Maison historique sur un marché toujours plus concurrentiel, La Poste compte actuellement 140 juristes. Stéphanie Dubreuil, directrice juridique du pôle droit des affaires en territoires et Legal Ops du groupe, témoigne des évolutions des fonctions juridiques avec l’arrivée des différentes IA.

Décideurs. Au sein du groupe La Poste, comment utilisez-vous actuellement l'intelligence artificielle générative ?

Stéphanie Dubreuil. Un groupe de travail teste l’IA pour nos activités quotidiennes. Nous travaillons non seulement au niveau de la maison mère, mais aussi sur l’ensemble des filiales du groupe. Cela nous permet d’échanger et de réfléchir de manière constructive, notamment autour des enjeux de sécurité. Concernant l’utilisation de l’IA, nous utilisons celle dite brute, c’est-à-dire OpenAI, mais aussi des outils de documentation comme Doctrine, qui offre des possibilités de synthèse très intéressantes. Copilot 365, dans un environnement sécurisé par La Poste, s’avère un outil précieux, très apprécié des juristes. D’autres intelligences artificielles sont mises en place en interne, notamment pour faciliter la réalisation de tâches comme la gestion des factures. Elles permettent également d'optimiser nos actions dans le cadre du dossier Tolérance Zéro, vis-à-vis des agressions que subissent certains postiers lors de leurs missions.

Comment sécurisez-vous vos données ?

Nous sommes très vigilants sur la confidentialité. Nous sélectionnons attentivement les données qui ne sont pas sensibles pour réaliser les phases de test. Nous faisons signer à nos prestataires extérieurs un engagement contractuel de ne pas utiliser certaines données.

"Il y a quelques années, l’arrivée de Google avait suscité des inquiétudes similaires"

Avez-vous d’ores et déjà des retours d'expérience sur ce qui fonctionne ou non ? 

Nous avons déjà pu constater des cas d’hallucinations de l’IA : par exemple, des solutions juridiques qui n’existaient pas – références de fausses jurisprudences, proposition de solutions illicites ou irréalisables notamment en droit social – ont pu être proposées par l’IA. Un contrôle humain paraît donc nécessaire. Par ailleurs, Copilot 365 a également ses limites, de notre point de vue en tout cas : sa base de données est restreinte et manque d’actualisation puisqu’elle n’est pas ouverte sur le web, afin de limiter les risques. Notre rôle est de bien cerner en amont les questions à poser aux outils et de rester clairvoyants quant aux capacités réelles de l’IA à ce stade.  

Pensez-vous que certaines fonctions juridiques vont disparaître avec l'intelligence artificielle ? 

Avant toute chose, les IA représentent une réelle opportunité de se décharger de certaines tâches fastidieuses. La valeur ajoutée est importante pour répondre à des clients qui demandent de plus en plus de rapidité. Il n’y a pas aujourd'hui de crainte à avoir d’être privé d’activité : certaines tâches disparaissent ou s’automatisent, d’autres apparaissent. Mais le droit est une matière éminemment humaine qui nécessite de l’expérience et du discernement. Cela nous oblige à travailler différemment, mais représente une aide précieuse. Il y a quelques années, l’arrivée de Google avait suscité des inquiétudes similaires, et finalement, les fonctions juridiques ont appris à se réinventer et à optimiser leur action. 

Quelles sont vos réflexions plus personnelles concernant ces accélérations ? 

On dit souvent que le cerveau humain n’utilise qu’un certain pourcentage de ses facultés. La machine n’a pas cette limite, ce qui offre la possibilité d’élargir nos connaissances. Ce que j’attends de l’IA, c’est de pouvoir gagner du temps pour approfondir davantage certains sujets. Certaines tâches disparaîtront, et d’autres se créeront. Cela peut surprendre, mais je pense surtout que nous ne devons pas faire preuve d’une trop grande humilité. Nous gardons un certain avantage par rapport à l’IA, notamment de pouvoir trouver des solutions en dehors des sentiers battus et d’établir des rapprochements inattendus entre des idées. 

Propos recueillis par Elsa Guérin

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