L'année écoulée a vu les énergies renouvelables accomplir une belle progression, et l'État a donc décidé de multiplier les appels d'offres pour entretenir la dynamique. Cependant, certaines filières voient planer au-dessus d'elles une nouvelle menace : « la neutralité technologique ».

« Une belle année 2015 et de bonnes perspectives pour 2016 », voilà, en substance, le message qu'a fait passer Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), au cours de son colloque annuel du 4 février dernier. Accompagnées d'un contexte favorable, tant sur le plan national avec la loi de transition énergétique, que sur la scène internationale avec le tout récent accord de Paris sur le climat, les énergies renouvelables (EnR) surfent actuellement sur une bonne dynamique, avec un parc d'installations de production d’électricité renouvelable raccordées ayant progressé de 1 999 mégawatts (MW) sur l'année 2015. De plus, l'arrivée à maturité des technologies éolienne et photovoltaïque, associée à une cote de popularité des EnR au plus haut auprès d'une opinion publique de plus en plus sensible au problèmes du réchauffement climatique, rend le contexte plus favorable que jamais pour opérer des investissements de masse dans le secteur. Et c'est chose faite avec la publication imminente de la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), pour la période 2016-2018, annoncée à l'occasion de ce même colloque par Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, et Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au sein de ce même ministère. Objectifs de cette PPE : une puissance installée entre 14,3 et 15 gigawatts (GW) pour l'énergie éolienne et entre 9 et 10 GW pour l'énergie solaire. Ces seuils devraient être revus à la hausse à l'occasion de la PPE suivante, cette fois-ci fixée pour cinq ans (2018-2023).

 

L'État lance de nombreux appels d'offres

Pour remplir ces objectifs ambitieux, l'État va multiplier les appels d'offres, tout d'abord sur les énergies dites « matures », c'est-à-dire l'éolien et le solaire. Un premier appel d'offres, concernant les grandes centrales solaires photovoltaïques au sol, portera sur une capacité de « 1 000 MW en deux tranches par an », puis un second visera les installations sur toitures pour un volume de « 450 MW en trois tranches par an ». Ils seront lancés au premier trimestre 2016. Mais les pouvoirs publics n'ont pourtant pas oublié d'autres technologies qui tâtonnent encore, avec l'annonce d'un ambitieux « appel d'offres biomasse », portant sur un volume de 10 MW par an pour le lot méthanisation et de 50 MW par an pour le lot bois-énergie, dont 10 MW réservés à des petits projets de moins de 3 MW. Reste le troisième appel d'offres portant sur l'éolien offshore qui traîne en longueur et pourrait se voir reporté après l'élection présidentielle de 2017. On peut tout de même souligner le volontarisme des pouvoirs publics de soutenir ainsi la filière EnR, alors que la chute des prix de gros de l'électricité et du brut pourraient inciter à plus de frilosité. Cependant, une menace pourrait doucher l'enthousiasme ambiant sur le renouvelable. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, celle-ci n'est pas française mais européenne.

 

La diversification des EnR, une nécessité

Cette menace, c'est celle de la « neutralité technologique ». Portée par la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne, elle s'appuie sur le principe communautaire qui stipule que la loi ne doit pas privilégier l'utilisation d'une technologie au détriment d'une autre. À partir du 1er janvier 2017, les appels d'offres énergétiques en Europe ne seraient ainsi guidés que par le seul critère prix. Une mesure qui aux membres de cette Direction de se voir qualifiés « d'ayatollahs de la concurrence pure et dure » par un Jean-Louis Bal remonté. Au-delà de la menace évidente pour les énergies renouvelables non matures encore en développement, à savoir la biomasse, l'éolien offshore et autres énergies marines, c'est surtout courir le risque de voir fleurir d'immenses champs solaires au sud du continent alors que le Nord accaparerait toute la production d'électricité éolienne. À l'heure où l'interconnexion entre les différents pays du continent tend à se généraliser, c'est au contraire la diversification et la complémentarité des sources de production qui apparaissent comme les meilleures garantes de la sécurité de l'approvisionnement électrique et qui permettront de tendre vers un mix décarboné. La balle est désormais du côté de Bruxelles, li serait bon de se remémorer les effets désastreux causés à l'économie espagnole par la « bulle solaire » des années 2000.

 

Boris Beltran

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