Plébiscitées par les épargnants français, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) continuent de battre des records de collecte (10,1 Md€ en 2022) et de délivrer un rendement moyen (4,53 % pour 2022, en hausse par rapport à 2021) en ligne avec les objectifs de revenus complémentaires réguliers et de protection de l’inflation. Comment les intégrer dans son patrimoine ?
Pour obtenir des revenus complémentaires et diversifier son patrimoine sans souci de gestion, acquérir des parts de SCPI est tout indiqué : elles permettent de percevoir des loyers issus des rendements attractifs du marché de l'immobilier résidentiel ou tertiaire (bureaux, commerces, entrepôts, établissements de santé) en mutualisant les risques grâce à la multitude de biens, de locataires et de secteurs géographiques. La limite tient à la pression fiscale pesant sur ces revenus fonciers, soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu dont les tranches sont de 11%, 30%, 41% et 45%, fonction du niveau de revenus du foyer fiscal. À cela s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2%. La pression fiscale globale sur ces revenus fonciers peut donc être de 28,2%, 47,2%, 58,2% voire 62,2%. Pour les foyers atteignant déjà une tranche marginale d’IR supérieure ou égale à 30%, la détention de parts de SCPI en direct en pleine propriété sera donc peu efficace car la moitié voire plus des revenus partira en fumée fiscale.
L’attrait des SCPI internationales et de l’acquisition démembrée
Certaines SCPI ont pour stratégie d’investir dans des immeubles à l’international, en particulier en Europe. En général, les immeubles sont situés dans des pays liés à la France par une convention en vue d’éviter les doubles impositions, soit grâce à un crédit d'impôt, (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni), soit avec l'application du taux effectif (Belgique, Pays-Bas, Portugal). Ces loyers étrangers doivent certes faire l’objet de déclarations en France mais les conventions aboutiront dans la plupart des cas à neutraliser l’impôt et les prélèvements sociaux dus en France. Une autre alternative consiste à acquérir les parts de SCPI en nue-propriété. Cette stratégie est recommandée pour des particuliers dont le besoin de revenus complémentaires n’est pas immédiat, mais différé dans le temps, par exemple lors du départ à la retraite. Le démembrement de propriété n’est pas viager, il est prévu pour une durée temporaire allant de 3 à 20 ans. L’investisseur peut alors choisir la durée la plus appropriée à son horizon d’investissement. Une décote sur le prix d’achat des SCPI est pratiquée, à hauteur de la valeur de l’usufruit, fonction d’un barème fixé par la société de gestion : plus la durée de démembrement est longue, plus la valeur de l’usufruit est élevée et inversement le prix d’achat de la nue-propriété réduit. Par exemple, pour un démembrement de 10 ans, la nue-propriété bénéficie d’une décote à l’achat de 30% par rapport aux prix de la part en pleine propriété. Pendant toute la durée du démembrement, le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu (il les a perçus en quelque sorte sous forme de décote sur le prix d’achat en une fois, et non fiscalisés) et n’est pas redevable de l’IFI sur ces SCPI.
La performance globale de l’investissement est liée bien sûr à la sélection des SCPI mais aussi au choix du mode de détention
En parallèle, l’usufruit sera souvent détenu par une société, une association ou une fondation souhaitant placer sa trésorerie excédentaire à des rendements attractifs : cette personne morale bénéficie de revenus immédiats tout en allégeant le montant à décaisser, la valeur de l’usufruit étant faible. Dans des cas plus rares, l’usufruit peut intéresser un particulier faiblement imposé, désireux de transformer un capital en revenus immédiats sur une durée précise, pour financer par exemple les études d’un enfant. À l’extinction de l’usufruit, la pleine propriété est reconstituée entre les mains de l’investisseur nu-propriétaire qui perçoit à compter de ce moment l’intégralité des revenus issus de la SCPI. Cette stratégie permet d’augmenter sa capacité d’investissement et de différer l’encaissement des loyers à une période où les revenus du foyer fiscal auront baissé.
Coupler les SCPI avec les avantages de l’assurance-vie ou d’une société civile
Les SCPI peuvent aussi être logés dans un contrat d'assurance-vie, avec le bénéfice de frais de souscription réduits par rapport à une souscription en direct, de l’exonération des revenus et plus-values tant qu’aucun rachat total ou partiel n’est réalisé, et du régime fiscal de faveur de l’assurance-vie en matière de transmission. Les loyers peuvent être versés sur le fonds euros à capital garanti, ou réinvestis automatiquement en nouvelles parts de SCPI. Si le montant de l’investissement le justifie, une autre stratégie consiste à faire acquérir ces SCPI par une société civile familiale constituée pour l’occasion, au moyen soit de fonds empruntés auprès d’une banque, soit de liquidités apportées par les associés, en capital (souscription de parts sociales) ou en compte courant d’associé (prêt de l’associé à la société). L’option pour l’impôt sur les sociétés (IS) accorde une fiscalité à taux réduit au sein de la société (15% jusqu’à un bénéfice de 42.500€, 25% au-delà) et l’absence d’impôt et de prélèvements sociaux chez ses associés tant qu’aucune distribution de dividendes n’a lieu. Mieux encore, les associés peuvent appréhender la trésorerie de la société issue des revenus des SCPI, sans aucune fiscalité pendant de nombreuses années, par le biais de remboursements partiels de leur compte courant d'associé, qui ne seront pas générateurs d’impôts pour l’associé. Les parents pourront dans un second temps optimiser la transmission via des donations de parts sociales aux enfants, tout en conservant le contrôle de la société, via leurs pouvoirs de gérant, et les revenus s’ils se réservent l’usufruit des parts. Ces donations de parts sont d’autant moins coûteuses que la société est fortement endettée car le montant des dettes vient diminuer d’autant la valeur des parts données. Au décès de l’associé prêteur, l’éventuel reliquat de compte courant d’associé non remboursé constitue un actif taxable de sa succession. Il convient donc de bien doser le montant de l’apport en capital et celui de l’avance en compte courant d’associé, en fonction des besoins de revenus et de l’effort de transmission souhaité. La performance globale de l’investissement est liée bien sûr à la sélection des SCPI mais aussi au choix du mode de détention. Les bonnes performances financières ne doivent pas faire oublier la nécessité d’anticiper les enjeux fiscaux de la perception de ces revenus.
Sur l'auteur
Ingénieur patrimonial au sein du Groupe Astoria Finance, Guillaume Pinelli accompagne une clientèle d’entrepreneurs et de particuliers dans leurs opérations patrimoniales et décisions d’investissements. Major 2016 du Diplôme Fédéral Juriste du Patrimoine et diplômé en Droit des affaires et Droit du patrimoine, Guillaume a exercé dans différents cabinets de conseils et banques privées avant de rejoindre Astoria Finance.