Dans un essai passionnant, le maire de Neuilly-sur-Seine, remet en question « le primat métropolitain » et la vague de valorisation actuelle des villes-mondes. Explications.

Décideurs. « Travailler là où nous voulons vivre », c’est le projet que vous portez pour chaque citoyen. Et ce n’est pas forcément dans les métropoles…

Le véritable enjeu est de permettre à chacun de vivre et travailler là où il le souhaite. L’innovation ne sera un progrès que dans la mesure où elle facilitera nos choix de vie, nos aspirations ou l’expression de nos talents. Les métropoles sont à la mode, mais sont-elles encore l’alpha et l’oméga du progrès ou du bonheur ? Jusqu’à présent, il était préférable de résider dans les grandes villes pour accéder aux structures de santé, de transports ou d’avoir accès plus facilement à l’emploi. L’innovation technologique permet progressivement de bénéficier de tout cela sans pour autant résider dans une métropole. Depuis quelques mois, plusieurs études montrent que les Français plébiscitent « les villes d’équilibre » où la qualité de vie est meilleure. On y est plus proche de la nature, plus heureux, sans pour autant être déconnecté du monde !  La modernité d’hier était liée à la concentration urbaine ; celle de demain s’attachera à la qualité de vie.

Estimez-vous que le grand débat national accorde une place suffisante au devenir des villes ?

Des Ardennes au Cantal, la « diagonale du vide », où les densités de population et les niveaux d’activité sont de plus en plus faibles, continue de progresser. Le grand débat n’interroge pas assez l’avenir des territoires. C’est une question grave et un enjeu stratégique pour la France. On est en train de laisser en friche tout un patrimoine, de beaux actifs, des monuments, des paysages, qui ont constitué jusqu’à présent le socle de notre réussite économique et qui sont fondamentaux pour notre futur. La vraie question n’est pas la décentralisation mais est-ce que l’on veut une France qui ne se développe seulement autour de quelques métropoles standardisées ?

"Le grand Paris institutionnel est un agglomérat de différents acteurs qui sont trop nombreux et ne défendent pas la même vision de long terme"
 

Quelle est justement votre vision du grand Paris ?

Le grand Paris a plusieurs points de faiblesse : son articulation très limitée avec le territoire qui l’entoure, sa difficulté à s’arrimer au reste du monde, l’absence d’incarnation forte susceptible de développer un sentiment d’appartenance. Le grand Paris institutionnel est un agglomérat de différents acteurs, région, départements, villes, intercommunalités, qui sont trop nombreux et ne défendent pas la même vision de long terme.

À Neuilly-sur-Seine, comment mettez-vous en œuvre vos convictions ? 

Je suis très sensible à la qualité de l’espace public. Le commerce en ligne et les réseaux sociaux risquent fort d’isoler de plus en plus les habitants, qui n’auront plus besoin de sortir de chez eux. Pour les maires, l’espace public redevient donc un enjeu sociétal car on peut s’y retrouver, échanger, se cultiver, flâner. À Neuilly-sur-Seine, nous recréons des places, des squares et observons un réel engouement de la population. C’est l’objectif poursuivi dans le cadre de la rénovation de l’avenue Charles-de-Gaulle qui permettra de créer dix hectares d’espace public.

Sur l’Exposition universelle, pas de regrets (1) ?

Si. Les Expositions universelles du XIXe et XXe siècle ont été associées aux enjeux, défis et progrès de ce monde dans un vrai esprit de partage. Est-ce que dans leur forme et dans leur fond, elles pourraient être en phase avec les questionnements du XXIe siècle ? Et surtout donner un sens à l’innovation technologique ? Je pense toujours que l’on a raté le coche et que l’Exposition universelle aurait justement permis au grand Paris de s’incarner et à la France de rayonner. Je poursuis la réflexion et l’action à travers les Ateliers de l’Universel. Avec les organisateurs et participants de la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025, nous capitalisons sur le travail accompli et lançons une réflexion mondiale sur la notion d’universalité qui mérite aujourd’hui d’être revisitée. Les crises financières, les tensions migratoires, le dérèglement de l'environnement, l'emballement pour les technologies ou la radicalisation des idéologies doivent plus que jamais nous inciter à réinterroger les valeurs et les enjeux que nous avons en partage.

Propos recueillis par Laetitia Sellam

Travailler là où nous voulons vivre, vers une géographie du progrès
Ed. François Bourin, 208 pages

(1) Jean-Claude Fromantin a été pendant sept ans président d'ExpoFrance 2025, la structure qui portait la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025 avant que le gouvernement annonce le retrait de la candidature française en janvier 2018.

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