Face aux enjeux environnementaux, numériques et économiques, l’investissement en infrastructures non cotées s’impose comme une solution clé pour financer la transition mondiale. Xavier Le Blan, directeur innovation et gestion privée chez SWEN Capital Partners, détaille les perspectives, les stratégies et les défis liés à cette classe d’actifs, encore peu connue grand public.
Xavier Le Blan (SWEN Capital Partners) : "Les infrastructures nécessitent des investissements privés massifs"
Décideurs. Pourquoi les infrastructures non cotées sont-elles devenues incontournables ?
Xavier Le Blan. Les infrastructures sont la base de notre économie moderne. Elles englobent l’énergie, les transports, les télécommunications, ainsi que des équipements publics comme les écoles, hôpitaux, traitement et valorisation des déchets ou réseaux d’eau. Ces actifs tangibles sont essentiels, quelle que soit la conjoncture économique. Par exemple, l’électricité est non seulement indispensable pour nous éclairer ou nous chauffer, mais la demande en électricité va considérablement augmenter du fait de l’électrification de la mobilité et des nouveaux usages comme l’intelligence artificielle. Sans infrastructures, nos sociétés modernes ne peuvent pas fonctionner.
"Les infrastructures sont la base de notre économie moderne"
Le secteur est d’autant plus stratégique qu’il répond aux grands défis de notre époque : décarbonation, transformation numérique et gestion des ressources – tout en reflétant des enjeux majeurs de souveraineté.
Quels segments sont aujourd’hui les plus prometteurs ?
Nous couvrons l’ensemble des secteurs liés aux infrastructures, mais nous privilégions les projets alignés avec des tendances structurelles fortes. La décarbonation et la gestion des ressources sont au cœur de nos priorités. Par exemple, chez SWEN Capital Partners, nous investissons dans des projets de récupération de chaleur issue de l’incinération des déchets, qui permet de chauffer des villes entières grâce à des contrats sécurisés sur 20 ou 25 ans.
Les data centers modernes sont un autre exemple : ils doivent désormais être plus efficaces sur le plan énergétique, avec des systèmes de refroidissement écologiques. Des projets comme la méthanisation, qui transforme les déchets agricoles en biogaz, sont aussi très prometteurs. Ces investissements combinent performance financière et impact environnemental positif.
Quels rendements peut-on espérer dans ce type d’investissement ?
Historiquement, les infrastructures ont généré des rendements sur fonds propres stables et réguliers, autour de 10 à 15 % par an sur le long terme. Un de leurs atouts est leur résilience face aux crises économiques, du fait de leur nature essentielle, et à l’inflation, car une grande partie des contrats est indexée sur cette dernière. Par exemple, dans nos portefeuilles, 95 % des contrats sont corrélés à l’inflation, ce qui garantit un ajustement automatique des revenus.
Cependant, le rendement varie selon le type d’actif. Une infrastructure déjà en exploitation offre une visibilité et une régularité importantes. En revanche, un projet en cours de construction présente plus de risques mais aussi un potentiel de valorisation supérieur. Une fois terminé, il peut être vendu avec une plus-value significative pour des rentabilités au-delà de 20 %.
Comment SWEN Capital Partners intègre-t-il les critères ESG ?
L’intégration des critères ESG est au cœur de notre démarche. Dès l’analyse initiale, nous excluons les secteurs controversés comme le charbon ou le pétrole conventionnel. Nous utilisons des outils propriétaires et des bases de données accumulées sur près de 15 ans et nous nous sommes dotés d’une définition de l’Investissement Durable afin d’évaluer précisément la performance extra-financière globale de chaque investissement, notamment son empreinte carbone, son impact sur la biodiversité et son impact social.
Nous nous appuyons également sur des normes de place, comme la taxonomie européenne et des initiatives comme la Net Zero Asset Managers Alliance afin de piloter les trajectoires de décarbonation de nos portefeuilles.
Les capitaux privés sont-ils indispensables au financement des infrastructures ?
Longtemps financées par les États, les infrastructures nécessitent désormais des investissements privés massifs en raison de besoins colossaux estimés à 100 000 milliards de dollars d’ici à 2040 selon le G20. Les États seuls ne peuvent pas mobiliser de telles sommes en raison de leurs contraintes budgétaires. C’est là que les investisseurs privés deviennent essentiels.
De grands gérants mondiaux ou des fonds souverains se sont déjà positionnés sur ce secteur stratégique. nous intervenons sur cette classe d’actifs depuis près de 15 ans pour les investisseurs institutionnels de confiance et nous souhaitons offrir l’accès à cette classe d’actifs en créant des solutions adaptées aux investisseurs particuliers, grâce à des fonds spécialisés et des unités de compte en assurance-vie et Plan Epargne Retraite.
Comment les investisseurs privés peuvent-ils accéder à cette classe d’actifs ?
Les infrastructures non cotées ont longtemps été réservées aux investisseurs institutionnels en raison des tickets d’entrée très élevés et des contraintes réglementaires. Aujourd’hui, cela change. Nous proposons déjà des fonds accessibles à une clientèle privée fortunée, à partir de 100 000 euros.
Nous avons également pour projet le lancement, début 2025, d’un fonds evergreen en assurance-vie et plan épargne retraite, permettant aux particuliers d’investir dans des infrastructures à long terme avec des unités de compte. Ce produit offrira une exposition aux infrastructures non cotées en capital, avec des rendements potentiels attractifs et une construction de portefeuille diversifiée dans une logique d’épargne longue.
Quels sont les principaux défis dans votre métier ?
Le principal défi est la stabilité du cadre réglementaire. Si les règles changent trop souvent, cela crée de l’incertitude pour les investisseurs. Par exemple, en 2008, l’Espagne a modifié brutalement son cadre réglementaire sur les énergies renouvelables, provoquant un retrait massif des capitaux privés. Les investisseurs n’y sont revenus que quinze ans plus tard.
Rendre les infrastructures accessibles aux particuliers tout en garantissant des performances élevées est aussi un enjeu complexe. Mais les perspectives sont prometteuses, car la demande est immense et les capitaux privés sont désormais indispensables au développement de projets structurants.
Quels projets récents illustrent votre stratégie ?
Nous avons récemment investi dans des projets de méthanisation, qui transforment les déchets agricoles en biogaz.
Nous avons également financé des usines de valorisation des déchets, où la chaleur issue de l’incinération est utilisée pour chauffer des villes entières. Ces projets reposent sur des contrats de long terme, garantissant une stabilité de revenus sur 20 à 25 ans.
Enfin, nous investissons dans des infrastructures numériques comme la fibre optique, avec des projets menés en partenariat avec des opérateurs établis visant à réduire la fracture numérique générant des revenus stables pour nos investisseurs.
Quel avenir voyez-vous pour les infrastructures non cotées ?
Nous sommes au début d’un super-cycle porté par trois mégatendances : la décarbonation, la transformation numérique et les changements démographiques. Les besoins de financement sont gigantesques et les perspectives d’investissement vont continuer d’apparaître.
"Nous sommes au début d’un super-cycle porté par trois mégatendances"
Les infrastructures sont devenues une classe d’actifs pertinente pour les investisseurs cherchant à diversifier leur portefeuille, générer des rendements stables et avoir un impact positif sur la société. C’est une classe d’actifs tournée vers l’avenir, à la fois solide et essentielle pour répondre aux grands défis de notre époque.