Très remarqué lors de l’Université d’été du Medef, Aurélien Barrau n’a pourtant pas attendu l’événement pour faire le lien entre la science et la conscience qui, séparées et comme le soulignait Rabelais, ne sont que "ruines de l’âme".
Professeur à l’université de Grenoble-Alpes, physicien de métier, également philosophe et poète par passion, c’est pourtant en tant qu’« être humain » qu’il se présente dans son combat pour l’environnement, dont il récuse d’ailleurs le terme. Portrait.
En avance
Après math sup, math spé, il obtient simultanément un diplôme d’ingénieur de l’École nationale supérieure de physique de Grenoble et un DEA en physique de la matière et du rayonnement en 1995. Major de promotion dans les deux cas, il poursuit avec un doctorat en astrophysique puis décroche son habilitation à diriger des recherches sur la thématique des trous noirs primordiaux. Il parachève ce brillant cursus avec un doctorat en philosophie. Sa bibliographie dessine les contours de ses différents thèmes de prédilection: un ouvrage sur la cosmologie côtoie un essai philosophique, lui-même jouxtant un recueil de poèmes. Un parcours éloquent, une œuvre déjà conséquente et des arguments suffisants pour ne pas évoquer que sa coupe de cheveux et sa paire de santiags et leur préférer ses idées et travaux. Le discours d’Aurélien Barrau est brutal mais implacable, son français riche, précis et sa diction harmonieuse. Il dispose d’arguments solides pour être écouté et entendu, pour peu que l’on goûte à son constat.
Il appelle à une révolution politique, poétique et philosophique
"Soyons sérieux !"
À la suite de la démission de Nicolas Hulot en 2018, et aux côtés de Juliette Binoche ainsi que de 200 personnalités publiques, il signe un manifeste dans Le Monde exhortant le gouvernement à une action "ferme et immédiate" face au risque climatique. Il double cet apostolat d’un livre paru l’année suivante. Entre-temps, François de Rugy a succédé à Nicolas Hulot. Message reçu… Il appelle plus tard à une révolution politique, poétique et philosophique qu’il défend sur France Inter, à grands renforts de "Soyons sérieux !", qui, plus qu’un tic de langage, semble constituer une incantation indispensable à cette révolution. Invité de l’émission La Terre au carré, il commente sa récente rareté dans les médias évoquant "une résilience du système qui a une capacité d’ingérence de tout message de façon à le retourner en un outil de divertissement". L’astrophysicien refuse l’incarnation du combat écologique en défendant Greta Thunberg, bien que ce qu’elle prétendait incarner s’est usé. Durant l’Université d’été du Medef, il détaille les contours de cette transformation qui implique la reconnaissance rapide de notre "échec civilisationnel" qu’il ne limite d’ailleurs pas au réchauffement climatique mais qu’il engraisse de la "crise systémique et plurifactorielle que nous traversons". Dans le public, certains entrepreneurs s’amusent de cet astrophysicien qui semble s’apparenter à une possible erreur de casting quand d’autres lèvent les yeux au ciel, ne pouvant se résoudre à entendre un discours d’un tel catastrophisme.
Heureusement, ses discours font plus de bruit que sa montre – une Rolex estimée à 10 000 euros par des observateurs chagrins – qui illégitimerait son engagement écologique. Aurélien Barrau ne milite pas pour la décroissance, il avertit de sa future réalité. Il ne promet pas le salut mais les prises de conscience qu’il suscite pourraient nous y conduire.
Alban Castres