La nécessité de travailler dans une langue différente de sa langue maternelle peut engendrer des difficultés professionnelles et affecter la créativité des salariés.

En France, un tiers des actifs utilisent une langue étrangère dans leur environnement professionnel. Or, la moitié d’entre eux déclarent être gênés par cette situation selon une enquête CREDOC. L’anglais est évidemment la première langue concernée pour 84% des personnes interrogées, son usage étant largement favorisé par la mondialisation des échanges, la mutation numérique et les évolutions technologiques.

La législation française s’adapte

Dans ce contexte, le droit à la formation, qui rend l’employeur responsable du maintien de la capacité de ses équipes à occuper un emploi, constitue un premier principe qui s’inscrit dans un socle juridique essentiel et protecteur. Mais la loi du 4 août 1994 sur l’emploi du français, dite "loi Toubon", s'avère aussi cruciale pour garantir le respect des droits des travailleurs. Si cette législation ne régit pas les échanges à l’oral au travail, elle assure la sécurité linguistique des personnes actives en obligeant les entreprises à employer le français dans les "documents nécessaires", une disposition récemment renforcée par la jurisprudence. La Cour de cassation a en effet développé une interprétation extensive de cette notion dans un arrêt du 11 octobre 2023, afin qu’elle s’applique à tout document comportant des obligations pour le ou la salariée ou dont la connaissance est nécessaire à l’exécution de son travail, notamment en ce qui concerne les normes de sécurité.

Un frein à la créativité

La législation française tente de protéger les salariés en s’adaptant aux évolutions du monde professionnel. Néanmoins, d’autres problèmes de fond se posent, liés à la dégradation du dialogue et de la coopération professionnelle. Dans le rapport au Parlement 2024 sur la langue française, Katia Kostulski, directrice du Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD-Cnam), regrette que la disparition progressive du travail collectif à l’échelle locale en France contraigne beaucoup d’actifs à échanger dans un anglais mondialisé, "qui pour la plupart des interlocuteurs, loin de la langue de Shakespeare, n’est qu’un globish liminaire". Autrement dit un langage rudimentaire et sans nuances, qui, s’il accroît naturellement le nombre d’interlocuteurs possibles, ne permet pas de véritable dialogue, seul mode de communication propice à l’expression de la créativité collective.

Loin d’être anecdotique, la question des langues au travail devrait donc sérieusement être abordée au sein des entreprises françaises, afin de garantir la sécurité linguistique des équipes tout en préservant leur compétitivité.

Cem Algul

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