Avec un chiffre d’affaires de 42 millions d’euros en 2023, le bureau parisien d’Eversheds Sutherland fait partie des firmes les plus performantes de la capitale. Implanté en France depuis 40 ans et centré dès sa création sur l’arbitrage international, le cabinet investit depuis cinq ans dans le corporate/M&A, devenu son fer de lance. Son managing partner, Rémi Kleiman, nous parle stratégie.

Décideurs : Comment jugez-vous l’état du marché de l’arbitrage, activité historique d’Eversheds Sutherland ?

Rémi Kleiman. C’est un marché concurrentiel. Il y a eu une vague d’arbitrages d’investissement qui arrive à la fin d’un cycle. Néanmoins, on peut anticiper l’arrivée de nouveaux arbitrages d’investissement. Nous avons par ailleurs déjà diversifié notre activité avec les arbitrages commerciaux et de construction depuis plusieurs années.

Comment expliquez-vous le succès de la structure, malgré l’essoufflement des arbitrages d’investissement ?

Nous avons bénéficié au cours des quarante ans du cabinet premièrement de ce qui constitue la matrice du bureau de Paris, à savoir le dynamisme du secteur de l’arbitrage international, notamment en matière d’arbitrage d’investissement, de litiges frontaliers et de litiges en matière d’énergie. Nous avons ainsi assisté la République d’Iran devant le tribunal Iran-U.S. à La Haye depuis que celui-ci a été mis en place. L’arbitrage commercial s’est ensuite développé. Nous avons également une importante pratique en lien avec l’Afrique du Nord, de l’Ouest et l’Afrique anglophone que l’on accompagne depuis plus de trente ans ; aussi bien dans le transactionnel que dans l’arbitrage.

L’autre temps fort de notre développement a été le développement du corporate et du M&A. Cela a représenté un très gros investissement en France depuis plusieurs années. C’est notre intervention sur le deal Tyco il y a seize ans qui a véritablement changé la donne pour nous : une énorme opération cross border de restructuration et d’acquisition par un groupe américain en Europe et en France. Depuis, la part du M&A s’est considérablement accrue à Paris avec d’importants investissements en France. Depuis six ans, la réglementation des investissements étrangers en France dans les secteurs réglementés, notamment la défense, nous occupe beaucoup.

Il y a quarante ans, nous agissions essentiellement pour des groupes étrangers qui souhaitaient investir en France. Aujourd’hui, notre marque de fabrique, ce sont les opérations complexes internationales, pour des groupes français comme étrangers.

Cette trajectoire que nous avons empruntée il y a six ans – notre volonté était d’avoir une offre plus structurée avec des spécialités phares, notamment sectorielles, et la possibilité de travailler sur du M&A industriel comme sur des opérations de private equity – fonctionne. Ces quatre dernières années, notre équipe M&A a doublé de taille et, depuis 2012, notre chiffre d’affaires sur cette activité a doublé également.

Comment définiriez-vous votre stratégie de développement ?

Depuis plus de quinze ans, notre stratégie de développement est guidée par l’objectif d’accompagner nos clients partout dans le monde ; nous nous positionnons sur des projets globaux impliquant souvent plus d’une dizaine de juridictions et nous nous efforçons de faire partie des panels monde des grandes multinationales.

D’un point de vue sectoriel, nous travaillons beaucoup dans le secteur de l’industrie, notamment la défense et l’énergie (y compris les renouvelables) comme dans toute la supply chain.

Nous intervenons aussi de plus en plus dans le secteur des financial services, notamment en matière de M&A, de financement – y compris la fintech – ; nous intervenons sur les problématiques de paiement en ligne, de protection des données, de la mise en place de plateformes dématérialisées… C’est une tendance générale et nous prenons notre part dans ces nouvelles activités.

Dans quels secteurs souhaitez-vous vous développer ?

Le consumer au sens large, ce qui inclut la consommation courante et le luxe. Ces domaines font intervenir des spécialités diverses comme le M&A, le droit des marques, le contentieux, le droit de la concurrence, de la distribution et des produits. C’est un secteur en croissance continue, en particulier celui du luxe, y compris sur ses aspects internet et technologiques. Sur le secteur industriel, nous anticipons un développement des activités liées à la défense et bien évidemment à la cybersécurité et data protection.

La trop faible place des femmes dans les cabinets d’affaires, notamment dans les fonctions les plus hautes, est souvent critiquée. Où en êtes-vous chez Eversheds Sutherland ?

Trente pour cent des associés sont des femmes. C’est trop peu, mais nous progressons. Depuis mon arrivée en 2010, l’évolution est significative. Il n’y avait que deux femmes associées à l’époque. Aujourd’hui, elles sont sept et nous faisons en sorte de continuer ce mouvement.

Comment avez-vous appréhendé l’IA chez Eversheds Sutherland ?

Avec beaucoup de travail et d’investissement. Le cabinet a mené une réflexion avancée sur l’IA. Avec en ligne de mire une question centrale : comment l’IA peut-elle nous aider, nous et nos clients, à travailler de la manière la plus efficiente possible, en se libérant de tâches à faible valeur ajoutée ? Nous travaillons avec des consultants et notre associé Nasser Khasawneh, Global Head of AI and TMT, pilote ce projet mondial.

Avez-vous recours à l’externalisation ?

Nous investissons dans des ressources IT pour les outils de gestion d’assistance au travail. Ces outils nous permettent de gérer les discoveries dans certaines juridictions. Nous bénéficions également des services d’une filiale appelée Konexo qui offre des services de consulting pour les clients, notamment pour les enquêtes internes.

Vous êtes à la tête d’un cabinet d’affaires de renom dans un contexte économique atone. Avez-vous une crainte particulière ?

Peu de choses m’angoissent, surtout quand on voit notre capacité d’adaptation aux besoins du marché, le chemin qui a été fait. Ce qui me frappe le plus, et qui fait ma fierté, c’est la culture inclusive et collaborative que nous arrivons à maintenir. Avec plus de 70 bureaux étrangers dans 30 pays, 750 associés et 3 000 avocats, nous gardons la capacité, grâce à cette culture commune, de travailler comme une seule équipe. Il est remarquable que nous ayons connu cette croissance internationale continue. Notre capacité à aller de l’avant me rend aussi optimiste. Dernier exemple en date : la signature d’un accord avec KWM Chine, le plus grand cabinet de Chine. C’est un acte important qui nous donne l’opportunité d’assister les clients du cabinet KWM dans le monde et de fournir à un accompagnement stratégique à nos clients qui ont des projets d’investissement en Chine.

 

Propos recueillis par Mathilde Aymami

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