Avec 120 start-up financées à son actif, Christophe Courtin est l’un des business angels les plus prolifiques de France. Ce serial entrepreneur ne porte pas aux nues les licornes et croit davantage aux sociétés rentables.

À la tête de quatre sociétés, Christophe Courtin, 46 ans, est un serial entrepreneur. Ce qui motive depuis toujours ce fils de commerçants n’est pas tant l’entrepreneuriat qu’un désir profond d’être libre et donc de se mettre en position de décider. Étudiant en deuxième année à Dauphine, il lance une première start-up mais le contexte économique n’est pas porteur. Qu’à cela ne tienne, il retente sa chance deux ans plus tard en créant Best-Price qu’il revend 400 000 euros. Un succès très vite oublié puisqu’il perdra en Bourse pratiquement tout le fruit de ses efforts. "J’ai rapidement connu échecs et succès, ce qui m’a appris qu’il faut le bon momentum pour lancer un projet et lever des fonds afin de réussir."

Frugalité et rentabilité

La société qui le fera décoller ? Santiane, un comparateur d’assurance santé nouvelle génération. En cinq ans, l’entreprise créée en 2007 passe de 0 à 350 collaborateurs. En dix ans, elle devient le premier courtier en assurance et sera revendue 100 millions d’euros en plusieurs fois. Christophe Courtin doit sa fortune au fait d’avoir levé très peu de fonds, ce qui lui a permis de rester propriétaire de 91 % capital jusqu’à la cession. "Plutôt que de diluer son capital à chaque tour de table, je préfère bâtir une start-up rentable et gérée de manière frugale dès le départ. Ce qui compte vraiment, c'est ce qu'il reste au fondateur à la fin !"

En 2015, il lance d’une part Courtin Investment, qui met des tickets de 150 000 euros dans des start-up, et d’autre part Courtin Promotion qui réhabilite d’anciens bâtiments notamment en les rendant écoresponsables. Son coup de génie ? Avoir investi à quelques kilomètres de son nouveau chez lui à Mougins. "À Paris, la concurrence est féroce sur chaque dossier immobilier, tandis qu’à Sophia Antipolis, je suis presque le seul. J’y ai réalisé mon premier investissement à 8 millions d’euros en 2018 et l’ai revendu pour 16 millions moins d’un an plus tard. Depuis j'ai réalisé des opérations bien plus ambitieuses." En six ans, le dirigeant construit 80 000 m2 pour une valeur de 300 millions d’euros. Parmi ses réalisations, le siège de MXP ou un site pour Bombardier. En 2024, il met sur pied SaasOffice, plateforme de gestion d’espaces de travail partagés.

Sa Cible ? La proptech

"Là où la plupart des gens voient des crises, je vois des opportunités de marché." Christophe Courtin rappelle qu’il investit de manière contracyclique : durant la pandémie de Covid, il lance Flex-o, des espaces de bureaux flexibles alors que le télétravail n’était pas encore développé sur la durée. La société compte déjà dix-huit implantations et vise la cinquantaine d’ici à cinq ans. Christophe Courtin continue par ailleurs d’investir dans des start-up bien que le marché soit moribond. "Depuis 2024, je n’ai jamais vu autant de casse, et 2025 s'annonce encore plus difficile, malgré une baisse des taux d’intérêt. Il faudra du temps pour retrouver du dynamisme dans le private equity", commente celui qui a pour mentors Xavier Niel et Jacques Veyrat dont il loue la capacité à lancer des projets totalement ou en grande partie auto-financés et diversifiés.

"Depuis 2024, je n’ai jamais vu autant de casse, et 2025 s'annonce encore plus difficile, malgré une baisse des taux d’intérêt"

Bien qu'il ait prouvé sa capacité d'exécution par le passé, le dirigeant doit encore prendre son bâton de pelerin pour expliquer ses nouveaux projets. "Malgré mon expérience dans divers secteurs complémentaires en immobilier (promotion, hospitality, SaaS), je dois souvent repartir de zéro pour convaincre les banques. Mais au final, elles voient que je maîtrise parfaitement ces nouvelles activités et que les résultats sont florissants et conformes à mes prévisions." L’an dernier, Christophe Courtin décidait de centrer Courtin Investment sur les proptech. "Je préfère investir de plus gros montants dans des entreprises dont je comprends parfaitement le business et avec lesquelles je peux créer des synergies, plutôt que de disperser des petits tickets dans des secteurs inconnus."

Visions respectées

Christophe Courtin estime qu’il faut faire confiance aux entrepreneurs et à leur vision. C’est pourquoi, il aime construire des ponts entre les fonds et les startuppers. "Ils n’ont pas le même point de vue. Les investisseurs se focalisent sur les résultats financiers, tandis que les entrepreneurs défendent leur vision. Les tensions apparaissent quand l'entrepreneur veut pivoter, car les fonds n'acceptent pas facilement de remettre en cause le business plan financé." En revanche, Christophe Courtin est attaché à une constante : les personnes sur lesquelles il mise doivent se montrer dignes de confiance. Car, si les erreurs sont presque impossibles à éviter quand on prend des risques, la loyauté et la droiture doivent demeurer des incontournables.

Olivia Vignaud

Photo : Christophe Courtin sur le rooftop de Flex-o Sophia Antipolis Centrium. Centrium est un programme construit et exploité par Groupe Courtin qui a reçu le Grand Prix SIMI en décembre 2023.

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