Thierry Déau est l’un des plus importants acteurs des infrastructures dans le monde, un marché sur lequel il investit à travers Meridiam, créé en 2005. Visionnaire, il privilégie les projets greenfield et a le regard tourné vers l’Afrique et le nouveau marché de la transition énergétique.

Décideurs. Quels sont les facteurs de succès ou d’échec, en France, dans le montage d’une opération sur le marché des infrastructures ?

Thierry Déau. Ce qui est particulièrement important en France, c’est la bonne allocation des risques entre le public et le privé. Depuis la création de Meridiam en 2005, nous militons pour un dialogue franc entre les deux secteurs pour éviter les mauvaises surprises, et nous faisons beaucoup de pédagogie. Nous ne nous engageons que dans des projets pour lesquels il est clair que nous avons une valeur ajoutée en termes de gestion des risques. La mauvaise publicité de certains projets mal conçus ne doit pas entacher l’outil PPP, qui reste un outil d’avenir de la commande publique pour mener à bien la transition écologique ou encore pour favoriser les mobilités de demain.


Décideurs. Quels sont les grands axes de votre stratégie d’investissement en France, sur ce marché, en 2016 ?

T. D. Nous sommes en phase basse du cycle pour certain type d’infrastructures (comme les LGV ferroviaires ou les autoroutes). En revanche un nouveau marché tourné vers les enjeux de la Transition énergétique émerge. A ce titre, les suites de la COP 21 auront une grande importance. Par ailleurs, le gouvernement a confirmé sa confiance dans les montages de type PPP à travers l’ordonnance Marchés publics, qui entrera en application au plus tard en avril 2016. Dans un contexte de mutation, nous accompagnons les collectivités dans la maturation de leurs projets d’investissement en infrastructures. Mais la France n’est pas une île : l’Europe y est une influence majeure comme en témoigne le projet Port de Calais, le premier à avoir bénéficié du soutien de la Commission européenne dans le cadre du Plan Juncker. En lien avec les différents échelons, collectivités, Etat et Commission, nous allons continuer à chercher des projets qui répondent à un besoin social identifié et durable, qui soient portés par des élus et des administrations au clair avec les règles du jeu du PPP, et enfin qui s’inscrivent dans une logique de préparation de l’avenir.


Décideurs. Que recherchent principalement les investisseurs, selon vous, lorsqu’ils s’exposent à la classe d’actif infrastructure ?

T. D. Ils cherchent une diversification de leur portefeuille d’actifs dans un premier temps. Ensuite, ils cherchent à bâtir des stratégies intelligentes pour répondre aux besoins d’économies nationales qui, sans investissements dans les infrastructures, vont vite voir leur potentiel de croissance diminuer. De ce point de vue la Place de Paris a un rôle considérable à jouer pour drainer les investisseurs vers une finance utile, et donner à la classe d’actif infrastructure un territoire de référence.

 

 

Décideurs.  Quelle est, selon vous, la région la plus prometteuse dans le monde pour votre stratégie d’investissement sur le marché des infrastructures ?

T. D. Il y a quelques années, en décalage par rapport à l’engouement qui s’exprimait alors pour l’Asie, Meridiam a fait le choix de l’Afrique. Nous étions convaincus alors qu’en établissant des partenariats de confiance avec des administrations résilientes, nous ferions émerger des projets robustes dans des secteurs d’avenir, notamment les transports, les énergies renouvelables et l’éducation supérieure. Aujourd’hui, notre présence dans des projets emblématiques au Sénégal (centrale solaire), à Madagascar (aéroports) et en Côte d’Ivoire (universités) nous conforte dans ce choix de privilégier le temps long de la maturation et donc de l’efficacité.


Décideurs. Vous contribuez à redéfinir la classe d’actif infrastructure, en l’ouvrant à de nouveaux secteurs. Est-ce, selon vous, important de faire bouger les lignes sur ce marché ?

T. D. On en reste encore souvent à une conception des infrastructures qui fleure bon le XIXe siècle : des ponts, des routes et au mieux des rails. Ces infrastructures restent d'actualité. Relèvent toutefois aussi de cette classe d’autres actifs matériels qui contribuent à la structuration et à la cohésion sociale. Une université, un hôpital, sont aussi décisifs pour la santé économique et morale d’un pays que ne l’est un barrage, pour autant qu'ils soient structurés en s'appuyant sur un schéma contractuel robuste. Ce à quoi nous sommes attachés également, c’est aux effets induits : à rebours d’une conception monumentale de l’infrastructure qui chamboulerait la totalité de son environnement, nous pensons que les projets d’infrastructures doivent être conçus et pensés en prise avec les enjeux sociaux et environnementaux d’un territoire. D’où l’importance que nous accordons à l’ESG.

 

Décideurs. Que recherchent aujourd’hui les investisseurs internationaux lorsqu’ils s’exposent à la classe d’actif infrastructure ?

T. D. D’abord ils cherchent à sortir du monde de la volatilité. Les infrastructures ramènent du temps long et de la stabilité dans les rendements. Mais ensuite, il y a aussi une prise de conscience de la part de beaucoup d’investisseurs : avec le changement climatique notamment, les infrastructures deviennent un investissement stratégique. A titre d'exemple, contribuer à la transition énergétique via des investissements dans l’efficacité énergétique, dans les services énergétiques locaux (notamment dans les réseaux de chaleur ou encore la valorisation énergétique de déchets) ou encore dans les réseaux électriques, c’est s’assurer dans le même temps que demain il y aura encore un monde économiquement viable.

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