Rompus aux règles politiques, ils accompagnent les partis et leur candidat à chaque élection, avant, pendant et après la campagne. “Ils” ce sont les avocats, l’arrière-garde indispensable des démocrates et des républicains.
Donald Trump, Kamala Harris : qui sont leurs avocats ?
Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky,Narendra Modi, Justin Trudeau… Tous les grands de ce monde ont félicité Donald Trump. Avec 292 grands électeurs, le républicain a réussi à rafler la victoire à la présidentielle américaine pour la seconde fois ce mercredi 6 novembre – le 5 novembre au soir aux États-Unis. La campagne aurait pu être plus serrée et médiatiser les avocats de deux camps. La victoire républicaine étant sans appel, point de feuilleton juridique pour mettre en avant des avocats en quête de notoriété. Ces derniers jouent et joueront toutefois un rôle central. Familiers du Bureau ovale, conseillers d’anciens présidents, ils affichent des parcours hauts en couleur. Qui sont-ils ? Et quels sont les cabinets qui prennent part à la grand-messe quadriennale américaine et à ses célèbres contentieux électoraux ?
Du turn-over chez Donald Trump
L’équipe de Donald Trump est changeante et plus restreinte que dans le camp démocrate. En 2020, le président magnat de l’immobilier comptait dans son armée d’avocats Harmeet Dhillon fondatrice de The Dhillon Law Group. Pour la campagne de 2024, l’avocate, spécialiste de la propriété intellectuelle, de la protection de la vie privée, du premier amendement et bien sûr des campagnes électorales, passe la main à Alina Habba, associée chez Habba Madaio & Associates.
Alina Habba conseille Donald Trump depuis 2021. Spécialisée en droit des sociétés, droit immobilier et droit de la famille, elle possède un bagage politique plus léger que ceux de sa prédécesseuse et de ses adversaires. Autre faiblesse : elle semble être la seule juriste de l’équipe de campagne de Donald Trump. Son arrivée au service du milliardaire a signé le départ de plusieurs avocats qui travaillaient pour lui depuis de nombreuses années. Parmi eux, Marc Kasowitz (Kasowitz Benson Torres), Charles Harder (Harder Stonerock), Joanna Hendon (Alston & Bird), Marc Saroff Mukasey, Jay Sekulow (Jay Sekulow Attorney) et Lawrence S. Rosen, tous rompus au droit pénal, droit des affaires, droit constitutionnel ou encore droit des médias.
Il faut dire que le destin des avocats de Donald Trump n’est pas des plus engageants. D’après le magazine Forbes, plus d’une douzaine d’entre eux ont fait l’objet de poursuites judiciaires. C’est le cas, entre autres, de Rudy Giuliani radié des barreaux de New York et de Washington, accusé d’avoir tenté d’annuler l’élection présidentielle de 2020 en Arizona et en Géorgie, et condamné pour diffamation en Géorgie. Ou de Jenna Ellis, également poursuivie dans cette affaire qui a conclu un accord et s’est vue interdite d’exercice pendant trois ans. Alina Habba elle-même, dans le cadre des poursuites de Donald Trump contre Hillary Clinton, a été condamnée à plusieurs reprises à verser de fortes sommes – allant jusqu’à près d’un million de dollars – aux défendeurs, à savoir Hillary Clinton et d’autres membres du parti démocrate.
L’équipe de choc de Kamala Harris
Pour la présidentielle de 2024, Kamala Harris s’est dotée d’une équipe juridique comptant cinq hommes et une femme accoutumés à l’exercice de l’élection depuis des décennies.
Dana Remus, associée chez Covington & Burling et unique femme de l’équipe juridique de la candidate américaine, déjà à la tête de l’équipe juridique du duo Biden-Harris en 2020, dirige celle de Kamala Harris en 2024. Conseillère d’Obama et de Biden, elle a assisté, au cours de leurs investigations, la Maison-Blanche et les membres du comité chargé par la Chambre des représentants d’enquêter sur l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021. Cette native du New Hampshire, qui a également enseigné à l’université de Caroline du Nord où elle s’est spécialisée dans les questions d’éthique juridique et judiciaire et dans la réglementation des professions juridiques, fut à l’initiative du soutien de l’administration Biden à la nomination de la première femme afro-américaine comme juge à la Cour suprême, Ketanji Brown Jackson.
Robert Bauer, longtemps avocat chez Perkins Coie, est un habitué de la présidence américaine et du parti démocrate. Son curriculum vitae a de quoi en faire pâlir plus d’un : avocat de Barack Obama depuis 2005, il conseille le Comité national démocrate, puis le futur Président durant sa campagne de 2008, avant d’entrer à la Maison-Blanche comme conseiller juridique entre 2009 et 2011, période pendant laquelle il cesse son activité d’avocat. Retour chez Perkins Coie avant de reprendre du service pour le Comité national démocrate et Barack Obama durant sa seconde campagne en 2012. Il rempile en 2020 et en 2024 aux côtés de Joe Biden cette fois-ci, avant de rejoindre l’équipe de Kamala Harris après le désistement de Joe Biden. L’un de ses grands faits d’armes : gérer le scandale des documents classifiés conservés illégalement par Joe Biden, rapporte le New York Times. Professeur de droit et chercheur éminent en résidence à la faculté de droit de l’université de New York, codirecteur de la Legislative and Regulatory Process Clinic du même établissement, il donne des cours sur le rôle de l’avocat dans la vie publique, les questions de transparence dans les gouvernements ou encore, en période électorale, les défis des réformes politiques. L’avocat a coécrit avec Jack Goldsmith After Trump: Reconstructing the Presidency (2020) et a publié en juin dernier The Unraveling - Reflections on Politics without Ethics and Democracy in Crisis. “Bob était un membre essentiel de l'équipe de la Maison-Blanche ”, a déclaré Barack Obama au journal Politico. Il a un jugement, une sagesse et une intelligence exceptionnels, et il continuera d'être l'un de mes proches conseillers.” Et de conclure qu’au-delà d’être un “conseiller de confiance”, c’est un “bon ami”.
Seth P. Waxman, actuellement associé au sein du cabinet WilmerHale, s’est forgé quant à lui une longue expérience des litiges impliquant les gouvernements et les politiques publiques. Au cours de sa carrière, il a eu l’occasion de représenter des gouvernements locaux, des États américains et même le gouvernement fédéral, et leurs cadres. Les juges la Cour suprême des États-Unis ont eu l’occasion de le voir plaider devant eux à 85 reprises. Propriété intellectuelle, droit pénal, droit commercial et regulatory n’ont aucun secret pour cet ancien solliciteur général des États-Unis (quatrième dans la hiérarchie du Department of Justice) sous la présidence Clinton. Depuis 2008, Seth P. Waxman siège au comité exécutif de Harvard, dont il a été président du conseil d’administration de 2010 à 2011. Membre du Georgetown University Law Center, il siège également dans plusieurs institutions professionnelles – dont l’American Bar Law Association –, éducatives et culturelles. Celui qui donnait des cours de photographie à ses pairs lorsqu’il fréquentait la faculté tient des conférences et écrit régulièrement sur des sujets liés à l’histoire et la doctrine constitutionnelle, au premier amendement ou encore à la Cour suprême.
Donald B. Verrilli Jr., associé au sein de Munger Tolles & Olson, fondateur de l’antenne du cabinet à Washington DC, a, comme Bob Bauer, conseillé Barack Obama. Et compte parmi sa clientèle des secrétaires de cabinet et des hauts fonctionnaires qu’il aiguille sur des questions relatives à la sécurité nationale, la réglementation économique ou encore la politique intérieure. Solliciteur général des États-Unis à l’instar de Seth P. Waxam, mais durant le mandat d’Obama, il a livré quelque 70 plaidoyers devant la Cour suprême des États-Unis. Après avoir enseigné pendant de nombreuses années au Georgetown University Law Center, Don Verrilli comme on l’appelle également donne désormais des cours à la Columbia Law School à propos de la plus haute cour du système judiciaire américain et sur le premier amendement.
John Devaney pour sa part est associé du cabinet Perkins Coie et épaule Kamala Harris depuis quelques années. Il se tenait déjà aux côtés du “ticket“ Joe Biden-Kamala Harris tout juste élu en 2020 dans les procédures de recomptage et de contestation des élections dans plusieurs États. Et avant cela, dans les litiges préélectoraux concernant les votes par correspondance. Quand il ne s’occupe pas de la vie politique, il intervient dans des dossiers de droit des assurances et de contentieux d’affaires.
Last but not least, Marc Elias. Ancien associé du cabinet Perkins Coie où il dirigeait le département Political Law, il est le fondateur d’Elias Law Group consacré aux campagnes électorales et du site Democracy Docket. C’est le dernier avocat à avoir rejoint l’équipe juridique de Kamala Harris. Il travaille depuis de nombreuses années pour le parti démocrate et ses nombreuses branches. Parmi ses clients, des présidents de la Chambre des représentants et du Sénat. Il en est à sa quatrième campagne électorale, après celle du sénateur Alan Franken en 2008 au Minnesota, de Hillary Clinton en 2016 et de Kamala Harris en 2020. Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, dit de lui dans un épisode de son podcast War Room qu’il est “le mal à l’état pur” mais que c’est un professionnel “intelligent, coriace”, “un combattant [qu’il] admire”.
Pléthore de cabinets
Autres figures de l’ombre de la vie politique américaine : les avocats des partis. Il y a le jusqu’au-boutiste Benjamin Ginsberg qui a représenté le parti républicain, et certaines de ses grandes figures comme George W. Bush lors des campagnes de 2000 et 2004, ou encore Mitt Romney lors de la campagne de 2008, qui a mis un terme à sa collaboration avec le parti conservateur depuis que celui-ci soutient Donald Trump selon le New York Times. Le parti républicain peut toujours s’appuyer sur les avocats des cabinets Dickinson Wright, Nelson Mullins Riley & Scarborough, Baker Donelson Bearman Caldwell & Berkowitz, Holtzman Vogel, Consovoy McCarthy et Jones Day. Emblématique du Grand Old Party, ce dernier, avait pris ses distances avec Donald Trump mais serait revenu sur sa décision selon Bloomberg Law. Son avocat phare en matière de droits civils, en particulier du droit de vote, John M. Gore, a occupé l’un des postes clefs de la Maison-Blanche sous le mandat de Donald Trump. Et c’est un féroce adversaire de Marc Elias peut-on lire sur le site Law 360.
Les démocrates, eux, collaborent avec des cabinets comme Perkins Coie, Wilmer Cutler Pickering Hale and Dorr (WilmerHale), Arnold & Porter, Akin Gump Strauss Hauer & Feld, Greenberg Traurig, Preti Flaherty Beliveau & Pachios Chartered et Dentons Cohen & Grigsby. Cabinet historique du parti, Perkins Coie a fourni pour cette campagne pas moins de trois avocats aux démocrates : Robert Bauer, Marc Elias et John Devaney.
Chloé Lassel