Fayçal Jelil tâche de montrer au grand public et aux élites que les Français sont travailleurs, solidaires, fiers et optimistes. Son arme ? Un smartphone. Focus sur une technique qui fonctionne.

"Fais des études et sois curieux", voilà comment résumer en une phrase l’éducation reçue par Fayçal Jelil durant son enfance à Cambrai. Ses parents peuvent être fiers puisqu’il a suivi ce conseil à la lettre, tout comme ses cinq frères et sœurs. L’homme qui se caractérise par un sourire quasi permanent peut se targuer d’avoir eu un parcours professionnel brillant et diversifié : commerçant, cadre dans le marketing, enseignant, délégué préfectoral à la politique de la ville…

"Archiviste des vies décentes"

Depuis quelques années, il a ajouté une nouvelle corde à son arc en développant une activité originale que le philosophe Denis Maillard qualifie "d’archiviste des vies décentes". Le déclic a lieu durant la crise sanitaire : "Plus que jamais, les Français ont été stigmatisés par les élites, se remémore Fayçal Jelil.  Ils étaient dépeints soit comme des profiteurs soit comme des exploités qui doivent être chouchoutés avec des mesures comme le droit à la paresse ou la baisse du temps de travail." Pour le Chti, cela ne correspond pas à la réalité. Selon lui, tout le monde aime travailler, trouve du sens dans son activité. Par ailleurs, il est convaincu que la société est plus altruiste et tolérante que l’image qui en est faite par les élites. Mais comment le prouver ?

Avec un simple outil : le téléphone portable. La recette est simple, Fayçal Jelil interpelle des personnes au hasard dans la rue et pose quelques questions telles que le prénom, l’âge, son parcours, sa vision du travail, sa fierté, ses espoirs… Au total, plus de 1 000 personnes ont été interrogées. "Cela prend environ une heure par jour, c’est comme un hobby qui a des résultats concrets."

Rendre les gens fiers

Le principal résultat ? "Les gens sont fiers d’être mis en avant dans des vidéos de trois minutes en noir en blanc pour gommer les complexes physiques de certains et magnifier les images." Ils remarquent également que leurs portraits, une fois mis en avant sur X, génèrent toujours de la bienveillance, de la curiosité. Le vidéaste amateur est ravi de constater que les personnes filmées partagent leur courte vidéo à leurs proches et à leurs familles. "Cela donne de la confiance à des personnes qui en manquent parfois et c’est la plus belle des récompenses", souligne celui qui aime répéter que "le parcours est à l’individu ce que l’ADN est à l’être humain : unique"

"Je ne recherche pas du clic ou de la célébrité, je veux influencer les décideurs"

Influencer les influenceurs

En créant ce concept, Fayçal Jelil a une autre idée derrière la tête. "Montrer aux élites, souvent déconnectées que les Français sont altruistes, fiers, débrouillards, optimistes, solidaires, bref peu conformes aux clichés qui font vendre." "L’archiviste" envoie son travail aux personnes rencontrées mais ne partage pas ses vidéos sur Facebook, Instagram ou TikTok. En revanche, il reposte tout sur X. "Je ne recherche pas du clic et de la célébrité, je veux influencer les décideurs. Or, le réseau d’Elon Musk est parfait pour cela", témoigne-t-il. Il a ainsi pu rencontrer (et faire changer d’avis ?) des élus ou des directeurs généraux de grands groupes.

Pour le moment, Fayçal Jelil a écumé le nord de la France où il commence à être reconnu. Mais il devrait bientôt migrer vers des cieux où il sera plus anonyme. Toujours armé de son smartphone, il prépare un tour de France pour archiver un maximum de vies décentes.

Lucas Jakubowicz

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