Les Bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont un instrument financier largement utilisé par les start-ups et les entreprises innovantes en France pour attirer et retenir les talents. Toutefois, lorsque le bénéficiaire est amené à travailler hors de France, il convient d’anticiper les implications juridiques et fiscales de la mobilité sur les gains issus des BSPCE.

Les BSPCE sont un dispositif permettant aux collaborateurs de profiter de la future valorisation d’une start-up ou d’une entreprise innovante. Ils confèrent à leur bénéficiaire le droit de souscrire des actions émises par l’entreprise à un prix déterminé au jour de l’attribution du bon. Ils offrent ainsi la perspective de réaliser un gain en cas de valorisation de l’entreprise entre la date d’attribution du BSCPE et la date de cession du titre acquis lors de l’exercice du BSPCE.

De nombreuses entreprises mettent en place des BSPCE, souhaitant ainsi encourager l’investissement de leurs collaborateurs dans l’entreprise sur le long terme, et leur faire bénéficier d’avantages fiscaux significatifs.

Toutefois, lorsque les bénéficiaires de BSPCE transfèrent leur résidence hors de France, il est nécessaire de s’interroger sur les impacts de cette mobilité sur le régime des BSPCE. Cette analyse permet d’anticiper les conséquences sur la charge fiscale du bénéficiaire et de sécuriser les obligations du collaborateur et de la société en France et dans l’État de destination. L’analyse a également pour intérêt d’éventuellement optimiser la charge fiscale du collaborateur, par exemple en optant pour une cession des titres préalablement au transfert de résidence fiscale, voire de maximiser les avantages financiers du dispositif.

Un régime fiscal simple en l’absence de mobilité internationale : le gain de cession réalisé par un résident fiscal de France est imposé lors de la cession des titres

L’article 163 bis G du Code général des impôts (CGI) définit le régime fiscal des BSPCE et offre une fiscalité allégée, sous réserve que les conditions fixées par le Code du commerce soient respectées. Le premier avantage réside dans le fait que l’imposition du gain n’a lieu qu’au moment de la cession des titres, à savoir lorsque le bénéficiaire perçoit effectivement des fonds. Aucune imposition n’a lieu ni au moment de l’attribution des BSPCE, ni au moment de l’exercice, contrairement à ce qui peut se produire avec d’autres dispositifs comme les stock-options qui, dans certains cas, conduisent à une imposition dès l’acquisition ou l’exercice des options, avant même que le bénéficiaire ne réalise un gain effectif.

Le deuxième avantage est relatif aux charges fiscales et sociales elles-mêmes. Lorsqu’ils vendent leurs titres et s’ils exercent leur activité depuis au moins trois ans dans l’entreprise, les bénéficiaires sont redevables de l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 % pour les BSPCE attribués depuis le 1er janvier 2018 ou peuvent opter pour une imposition au barème progressif, si elle est plus favorable. À noter que l’imposition est plus lourde (30 %) si les bénéficiaires cèdent les titres avant d’avoir atteint la condition de trois ans de présence dans l’entreprise au jour de la cession.

À l’impôt sur le revenu, s’ajoutent néanmoins les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. L’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux sont appliqués sur l’intégralité du gain de cession, à savoir la différence entre le prix de cession du titre et la valeur du titre lors de l’attribution des BSPCE.

Un régime plus complexe en cas de mobilité internationale

En cas de transfert de résidence fiscale hors de France avant de pouvoir exercer les bons ou céder ses titres, le régime fiscal et les formalités se complexifient. L’imposition peut être optimisée ou largement alourdie selon le pays de transfert de la résidence.

Une assiette fiscale française potentiellement réduite pour les non-résidents au moment de la cession

Contrairement à ce qui s’applique au résident fiscal de France, le gain réalisé par un non-résident de France au moment de la cession est scindé entre le gain d’exercice et le gain de cession qui suivent deux régimes différents.

Le gain d’exercice correspond à la différence entre la valeur des titres à la date d’exercice et la valeur des titres à la date d’attribution des bons. Il est imposé au moyen de la retenue à la source de l’article 182 A ter du CGI appliquée lors la cession des titres.

Cette retenue s’applique uniquement sur le gain d’exercice de source française, c’est-à-dire sur la portion du gain réalisée en contrepartie de l’exercice d’une activité professionnelle en France. Un bénéficiaire de BSPCE ayant exercé son activité exclusivement en France durant la période de référence sera donc naturellement imposé en France sur l’ensemble du gain d’exercice, même si les actions sont vendues alors qu’il réside à l’étranger. Mais si le bénéficiaire peut justifier de périodes d’activité professionnelle à l’étranger entre l’octroi et la fin de la période d’acquisition des bons, il bénéficie d’une réduction de la base d’imposition puisque seule la portion du gain proportionnelle aux jours travaillés en France sur la période sera imposable en France.

Les taux d’imposition restent identiques (12,8 % ou 30 % selon l’ancienneté) mais l’impôt est prélevé par la personne qui verse au contribuable les sommes issues de la cession des titres. La personne verse donc au contribuable le prix de cession déduit de la retenue à la source calculée sur la portion du gain liée à l’activité exercée en France.

Le gain de cession correspond quant à lui à la différence entre le prix de cession du titre et la valeur du titre au moment de l’exercice. Selon les conventions fiscales, ce gain n’est imposable que dans l’État de résidence fiscale du salarié et vient donc considérablement réduire l’impôt dû en France si le bénéficiaire a transféré sa résidence au moment de la cession.

Par ailleurs, si le salarié est non-résident au moment de la cession, les prélèvements sociaux de 17,2 % ne devraient plus s’appliquer. Le gain fiscal peut donc être optimal, sous réserve de l’imposition dans l’État où la résidence a été transférée.

Une vigilance accrue sur le régime fiscal du pays où la résidence fiscale est transférée s’impose.

Si la charge fiscale française s’en trouve parfois réduite, celle générée dans le pays de résidence peut venir largement alourdir l’impact, d’où la nécessité d’anticiper la mobilité.

Le point d’entrée est de déterminer quel est le régime fiscal applicable dans l’État de résidence fiscale du bénéficiaire. En effet, les BSPCE sont un dispositif de droit français ne trouvant pas son exact équivalent dans les autres États.

Dans certains États, le régime des BSPCE pourra être assimilé à un plan de stock-options. Il est donc pertinent d’examiner l’existence de dispositifs similaires qui permettraient aux bénéficiaires de profiter d’une fiscalité avantageuse. À titre d’exemple, aux États-Unis, l’ajout d’une annexe spécifique au plan BSPCE peut permettre sa qualification au regard du droit américain, offrant ainsi aux bénéficiaires la possibilité de jouir, sous certaines conditions, d’un régime fiscal favorable. Une fois le régime fiscal des BSPCE défini, les modalités locales d’imposition des gains doivent être précisées. Plusieurs questions doivent être tranchées : quels sont les gains imposables (gain d’exercice, gain de cession) ? À quel moment sont-ils imposables : à l’acquisition, à l’exercice, à la cession ? Quels sont les taux d’imposition et de charges applicables ? L’impôt et les charges dus doivent-ils être précomptés en paie ou réglés par le collaborateur via sa déclaration de revenus ? Comment est éliminée l’imposition sur la portion du gain d’exercice déjà imposée en France ?

Pour répondre à l’ensemble de ces questions et éviter que l’octroi de BSPCE ne devienne un casse-tête pour les talents mobiles, il est impératif de consulter des conseillers fiscaux spécialisés.

Cécile Cottin-Dusart, associée chez Vaughan Avocats et Julie Cavallera, avocate senior chez Vaughan Avocats 

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