c'est dur ! » Sur France Info, Bruno Le Maire ne dit pas autre chose : « Consommer mieux, oui, mais pas en prenant les vendeurs ou les commerces physiques comme cibles. » En résumé, oui à la sobriété mais tant que ça n’implique aucune incarnation concrète, aucune remise en question, aucun changement profond de business model. Rappelons au passage que des marques comme Loom, Veja ou 1083 sont la preuve que l’industrie du textile et de la mode peut se réinventer. Si maintenir des modèles d’affaires qui ne fonctionnent plus sous perfusion nous mènera droit dans le mur, certains préfèreront toujours cette fuite en avant au sevrage.

 

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S’insurgeant contre « les thèses décroissantes endossées par l’État » et le terrible affront que constitue cette « attaque ad hominem de la figure du vendeur », le Medef accélère les yeux fermés en demandant un siège au conseil d’administration de l’Ademe ainsi qu’une réflexion avec le gouvernement autour de la « croissance responsable ». De leur côté, l’Alliance du commerce, l’Union des industries textiles et l’Union française des industries mode & habillement demandent à l’Ademe le retrait immédiat de la publicité, « faute de quoi nous envisagerons une action en justice pour dénigrement commercial ». Une fébrilité étonnante pour de simples spots publicitaires qui, soyons honnêtes, aussi réussis soient-ils, ne changeront probablement le comportement de personne. De quoi n’inspirer à Christophe Béchu qu’une réponse laconique : « Que 0,2% du temps d’antenne publicitaire soit consacré à se demander si tous les achats sont utiles, franchement, vu les enjeux de transition écologique, ça ne semble pas déraisonnable. »

Mais dans ce temple de la consommation que sont les interminables publicités télévisées, il faut croire que ce schisme naissant de la sobriété est une petite musique qui ne saurait être tolérée. Au risque de tout voir s’effondrer.

Antoine Morlighem