Avec 430 000 collaborateurs dans le monde, Sodexo est le premier employeur privé basé en France. Malgré tout, son ADN d’entreprise familiale perdure et irrigue les décisions de sa PDG, Sophie Bellon, même lorsque la fille du fondateur prend des tournants stratégiques.

Décideurs.Comment s’est opérée la transition avec votre père ?

Sophie Bellon. Il n’était pas écrit que je lui succéderais – loin de là ! Il nous a toujours répété qu’il ne fallait pas confondre arbre généalogique et organigramme. Après mes études, je suis d’ailleurs partie vivre huit ans à New York avant de rejoindre l’entreprise. En 2012, mon père a réuni ses quatre enfants car il souhaitait que l’un de nous prenne sa suite. Il nous a laissé la main pour déterminer le processus de sélection. Nous étions trois à être candidats. Nous nous sommes appuyés sur un "comité des sages", qui m’a choisie à l’unanimité.

Quelles sont les bonnes pratiques que vous retenez de cette passation ?

Mon père n’a pas voulu choisir entre ses enfants : il avait vu trop de familles se déchirer. C’est un équilibre délicat : il faut savoir créer l’affectio societatis nécessaire pour intéresser la génération suivante au destin et à la réussite de l’entreprise, tout en permettant à chacun de se sentir libre de suivre sa voie. C’est ce que nous nous efforçons de faire avec mes frère et sœurs pour nos enfants.

Comment faire perdurer un ADN familial dans une entreprise employant 430 000 collaborateurs?

Nous avons signé un pacte d’actionnaires sur cinquante ans pour garantir l’indépendance de Sodexo, qui nous permet de faire perdurer nos valeurs, notre mission fondatrice et de garantir la pérennité de notre vision et de la stratégie. Au quotidien, la chaîne managériale joue un rôle essentiel pour transmettre ces fondamentaux à nos 430 000 collaborateurs. Pour chaque cadre supérieur, cette transmission s’opère notamment lors d’un séminaire d’une semaine, "Sodexo World" : ils y découvrent, entre autres, l’histoire et l’ADN du Groupe.

"Nous avons le devoir d’adapter l’entreprise aux changements du monde"

Vous avez monté les échelons dans l’entreprise avant d’en devenir la présidente puis la PDG. Pourquoi avoir pris les rênes opérationnelles ?

Je suis administratrice de l’entreprise depuis 1989, et présidente depuis 2016. Au lendemain du Covid, la crise la plus grave que nous ayons jamais traversée, il était indispensable d’accélérer notre transformation. Le conseil d’administration a estimé que j’étais la mieux placée pour conduire Sodexo dans cette nouvelle étape de son histoire, étant donné notamment ma connaissance profonde du groupe, de ses activités et de ses équipes.

En tant que deuxième génération, se sent-on légitime à faire évoluer l’entreprise et quelles ont été les décisions les plus stratégiques que vous ayez dû prendre ?

Je crois qu’on est non seulement légitime, mais que nous avons le devoir d’adapter l’entreprise aux changements du monde. Je l’ai ressenti profondément pendant la crise sanitaire. J’ai vu s’accélérer des tendances très structurantes pour notre secteur : personnalisation, explosion du digital, importance croissante des enjeux climatiques et environnementaux et de la santé, évolution du rapport au travail et à l’alimentation… Je me suis senti une immense responsabilité, à l’égard de nos équipes, de nos clients, de nos consommateurs, de ma famille et de l’ensemble de nos parties prenantes. Depuis, nous avons fait des choix stratégiques forts pour devenir leader mondial de l’alimentation durable et des expériences de qualité. Nous investissons dans la transformation culturelle de l’entreprise et les pratiques managériales pour nourrir la collaboration et la transversalité. Et nous réussissons précisément parce que nous avons des fondamentaux solides sur lesquels prendre appui !

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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