Entre jugement, remarques des collègues et de la hiérarchie, la coupe de cheveux peut entraver l’embauche et la progression professionnelle de certains salariés. Adoptée à l’Assemblée Nationale ce jeudi 28 mars, la loi cherchant à lutter contre les discriminations capillaires au travail attend son examen au Sénat.

Ne plus se faire discriminer pour sa coupe de cheveux, c’est l’objectif de la proposition de loi déposée par le député LIOT de la Guadeloupe, Olivier Serva. Crépus, tressés, bouclés, blonds ou roux : les différents types de cheveux peuvent donner lieu à un traitement inégalitaire de certains salariés, qui touche en particulier les populations afro-descendantes. Cette mesure vise à encadrer et sanctionner les discriminations fondées sur la coupe, la couleur, la texture, la longueur des cheveux et même leur absence, en les ajoutant à la liste des discriminations passibles de sanctions pénales. Elle empêcherait les employeurs d’imposer à leurs salariés de se défriser les cheveux, les lisser ou les plaquer.

Des discriminations qui touchent principalement les femmes noires

Tirée par les cheveux pour certains, jugée essentielle par d’autres : cette loi divise quant à sa pertinence. Pourtant, dans le monde, six personnes sur dix ont les cheveux bouclés, crépus ou frisés. Des études mettent en lumière les inégalités auxquelles elles font face (même si l’ampleur du phénomène est difficile à mesurer) : selon un rapport parlementaire publié en 2024, fondé sur une étude menée par la marque de cosmétiques Dove et par LinkedIn, les femmes noires ont 2,5 fois plus de risques d’être dénigrées que les femmes caucasiennes ou asiatiques. Comme l’explique le député de la Guadeloupe, “deux femmes noires sur trois doivent changer leur coiffure pour postuler à un entretien d’embauche”.

Femmes blondes et hommes chauves freinés dans leur carrière

Au-delà des femmes noires, plusieurs natures capillaires sont aussi touchées par ce phénomène. Ainsi, les femmes blondes sont stigmatisées et doivent aussi, selon Olivier Serva, modifier ce trait physique pour monter en grade : “Une femme blonde sur trois dit qu’elle doit changer sa couleur de cheveux quand il s’agit de progresser dans l'entreprise. D’après le député Serva, les personnes chauves auraient également 30 % moins de chance de voir leur carrière évoluer. Or, d’après l’Ifop, 13 % des Français déclarent être atteints de calvitie (2 % des femmes contre 25 % des hommes, soit un homme sur quatre).

Une problématique sanitaire liée aux lissants capillaires

Pour Oliver Serva, ces discriminations soulèvent un problème sanitaire. Des néphrologues de l’hôpital de la Conception à Marseille ont récemment dévoilé la toxicité de certains soins pour les cheveux, notamment celle des crèmes lissantes très utilisées par les femmes noires. Pour les consommatrices de ces produits, le risque de développer un cancer de l’utérus, un fibrome ou encore des troubles rénaux est trois fois plus élevé que pour les autres.

Aujourd’hui, la parole sur le sujet se libère, en témoigne Kenza Bel Kenadil, 26 ans, influenceuse qui compte plus de 200 000 abonnés et militante contre la discrimination capillaire. En commentaires sous ses vidéos, des personnes témoignent de leur expérience : “Dans mon ancien poste, ma responsable m’a obligée à attacher mes cheveux bouclés car ça faisait moins "chic" que sur des collègues avec des cheveux lisses”, “On m’a dit : si tu vas en rendez-vous client, attache-toi les cheveux, sinon on ne verra que toi” ou encore “J’ai été renvoyée parce que mon afro était considéré comme une coiffure trop ethnique”.

La discrimination capillaire combattue dans les pays anglo-saxons

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, la discrimination capillaire est combattue depuis 2022. L’association britannique Halo Collective, qui lutte contre les discriminations des personnes noires en raison de leur texture de cheveux au travail et à l’école, a créé une charte RH engageant les entreprises signataires à « prendre position de manière proactive pour garantir qu’aucun membre de leur équipe ne soit confronté à des obstacles ou à des jugements en raison de ses cheveux afro-texturés ». La charte a été signée par Unilever, Dove, Marks & Spencer, pour ne citer qu’eux.

Aux États-Unis, la loi “Crown Act” (acronyme de “Créer un monde respectueux et ouvert pour les cheveux naturels”, en français), portée par la sénatrice californienne Holly Mitchell en janvier 2019, a été instaurée dans 25 États sur 51 six mois plus tard, mais pas au niveau fédéral. Ce qui pourrait faire de la France le premier pays au monde à appliquer cette loi sur l’ensemble de son territoire.

Selon un baromètre de la Défenseure des droits, 92 % des 18-34 ans perçoivent des discriminations fondées sur l’apparence physique. La précision du critère de discrimination capillaire permettrait alors aux victimes d’être reconnues, tout en s’inscrivant dans la continuité de la loi portée par le député Renaissance Marc Ferracci, qui vise à généraliser la pratique du ”testing”.

Lisa Combe

Crédit image : freepik 

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