Le Premier ministre et Antoine Armand, nouveau locataire de Bercy n’excluent pas des hausses de prélèvements pour les plus aisés et les grandes entreprises. Évolutions de l’impôt sur le revenu, la flat taxe ou encore la TICFE seraient à l’étude. Est-ce politiquement envisageable ?

Depuis sept ans, Emmanuel Macron et les gouvernements qui se sont succédé tenaient la ligne : pas de hausses d’impôts et même une réduction de ces derniers. Cette politique aurait contribué à donner un peu d’air aux entreprises ainsi qu’au pouvoir d’achat des Français. Elle a surtout aidé le président de la République à siphonner des voix à droite, sa politique fiscale étant en partie alignée avec ce que les électeurs de LR attendent. C’est pourtant Michel Barnier, issu des rangs des principaux partis gaullistes, qui a décidé de sortir du bois et d’envisager un éventuel changement de braquet.

Changement de ton à Bercy

L’augmentation des impôts serait rendue nécessaire en raison du dérapage du déficit public qui pourrait s’avérer plus important que prévu et atteindre 5,6 % du PIB, voire plus, dès cette année. Bruxelles tire la sonnette d’alarme. L’exécutif européen demande à la France de prendre des mesures pour repasser sous la barre des 3 %. À elles seules, les économies sur les dépenses publiques rendront difficile cet exercice. La croissance non plus ne devrait pas être suffisamment élevée (1,1 % en 2024 selon les dernières prévisions de l’Insee) pour faciliter les rentrées d’argent.

En quittant Bercy ce week-end, Bruno Le Maire a fait passer un message clair à son successeur Antoine Armand concernant la marche à suivre. "Vous ne trouverez pas dans un tiroir de mon bureau de recette miracle pour rétablir les comptes publics (…) Vous ne trouverez aucune augmentation d'impôts car, vous le savez, je refuse depuis sept ans cette solution de facilité", a-t-il lancé à la nouvelle équipe.

Visiblement, Antoine Armand ne l’entend pas de cette oreille. Le nouveau ministre de l’Économie et des Finances a appelé dans le JDD à "baisser la dépense publique et à la rendre plus efficace" tout en précisant qu’"exclure d’office certains prélèvements exceptionnels et ciblés ne serait pas responsable".

Les plus riches et les multinationales

Michel Barnier s’est montré, quant à lui, un peu plus précis sur la marche qui pourrait être adoptée. "Je ne veux pas aggraver la double dette écologique et financière, donc il faut faire un effort collectif pour maîtriser les dépenses, ça peut se faire notamment avec des prélèvements ciblés sur les personnes fortunées, ou certaines grosses entreprises", a explicité le Premier ministre lors de son interview dimanche sur France 2. Il ne serait pas demandé plus d’efforts, en revanche, aux "classes moyennes", aux "gens modestes" et à ceux "qui travaillent".

Michel Barnier préconise "un effort collectif pour maîtriser les dépenses, ça peut se faire notamment avec des prélèvements ciblés sur les personnes fortunées, ou certaines grosses entreprises"

Quels impôts concernés ?

Plusieurs pistes seraient à l’étude pour renflouer les caisses de l’État. La plus sensible et qui fait déjà réagir les politiques depuis quelques heures consisterait à geler le barème de l’impôt sur le revenu. Celui-ci se trouve normalement relevé chaque année afin de suivre l’inflation et d’éviter que des citoyens qui n’ont pas davantage de pouvoir d’achat ne se retrouvent à changer de tranche de prélèvement. Le gouvernement envisagerait de geler le barème sur l’IR. Afin que les plus modestes soient épargnés, seules les tranches supérieures (45 %, 41 %, voire 30 %) seraient concernées, tandis que les premières tranches seraient bien indexées sur l'inflation (ce qui éviterait de rendre également imposables 300 000 personnes de plus), selon Les Échos.

Autre idée : augmenter la flat tax. Pour mémoire, depuis 2018, les contribuables peuvent opter pour un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur leurs revenus issus de l'épargne et du capital (dividendes d'actions, intérêts de livrets bancaires ou d'assurances vie notamment) hors immobilier. Lors de l'examen du budget 2023, le Modem avait vainement proposé un amendement afin d’augmenter la flat taxe à 35 %. Toujours selon Les Échos, le gouvernement envisagerait de passer à un taux de 33 % afin d’engranger 1,5 milliard d’euros supplémentaires. Ce taux aurait l’avantage de doper les recettes publiques sans pour autant décourager les investisseurs.

Le gouvernement pourrait également augmenter la TICFE (taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité). Celle-ci a déjà servi de variable d’ajustement. Alors qu’elle atteignait les 32 euros, elle a été abaissée en 2022 puis augmentée en février dernier, passant de 1 euro le MWH à 21 euros. En 2025, elle pourrait revenir à son niveau d’avant la crise énergétique d’il y a deux ans.

Une surtaxe exceptionnelle d’impôts sur les sociétés serait également d’actualité. Ne seraient en revanche pas sur la table du gouvernement pour l’instant : le rétablissement de l’ISF ou une hausse du taux normal de la TVA. Ces différentes options semblent pour l’instant testées dans l’opinion publique en étant distillées par-ci par-là dans les médias. Mais, en matière de hausses d’impôts, rares sont les mesures populaires ou qui font l’unanimité.

Olivia Vignaud

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