Cette année, 5 millions de salariés étaient dans des situations d’aidance. Qui sont-ils et quels sont les défis auxquels ils font face ? Dans leur étude du 3 octobre 2024, Ocirp et Viavoice mettent en lumière l’invisibilisation des aidants, en majorité des femmes.
Et si les entreprises prenaient mieux soin des aidants ?
Avec une population française de plus en plus vieillissante, les aidants représenteront en 2030 un salarié sur quatre. Qu’ils assistent un parent, un enfant handicapé ou un proche en perte d’autonomie, les aidants sont souvent peu visibles dans l’entreprise et ne reconnaissent pas, pour certains, leur statut. Aujourd’hui, ils sont plus de 11 millions en France, dont 61 % en activité professionnelle. La quatrième édition de l’Observatoire Ocirp portant sur les salariés aidants, datée d’octobre 2024, met en évidence le fait que les salariés sont au cœur de la problématique RH. Comment les entreprises peuvent-elles les accompagner ?
Les défis
Pour rappel, un aidant vient en aide, à titre non professionnel, à un proche malade ou handicapé. En France, les syndicats et le patronat ont du mal à trouver des solutions pour « aider » les 5 millions de travailleurs en situation d’aidance. Un état de fait qui fragilise la carrière des individus concernés. Malgré des dispositifs internes de plus en plus utilisés, comme les congés de proche aidant (CPA), les allocations et les aides financières, la France est en retard en ce qui concerne la sensibilisation et les mesures de soutien public sur le sujet.
L’aidance affecte-t-elle réellement les carrières ? Pour 53 % des managers et 60 % des DRH, cette situation entrave l’évolution professionnelle des personnes. Selon l’étude, seulement 29 % des aidants déclarent leur condition à leur employeur, et 46 % ne le font pas, de peur de mélanger vies professionnelle et personnelle. Ils ont d’ailleurs tendance à davantage informer leurs collègues. Il apparaît donc que ce sujet est encore tabou pour la plupart des DRH (59 %) et des managers (48 %).
Les femmes en première ligne
Si la reconnaissance du statut d’aidant constitue un enjeu capital, il faut également prendre en compte le fait qu’hommes et femmes ne sont pas affectés de la même manière par les situations d’aidance. En effet, 70 % des aidants en France sont des femmes. En moyenne, elles consacrent deux fois plus de temps à s’occuper de leurs proches que les hommes aidants – soit douze heures par semaine contre six. Or, cette disparité a un impact significatif sur leur carrière. Près d’un quart des aidantes (24 %) en viennent ainsi à réduire leur activité professionnelle, et 10 % d’entre elles sont contraintes de quitter définitivement leur emploi. L’aidance peut aussi avoir un impact négatif sur leurs revenus et leurs droits à la retraite, aggravant leur précarité, et constitue dès lors un double fardeau. Par ailleurs, les personnes aidantes sont sanitairement fragilisées : 49 % sacrifient leur propre santé pour répondre aux besoins de leurs proches, que ce soient des parents âgés, des compagnons ou des enfants handicapés.
Aujourd’hui, l’âge moyen des aidants gravite autour de 42 ans, soit la période à laquelle la carrière s’accélère… Ou pas, si des obstacles de vie viennent s’entrechoquer aux trajectoires professionnelles. Peu représentés, les jeunes aidants souffrent aussi de cette situation. Ils sont 40 % à estimer être en difficulté dans leur travail, une différence de 10 % par rapport aux autres salariés aidants. Au-delà de la sphère professionnelle, 42 % considèrent que leur situation les a empêchés de profiter pleinement de leur jeunesse.
Un enjeu de reconnaissance
Enfin, du fait d’un tabou tenace et d’une peur des stigmatisations, les aidants sont nombreux à ne pas admettre la nature de leur situation. Ainsi, plus de la moitié (56 %) des aidants de moins de 30 ans ne se déclarent "pas concernés" par le sujet, contre 47 % tous âges confondus. Plus généralement, près d’un salarié sur trois ne se reconnaît pas dans ce statut.
Les aidants représentent aujourd’hui un atout dans les entreprises : ce sont les premiers à développer des soft skills non négligeables. Ils sont mieux organisés, disposent d’une capacité d’empathie généralement plus développée et n’ont aucun mal à travailler sous pression. Pour accompagner et protéger les aidants, la première étape est de s’affranchir des tabous, en sensibilisant, en garantissant une bienveillance de la part des DRH, et en proposant des dispositifs propres à réduire les risques psychosociaux auxquels ils sont exposés.
Lisa Combe