Les députés parisiens de la majorité tentent de garder leurs sièges dans un territoire plutôt macroniste. Pas une mince affaire entre une droite qui reprend du poil de la bête dans les beaux quartiers et un Nouveau front populaire qui a le vent en poupe ailleurs.

Si Paris est une ville macroniste, les bastions du parti présidentiel ont évolué entre le premier tour de la présidentielle de 2017 et celui de 2022. Lors des deux scrutins, le score d’Emmanuel Macron est resté stable : 34,8% puis 35,3%.

Un électorat en mutation

En revanche, les électeurs ont changé. Traditionnellement places fortes inexpugnables de la droite classique, les arrondissements chics de l’Ouest parisien ont plébiscité François Fillon en 2017 avant de se donner à Emmanuel Macron en 2022. Dans le VIIe il atteint 48 %, dans le XVIe 46,7%, dans le XVe 40%... Mais dans les quartiers plus bobos et plus mixtes de l’Est de la ville, le macronisme est en recul.

Cette tectonique des plaques se retrouve dans les résultats des élections législatives. En 2017, les marcheurs sont parvenus à faire élire 13 députés dans la capitale, cinq ans plus tard, le chiffre est passé à 9. Point important, le parti présidentiel a cédé la plupart de ses circonscriptions de l’Est à la gauche, tout en "grand remplaçant" LR dans les beaux quartiers. Que réservent les élections législatives qui arrivent ? Les candidats macronistes ne peuvent rien prédire, mais ils sont en pleine opération commando. Trois d’entre eux reviennent sur leur campagne dans Décideurs Magazine.

Remobiliser la base

Lorsque Benjamin Haddad, Benjamin Djiane et Fanta Bérété ont appris la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin au soir, tous ont été sidérés. Mais l’effet de surprise dissipé, tous se sont lancés dans la bataille. En politique, il existe une condition sine qua non pour remporter un scrutin : mobiliser sa base. "Nous ne savions pas dans quel état serait notre électorat", se souvient Fanta Bérété, députée dans le XVe arrondissement de Paris. La suppléante d’Olivia Grégoire, membre du gouvernement depuis la réélection d’Emmanuel Macron, repart en campagne, toujours en suppléante. Dans cette campagne marathon, elle se réjouit d’une bonne nouvelle : "Très rapidement, les militants sont venus à la permanence pour prêter main-forte. J’ai même eu le plaisir de retrouver des marcheurs de 2016 et 2017 qui avaient pris leurs distances". Une armée militante utile pour convaincre les électeurs qui ne sont pas encore certains de leur choix.

FantaBerete

Convaincre les indécis

À chaque député, ses indécis. Dans le XVIe arrondissement, il s’agit essentiellement d’électeurs de droite qui ont voté Emmanuel Macron et Benjamin Haddad en 2022 mais qui se sont laissés convaincre par François-Xavier Bellamy aux européennes. "Je m’adresse à ce public en assumant ce que je suis, c’est-à-dire un homme pro-européen, de droite libérale, favorable à une alliance avec LR", explique le député candidat. Convaincre ces électeurs est primordial puisqu’aux européennes, "FX" a terminé d’une courte tête devant Valérie Hayer.

La configuration est différente pour Benjamin Djiane qui se présente dans la dixième circonscription de Paris à cheval entre le XIIIe et le XIVe arrondissement où s’imbriquent quartiers aisés et grands ensembles. La circonscription penche plutôt à gauche, a été gagnée par LREM en 2017. Aux législatives suivantes, elle a été remportée par l’Insoumis Rodrigo Arenas. Petit-fils d’un pharmacien de la rue de Tolbiac, membre de Territoires de Progrès, l’aile gauche de la majorité, le candidat tâche de convaincre les électeurs de centre gauche. "Il y a beaucoup de déçus", constate Benjamin Djiane qui prend son bâton de pèlerin pour convaincre et remobiliser : "Cela demande de l’humilité. Il faut expliquer que renverser la table pour un nouveau départ est dangereux. Il est également nécessaire de montrer que notre bilan est conforme aux idées sociales-démocrates."

Benjamin Haddad cherche à convaincre les électeurs de droite, Benjamin Djiane les sociaux-démocrates

Rejet des extrêmes

Haddad

Paris oblige, les trois candidats ne sont pas menacés par le RN et, dans leurs circonscriptions, le rejet des extrêmes est important. "Les électeurs votent avec leur portefeuille, de manière rationnelle et j’observe que le programme économique du NFP ou du RN effraie", pointe Benjamin Haddad. Mais l’émotion joue beaucoup également. Fanta Bérété n’a jamais été aussi souvent abordée que dans cette campagne. "C’est une nouveauté mais beaucoup de mères de famille m’abordent pour me confier leur peur, leur désir de stabilité, leur crainte face au regain de racisme ou d’antisémitisme qui traverse la société", poursuit l’élue qui compte sur "la majorité silencieuse" pour faire la différence. À son échelle, sur une terre plus à gauche, Benjamin Djiane estime que cette majorité silencieuse doit être cherchée avec les dents."Il y a une radicalisation d’une partie des électeurs de gauche, il faut un investissement total et beaucoup de détermination pour faire changer certains avis."

Terrains de campagne

Benjamin Djiane part avec un désavantage puisqu’il n’a jamais été élu et ne peut donc pas bénéficier de la fameuse "prime au sortant", contrairement à Benjamin Haddad qui compte beaucoup sur elle. "Je multiplie les réunions d’appartement, les tractages, les visites dans les associations comme c’est le cas depuis 2022", détaille le député. "Présent sur le terrain depuis mon élection, les habitants connaissent mes valeurs et mon engagement. J’espère récolter les graines semées".

Fanta Bérété mise elle aussi sur son statut d’élue de proximité, de maman solo investie dans le secteur associatif. "N’oublions pas qu’un député est avant tout un élu de terrain et que sa bonne connaissance des habitants de sa circonscription est un atout qui n’est pas pris en compte dans les sondages".

Djiane

"Un grand besoin de politique"

"Dans les déplacements, je n’ai pas besoin de me présenter, on vient à moi spontanément pour demander des avis, poser des questions. Le public est très investi, quel que soit l’âge ou le statut social", constate Fanta Bérété. Même observation du côté de Benjamin Haddad : "Entre le mardi 11 juin et le dimanche 16 juin, 6 500 tracts sont partis, ce qui est un volume énorme".

Lui aussi est bien davantage interpellé qu’en 2022 : "Les questions fusent, parfois elles sont émotives, parfois elles portent sur les demandes d’alliance avec la droite traditionnelle".

Quel que soit le résultat, les trois candidats notent que la dissolution a au moins un mérite, celui d’intéresser encore plus les citoyens à la politique.

Lucas Jakubowicz

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