Fraîchement élue députée du Pas-de-Calais, Agnès Pannier-Runacher succède à Christophe Béchu à la tête d’un ministère aux prérogatives fortement réduites.

Après plus de deux mois sans ministre de tutelle, l’écologie a de nouveau un représentant au gouvernement. Michel Barnier n’a pas vraiment donné dans l’originalité : le Premier ministre a sélectionné Agnès Pannier-Runacher, une figure de la macronie et l’une des rares rescapées des gouvernements précédents.

Parcours

Agnès Pannier-Runacher a eu l’un des parcours les plus représentatifs des débuts de la macronie. Cette diplômée d’HEC, de Science Po et de l’ENA s’était en effet tenue loin de la politique avant de rejoindre la campagne d’Emmanuel Macron en 2016. Après l’ENA, elle intègre l’inspection générale des finances, puis devient directrice de cabinet de la directrice générale de l’APHP. Directrice de la Caisse des dépôts et consignations à partir de 2006, elle prend la tête du Fond stratégique d’investissement en 2009. En 2011 elle passe dans le privé pour rejoindre l’équipementier automobile Faurecia, avant de repartir à la CDC en 2013. En parallèle, Agnès Pannier-Runacher occupe des postes d’administratrice indépendante dans des sociétés privées, comme la compagnie maritime Bourbon ou l’entreprise de nettoyage Elis.

 À lire aussi   Agnès Pannier-Runacher, de technocrate à politique

Celle qui n’avait jamais élue avant les législatives anticipées de juillet 2024 rejoint le gouvernement pour la première fois en 2018, comme secrétaire d’État en charge de la « reconquête » industrielle. Elle devient ensuite ministre déléguée chargée de l’Industrie entre 2020 et 2022. Lors de l’avènement du gouvernement Borne en 2022, elle récupère le portefeuille de la transition énergétique. Un poste où elle travaille notamment sur les questions de sobriété énergétique et sur la loi de développement des énergies renouvelables de 2023. Lors du remaniement Attal du début d’année, elle devient ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture, avec pour mission de l’accompagner sur les questions forestières. Se qualifiant elle-même « de gauche », elle incarne l’une des branches les plus modérées du parti présidentiel.

Une pronucléaire convaincue

Réputée comme une administratrice efficace, elle s’est affichée lors de son passage au ministère de la Transition énergétique en tant que partisane du modèle nucléaire, s’attelant à faciliter le déploiement des six nouveaux réacteurs EPR – actant ainsi le maintien au long terme d’un mix énergétique français basé sur l’énergie atomique.

Son passage à ce ministère stratégique, alors que la guerre en Ukraine a dévoilé les faiblesses européennes en matière énergique, a toutefois été entaché par de multiples liens familiaux embarrassants. Son père est en effet l’ancien dirigeant du pétrolier Perenco, et ses enfants, pourtant mineurs, étaient actionnaires d’une société basée dans un paradis fiscal dont les fonds étaient liés à Perenco. Elle a été aussi touchée par de multiples conflits d’intérêts avec des sociétés comme Engie, Bourbon ou la Compagnie des Alpes. Le profil de la nouvelle ministre ne devrait donc pas faire l’unanimité, en particulier auprès des acteurs de l’environnement.

Épaulée par Olga Givernet

Madame Pannier-Runacher sera accompagnée par une ministre déléguée en charge de l’Énergie. Âgée de 43 ans, Olga Givernet est issue du Modem et est diplômée en ingénierie électronique. Le profil de celle qui a été réélue cet été député dans l’Ain peut toutefois surprendre. Elle a en effet effectué l’essentiel de sa vie professionnelle au sein de l’industrie de l’aviation, chez Air New Zealand mais aussi dans l’aménagement de jets privés en Suisse. Un pedigree qui ne manquera pas de faire grincer les dents de certains. Désormais en charge de l’énergie, elle semble tout à fait alignée avec sa ministre de tutelle sur le sujet du nucléaire, puisqu’elle a soutenu l’installation de la centrale de Bugey dans son département. Olga Givernet a également coécrit un rapport parlementaire sur le déploiement des petits réacteurs nucléaires.

Un portefeuille de l’écologie revu à la baisse

Au-delà des questions de personnalité, le ministère de la Transition écologique lui-même voit ses prérogatives subir un coup de rabot. Les fonctions qu’assumait jusqu’ici Christophe Béchu sont désormais réparties entre trois ministères. Lors de son discours de passation de pouvoir, celui-ci a d’ailleurs ironisé : "Trois personnes pour me remplacer, c’est une forme de témoignage posthume que je savoure." En pratique, Agnès Pannier-Runacher devra partager une partie des attributions historiques de son ministère avec Valérie Létard au ministère du Logement, ainsi qu’avec Catherine Vautrin, du ministère du Partenariat avec les territoires et ses trois ministres délégués (Ruralité, Transports et Mer). Une dilution des compétences aux allures de régression pour un portefeuille qui avait été toujours élargi depuis deux décennies.

 À lire aussi   Agnès Pannier-Runacher, Amélie de Montchalin : mission environnement"

Certains réseaux associatifs se disent inquiets de voir les transports et le logement s’éloigner de l’écologie, alors qu’ils constituent certains des plus gros leviers d’action de la transition écologique. Cette perte de champ d’action s’accompagne également d’une forte perte de moyens. Christophe Béchu était en effet doté de cinq ministres délégués, là où Agnès Pannier-Runacher ne pourra s’appuyer que sur la seule Olga Givernet. Les équipes du ministère seront donc nettement plus clairsemées qu’auparavant – une situation que les coupes budgétaires qui pointent à l’horizon ne risquent pas d’améliorer.

Lors de son discours d’investiture, la nouvelle ministre a insisté sur la nécessité de mettre en avant les bénéfices concrets de l’écologie auprès des citoyens. Elle a aussi réaffirmé que les plans énergétiques mis en place sous la législature précédente seraient maintenus. Agnès Pannier-Runacher a mis l’occasion à profit pour égrener quelques-unes de ses priorités : eau, biodiversité et surtout adaptation au changement climatique. Par ailleurs la ministre a surpris, en évoquant l’hypothèse d’une augmentation de 4°C de la température de l’air. Ajoutant : "Ce n’est pas être alarmiste, c’est être courageux, c’est être responsable vis-à-vis des Français et être préparé." Une déclaration qui peut surprendre tant elle semble enterrer les objectifs de la France, certes désormais compliqués à tenir, d’une hausse des températures limitée à 2°C.

François Arias

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter 100 Transitions,
merci de renseigner votre mail